Piste de vaccin contre la maladie de Lyme : "Si la tique mord une personne vaccinée, elle ne pourra plus en contaminer d'autres", assure un chercheur

Des scientifiques de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ont mis au point une méthode pour éviter la transmission de la maladie, en perturbant le microbiote de la tique, selon une étude parue lundi.
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Une tique sur une feuille. Certaines tiques hébergent la bactérie "Borrelia", responsable de la maladie de Lyme, et la transmettent via leur morsure. (VANESSA MEYER / MAXPPP)

Une piste prometteuse pour venir à bout de la maladie de Lyme. Cette pathologie, également appelée borréliose de Lyme, est provoquée par une morsure de tique porteuse de la bactérie Borrelia et est particulièrement fréquente entre les mois de juin et octobre. En 2021, "on estime que près de 47 000 cas ont été diagnostiqués en médecine générale, soit une incidence de 71 cas pour 100 000 habitants", précise Santé publique France dans une étude publiée en mai, ajoutant qu'"environ 810 cas sont admis à l'hôpital chaque année".

>> Maladie de Lyme : comment fonctionne le premier vaccin anti-tique pour les animaux ?

Pour la première fois, une équipe de chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), en collaboration avec l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), a trouvé une piste de vaccin très prometteuse, publiée dans la revue scientifique Microbiome lundi 24 juillet. Franceinfo a interrogé le chercheur à l'initiative de cette avancée, Alejandro Cabezas-Cruz.

Franceinfo : en quoi consiste votre récente découverte ?

Alejandro Cabezas-Cruz : elle est une rupture totale avec le paradigme classique de vaccination, qui cible un agent pathogène spécifique à l'origine d'une maladie. Le concept repose sur un vaccin qui perturbe le microbiote [les micro-organismes présents dans les intestins] de la tique. Cela veut dire que nous avons injecté à des souris une bactérie, inoffensive dans ce contexte, qui agit comme cheval de Troie. Une fois dans l'organisme, cette bactérie provoque la fabrication d'anticorps par la souris. Si la souris est ensuite mordue par une tique, ces anticorps interagissent avec le microbiote de la tique et le modifient.

Avec cette nouvelle approche, nous ne ciblons pas un agent pathogène, mais son interaction avec le microbiote du vecteur de la maladie, en l'occurrence la tique, pour bloquer le pathogène qu'elle transmet. C'est une approche indirecte, car notre objectif est de modifier le microbiote de la tique, où se trouve la bactérie Borrelia, pour bloquer le développement du pathogène responsable de la maladie de Lyme.

En quoi cette technique est-elle révolutionnaire ?

Nous sommes le premier groupe au monde à travailler avec une technologie qui cible le microbiote de la tique et pas l'agent pathogène à l'origine de la maladie de Lyme. L'avantage de cette approche, c'est qu'elle peut s'appliquer à tous les vecteurs transmetteurs de pathogènes, comme les tiques, les moustiques et d'autres insectes et arthropodes. Elle peut aussi bien s'appliquer aux animaux qu'aux êtres humains.

Ce vaccin est aussi le premier qui, en plus de protéger l'individu, empêche la prolifération de la bactérie. En d'autres termes, si nous avions mis au point un vaccin classique contre la borréliose de Lyme, les personnes vaccinées mordues par des tiques seraient protégées contre cette maladie, mais la tique pourrait piquer d'autres individus non vaccinés et les infecter. Or, avec le vaccin que nous développons, l'intérêt est que si la tique mord une personne vaccinée, elle ne pourra plus en contaminer d'autres. 

"Ainsi, ce vaccin ne sert plus uniquement à immuniser des individus contre une maladie, mais à faire en sorte que le vecteur ne puisse plus transmettre la maladie."

Alejandro Cabezas-Cruz

à franceinfo

C'est un espoir pour toutes les maladies transmises par des vecteurs, comme le chikungunya, Zika ou encore la dengue [le paludisme fait aussi partie de ces maladies transmises par les moustiques].

Comment vous est venue cette idée ?

En 2020, de manière totalement incongrue. J'ai rêvé d'un article que j'avais rédigé cette année-là, intitulé "Résistance du microbiome intestinal des tiques aux vaccins anti-tiques, aux infections pathogènes et aux peptides antimicrobiens". Dans ce rêve, tous les mots du titre ont disparu et il ne restait plus que deux termes essentiels : "microbiome intestinal des tiques" et "vaccins anti-tiques". En me réveillant, j'ai fusionné les deux termes et réalisé que personne n'avait encore tenté de cibler le microbiote des tiques comme approche vaccinale. Puis, nous avons testé cette intuition scientifiquement et ce test a donné ce résultat prometteur.

Quels sont les obstacles qu'il vous faudra dépasser pour que ce vaccin soit produit ?

Pour l'instant, le principal problème est qu'il faut inoculer, à l'aide d'une injection, une bactérie dans son intégralité. Or, pour des raisons de sécurité sanitaire, il vaut mieux ne pas injecter une bactérie, mais plutôt une de ses molécules. Il faut donc que nous cherchions laquelle sera la plus adaptée. Ce ne sera pas difficile, mais il faut que nous la trouvions.

Existe-t-il des effets secondaires ?

Pour l'instant, nous n'avons relevé aucun effet secondaire indésirable. Et nous n'avons pas non plus relevé de changements au sein du microbiote des animaux vaccinés (en l'occurrence, des oiseaux et des souris). 

Quand pourra-t-on se faire vacciner ?

C'est une question à laquelle il est encore difficile de répondre. Dans un schéma classique, ce vaccin pourrait être utilisé dans neuf ou dix ans. Toutefois, on pourrait l'utiliser avant ce délai sur des animaux d'élevage, également en proie à des morsures de tiques. Cela prendrait moitié moins de temps : de trois à cinq ans, selon les investissements et les fonds qui seront mobilisés. Pour l'instant, ce n'est pas encore une révolution, car je ne sais pas dans quelle mesure ce vaccin fonctionnera.

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