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Tribune Violences médicales : des étudiants en santé dénoncent l'impunité des médecins

À la suite de diverses affaires de violences médicales, impliquant des soignants ou des médecins, des étudiantes et étudiants en santé regroupés au sein d'associations et de collectifs publient sur franceinfo une tribune pour apporter leur soutien aux victimes et demander une meilleure formation contre ces abus et dérives.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un médecin dans le couloir d'un hôpital de Nancy (Meurthe-et-Moselle) le 30 octobre 2020. Illustration  (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Dans une lettre ouverte adressée au ministre de la Santé Olivier Véran, à la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal, au directeur de l'AP-HP Martin Hirsch et aux membres de la Conférence des doyens des facultés de médecine, des étudiants en santé dénoncent "un système qui protège les médecins agresseurs" et qui "érige la violence en norme". 
Les signataires, associations, collectifs et syndicats, s'expriment ici librement. Le titre et l'intertitre sont de la rédaction de franceinfo.


Nous, étudiant·e·s en santé, voulons dénoncer et rompre avec un système médical oppressif, obsolète et violent, qui protège les médecins agresseurs et refuse de se remettre en question. Nous voulons rompre le silence et l’omerta autour des violences médicales dont nous sommes témoins ou victimes lors de nos stages hospitaliers ; en gynécologie où elles revêtent une importance et une violence particulière, mais également en médecine ou en chirurgie.

Nous voulons rompre avec une logique visant à culpabiliser et remettre la faute sur les patient·e·s. Nous sommes convaincu·e·s de l’importance d’une relation soignant.e-soigné.e plus égalitaire, où les notions de respect, d’écoute et de consentement aux examens et aux soins sont primordiales. Notre savoir et notre expertise de soignant·e·s ne légitiment en rien des attitudes violentes ni des propos racistes, sexistes, homophobes, validistes, classistes, grossophobes ou transphobes.

Nous avons conscience que certaines de nos actions en tant qu'étudiant·e·s en santé, notamment celles issues des traditions "carabines" (fresques, bizutages au week-end d'intégration, etc) sont aussi violentes et que la remise en question ne doit pas nous épargner. Nous soutenons et croyons les patient·e·s qui témoignent de propos, actes violents ou agressions en provenance du corps médical.

Nous voulons rompre avec un système éducatif qui érige la violence en norme. En effet, ces études basées sur le compagnonnage et une hiérarchie forte nous laissent très dépendant·e·s des senior·e·s avec lesquel.le·s nous nous trouvons, eux.elles-mêmes généralement peu formé·e·s sur ces sujets, voire violent·e·s. Ce même système de compagnonnage rend tout avis divergent difficilement formulable ou entendable, par pression pour les postes, les concours ou par contrainte des médecins dépositaires des postes de pouvoir.

Mieux former pour limiter les violences et les discriminations médicales

Nous demandons donc une plus grande implication des facultés, souvent peu aménagées et formées pour nous accompagner. Nous demandons plus de formations pour les étudiant·e·s mais aussi pour les médecins titulaires tenu·e·s de nous enseigner les notions de bientraitance, de consentement aux soins et de bonnes pratiques pour limiter les violences et les discriminations médicales (comme recommandé dans le rapport du Haut Conseil à l'Égalité datant de 2018). Pour cela des cours de sciences humaines et sociales, donnés par des enseignant·e·s-chercheur.euse·s du domaine et par des usager.e·s du système de soin, ainsi que des cours par des soignant·e·s d'autres fllières (par exemple : sage-femmes en gynecologie-obstétrique, kinésithérapeutes en médecine-physique et réadaptation…) sont indispensables pour sortir les étudiant·e·s et médecins de l'entre-soi du milieu médical.

Nous demandons également aux facultés plus de transparence et de communication au sujet des différentes enquêtes internes (notamment l’affaire Tenon) qui se déroulent actuellement à huis clos, sans étudiant·e·s, sans patient·e·s, sans compte-rendus et avec peu de conséquences apparentes.

Nous demandons enfn l'utilisation de procédures spécifques et la création de comités indépendants des facultés, de l’Ordre des Médecins et des professionnel.le·s de santé pour recevoir les plaintes des patient·e·s et les témoignages des étudiant·e·s en santé au sujet des violences qui ont lieu dans le domaine médical.

Les signataires :

Étudiantes et étudiants en santé (plus de 1 000 à ce jour).
Stop VOG, association de lutte contre les violences obstétricales et gynécologiques.
Pour une MEUF, association de soignant·e·s féministes.
ANCRés, A nos corps résistants (endométrioses, lutte et savoirs partagés).
Paye ton gynéco.
CoMPAS, Collectif de militant·es, professionnel·les, et acteur·rices en santé
AAERS, association adénomyose et endométriose pour la recherche scientifique.
Union syndicale Solidaires, union interprofessionnelle de syndicats rassemblant ceux et celles qui luttent pour leurs revendications et pour la transformation sociale.
Sud Santé Sociaux Toulouse.

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