Malaise à La Poste
Certains sites étaient en grève dès mardi 8 novembre 2016. Dans le centre de tri postal de Wissous, en banlieue parisienne, les syndicats CGT, CFDT, FO et SUD-PTT ont appelé les salariés à cesser le travail. Principale revendication : pourvoir les 23 postes vacants du centre. Ce manque d'effectifs dégraderait les conditions de travail et aurait des conséquences sur la santé des postiers.
Des gestes répétitifs qui entraînent des troubles musculo-squelettiques
Alain Pilard, délégué CGT, explique : "Il est prévu par la médecine du travail locale qu’il y ait une gestion des effectifs qui se fasse par demi-vacation. Une journée de travail est divisée en deux avec une sollicitation sur des postes difficiles la moitié du temps et, l’autre moitié du temps, sur des postes moins sollicitants au niveau des articulations. Aujourd’hui, cette rotation n’est plus assurée parce qu’il y a une insuffisance de moyens humains."
Laurence Morillon est agent de production à La Poste à Wissous. A cause de gestes répétés, elle souffre de troubles musculo–squelettiques (TMS). "Il m’est arrivé une tendinite du coude gauche avec une calcification et un épanchement à force de travailler et de faire les mêmes gestes répétitifs. Je me suis trouvée en arrêt de travail 4-5 mois. Après j’ai repris en temps partiel thérapeutique. Donc, ça handicape vraiment pour tout au quotidien."
Des cabinets d'experts de la santé au travail tirent la sonnette d'alarme
La plateforme de Wissous est loin d’être un cas isolé. Depuis plusieurs années, le cabinet de Fréderic Doniczka mène des expertises à La Poste pour le compte des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le mois dernier, en discutant avec d'autres cabinets, il se rend compte que quelque chose dysfonctionne dans l’entreprise. "Quand nous leur avons dit que nous étions assez stupéfaits de l’état des lieux, nos collègues nous ont dit 'oui, c’est l'horreur'".
Plusieurs cabinets décident alors d'envoyer une lettre à la direction de La Poste pour l'alerter. Dans ce document, ils écrivent : "La situation est préoccupante du fait de la rapide dégradation de l’état de santé des agents". Fréderic Doniczka explique : "Dans les éléments les plus marquants, il y a des échanges lors d’entretiens avec des médecins du travail qui indiquent ne plus pourvoir réussir à construire des solutions pour les agents avec les directions d’entreprise. Ces médecins connaissent les pathologies dont souffrent les agents, ils proposent des aménagements de poste dans le respect du secret médical . Mais, ces aménagements sont refusés alors qu’ils savent qu’ils sont possibles ".
Fréderic Doniczka donne un autre exemple : les présidents de CHSCT refusent de discuter des analyses des cabinets et des propositions de prévention qu’ils font. "La première fois qu’on rencontre ça, on est assez étonné. Quand ça devient sur la moitié des dossiers qu’on fait, on sait que c’est vraisemblablement une instruction nationale." La Poste doit aussi faire face à une vague de suicides chez les salariés : neuf cas en trois ans. Sollicitée, la direction de La Poste n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Un malaise qui n'est pas nouveau
Déjà, en 2012, le magazine mutualiste "Santé et Travail" faisait sa une sur La Poste. Son rédacteur en chef, François Desriaux, confirme : "Le malaise, c’est une organisation du travail, ce sont des changements permanents, des restructurations, des gens qui ne s’y retrouvent pas, des gens qui ne se reconnaissent plus dans ce qu’ils font. Cela débouche sur un conflit de valeurs, une intensification des taches. Il y a de moins en moins d’agents. C’est tout ça qui fait qu’il y a un malaise."
Face à ces restructurations mal vécues par les salariés, le mois dernier, la direction de La Poste a décidé d’anticiper les négociations sur les conditions de travail des facteurs et des manageurs.
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