Ventoline, amoxicilline, antidiabétiques... On fait le point sur la pénurie de médicaments
C'est la deuxième rupture du printemps. Depuis la première semaine de juin, la Ventoline est en tension d'approvisionnement dans de nombreuses pharmacies. Mercredi 12 juin, Bruno Maleine, qui gère une officine à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), constate que ce médicament bronchodilatateur utilisé pour lutter contre l'asthme, une maladie respiratoire qui touche environ 4 millions de Français selon l'Inserm, "est indisponible chez tous [ses] fournisseurs". Et "quand il y en a, elle est contingentée", s'agace Fabrice Camaïoni, vice-président de la Fédération des pharmaciens d'officine (FSPF). "Nous ne recevons pas les quantités demandées, ce qui est très difficile à gérer pour nous et nos patients."
En l'absence de Ventoline, le pharmacien voudrait orienter les patients asthmatiques vers des alternatives. Mais "par effet dominos, ces médicaments ne sont plus disponibles non plus", regrette Fabrice Camaïoni. Ce manque de Ventoline inquiète particulièrement les pharmaciens, en pleine période d'allergies. La quasi-totalité de l'Hexagone est placée en risque élevé (sauf le Finistère) aux pollens de graminées, "qui sont très abondants dans l'air et viennent gêner fortement les allergiques en ce mois de juin", note le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) dans son dernier bulletin.
Or, souligne l'Inserm, les allergies sont un facteur de risque de crises d'asthme. C'est pourquoi Patrick Raimond, pharmacien dans les Bouches-du-Rhône, préconise à ses patients asthmatiques "de vérifier leur stock, ne pas jeter les boîtes en limite de péremption qui ont été conservées dans de bonnes conditions". Si ce n'est pas le cas, il conseille d'appeler son médecin "pour voir si un traitement alternatif est possible".
Un retour à la normale "dans les jours qui viennent"
Comment se fait-il que la Ventoline, le nom commercial du salbutamol, vienne à manquer ? Le médicament a pourtant été intégré à la liste des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, mise en place par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), ce qui devrait lui assurer un "stock minimal de sécurité" de quatre mois.
Contactée par franceinfo, l'ANSM affirme surveiller "étroitement l'évolution de cette situation", expliquée en partie "par une augmentation de la demande" de Ventoline et de Seretide, un autre médicament utilisé contre l'asthme. Elle dit également avoir exigé des "mesures de gestion (...) aux laboratoires commercialisant ces médicaments afin de sécuriser la situation en ville et de préserver les stocks disponibles".
De son côté, le laboratoire GSK, qui produit la Ventoline, assure à franceinfo que "des volumes importants" ont été envoyés sur le marché français, ce qui "devrait permettre un retour à une situation sans tensions dans les jours qui viennent". Le laboratoire ajoute qu'un "deuxième site au sein du réseau de production en Espagne va venir en renfort" pour "augmenter les volumes mis sur le marché dans les semaines qui viennent". Le groupe pharmaceutique britannique précise qu'il s'agit là "d'un transfert de stock destiné initialement à un autre pays qui n'en a plus besoin, et non pas d'une augmentation de la production".
Des médicaments qui arrivent "au compte-goutte"
Outre ces explications conjoncturelles, les pharmaciens pointent une autre explication : le prix des médicaments, "beaucoup plus bas en France que chez nos voisins européens". "Par exemple, la Ventoline est vendue 4,6 euros" dans l'Hexagone, "contre 9,4 euros en Allemagne", affirme Stéphane Pichon. Selon lui, ce médicament n'est pas le seul concerné. Et cette politique de prix bas amènerait les industriels à préférer les autres pays européens, au détriment du marché français.
La Ventoline n'est pas la seule molécule à se faire rare en pharmacie. Ces dernières années, les pénuries se multiplient, si bien qu'en 2023, près de 5 000 médicaments ont été signalés en "rupture de stock" ou en "risque de rupture" par l'ANSM, contre 3 761 en 2022 et 2 160 l'année précédente. En ce mois de juin, l'amoxicilline, antibiotique le plus prescrit pour les enfants, est annoncée comme étant en "tension d'approvisionnement" depuis janvier 2024 par l'ANSM. Idem pour l'Ozempic et le Trulicity, des antidiabétiques dernière génération, ou d'autres médicaments anticancéreux, moins connus du grand public, mais essentiels pour les malades.
Résultat : les pharmacies reçoivent ces molécules "au compte-goutte", déplore Stéphane Pichon, président du Conseil de l'Ordre des pharmaciens en Corse et dans la région Paca, qui regrette que ces situations créent "de la tension au comptoir".
"Nos rayons sont vides. Que ce soit marqué 'en rupture' ou 'tensions d'approvisionnement', le résultat est le même, in fine, le patient n'a pas sa boîte."
Fabrice Camaïoni, vice-président de la Fédération des pharmaciens d'officineà franceinfo
Dans ce cas, le pharmacien doit trouver des alternatives au traitement prescrit par le médecin, soit en lui proposant une molécule similaire, soit en appelant directement le praticien, ce qui "est très chronophage". "Nous passons entre 10 et 12 heures par semaine à essayer de trouver ces médicaments qui manquent", estime-t-il.
Ces tensions printanières font craindre le pire pour l'automne et le retour des épidémies hivernales. "On s'habitue aux situations difficiles", reconnaît Bruno Maleine, fataliste. "Mais il faudra quand même faire très attention, car ce que nous mettons en place pour venir en aide aux patients est un équilibre fragile."
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