Fin du numerus clausus : "On ne va pas résoudre le problème des déserts médicaux"
C'est le cauchemar des étudiants en médecine... La première année et son concours ultra-sélectif. En cause, le numerus clausus, une limitation du nombre d'étudiants autorisés à passer en deuxième année. Le gouvernement pourrait décider prochainement de supprimer ce système mis en place il y a près de cinquante ans.
Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CMSF, la Confédération des syndicats médicaux français, répond aux questions du Magazine de la santé.
- Pourquoi ce numerus clausus avait-il été instauré en 1971 ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "C’était basé sur une idée extrêmement simple, mais tellement simple qu’elle en est ridicule aujourd’hui : moins il y a de médecins, moins il y aura de prescriptions médicales et cela va permettre de maîtriser les dépenses de santé. Les gouvernements de droite comme de gauche ont diminué le numerus clausus jusqu’à 3.500 étudiants en deuxième année. Les difficultés que les Français ont aujourd’hui pour accéder à un médecin traitant ou obtenir un rendez-vous chez un spécialiste sont la conséquence de ces politiques malthusiennes des années 90."
- Que pensez-vous de l'idée de supprimer le numerus clausus ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "Ce n’est pas en supprimant le numerus clausus aujourd’hui que l’on va résoudre le problème des déserts médicaux ! Il y a deux problèmes. D’abord, il faut 10 à 12 ans pour former un médecin. Le deuxième problème, c’est qu’aujourd’hui, le métier de médecin libéral attire peu les jeunes générations donc il faut mieux valoriser notre métier, donner les moyens à la médecine de ville et éviter que notre système de santé soir trop « hospitalo-centré » parce qu’aujourd’hui, tout dysfonctionne. L’hôpital va mal et la médecine de ville va mal aussi."
- La première année de médecine telle qu'elle est organisée aujourd'hui est-elle adaptée ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "C’est une aberration pédagogique ! Avec ce concours tel qu’il est fait aujourd’hui, on sélectionne les matheux sur des QCM et c’est uniquement du bachotage. Il faut revoir la forme de la sélection mais on ne va pas déréguler le nombre de médecins formés. Tous les pays européens régulent le nombre de médecins formés, certains avant de rentrer à la faculté, d’autres au bout de trois années d’études communes qui ouvrent la voie à d’autres métiers de la santé mais aussi dans d’autres secteurs scientifiques. Voilà peut-être ce vers quoi il faut aller. Mais ce sont toutes les études médicales qu’il faut réformer. Ce qui importe c’est que l’on forme des médecins de qualité."
- Que proposez-vous pour résoudre le problème des déserts médicaux ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "On ne va pas résoudre le problème des déserts médicaux en augmentant aujourd’hui le nombre d’étudiants. Il faut accompagner le métier de médecin. Par exemple, seulement un tiers des médecins généralistes ont une secrétaire dans leur cabinet. Il faut donner des assistants médico-techniques aux médecins généralistes et aux spécialistes de proximité. Il faut revaloriser cette médecine de proximité pour éviter le recours à l’hôpital pour tout et n’importe quoi. Il faut recentrer l’hôpital sur sa vraie mission de référence et de performance."
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