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Plainte d'homéopathes contre la tribune anti-"médecines alternatives" : "C'est dommage d'utiliser ce genre de procédures plutôt que de débattre du fond"

Un syndicat d'homéopathes a porté plainte contre les signataires d'une tribune s'opposant aux médecines dites "alternatives". Certains de ces praticiens sont convoqués devant le conseil de l'Ordre des médecins.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des tubes de granules homéopathiques dans un laboratoire Boiron à Brest (Finistère), le 20 mai 2016. (FRED TANNEAU / AFP)

Entre partisans et opposants à l'homéopathie, le torchon brûle. Le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) a porté plainte contre certains des 124 professionnels de santé signataires de la tribune contre l'utilisation de médecines alternatives, publiée dans Le Figaro le 18 mars dernier. L'organisation a saisi l'Ordre des médecins pour "non-confraternité" et "non-respect du code de déontologie"

"Ce texte attaque violemment les médecins homéopathes. Traiter des confrères de 'charlatans', ce n'est pas déontologique, justifie le président du SNMHF, Charles Bentz, interrogé par franceinfo mercredi 1er août. Nous souhaitons que le conseil de l'Ordre se prononce sur cette attitude et prenne les sanctions qu'il jugera nécessaires."

Dans leur tribune, les professionnels de santé demandent au conseil de l'Ordre de "ne plus reconnaître" l'homéopathie, la mésothérapie, l'acupuncture ou toute autre pratique dite "alternative" comme médicales. Ils réclament également la fin du remboursement de ces "médecines parallèles". "Ces pratiques sont basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse et sans risques", jugent les signataires. Pour Charles Bentz, il est "problématique que des praticiens affirment que des confrères ne devraient pas être considérés comme des médecins".

"Une tentative d'intimidation"

Plusieurs signataires ont donc reçu, fin juillet, des convocations devant le conseil de l'Ordre de leur département. "Je trouve ça assez violent : nous avons critiqué des pratiques, mais nous n'avons jamais attaqué personne nommément, réagit Rémi Fackeure, anesthésiste-réanimateur à Lille, contacté par franceinfo. Je suis en revanche personnellement accusé d'avoir manqué au code de déontologie. J'y vois une tentative d'intimidation." 

"Je ne comprends pas vraiment ce qu'on nous reproche", ajoute François Loez, généraliste dans le Nord lui aussi convoqué devant le conseil de l'Ordre. Il a accepté de signer la tribune après avoir constaté, comme les autres praticiens, un "recours de plus en plus important des patients aux médecines alternatives". "Je ne trouve pas normal que des pratiques dont l'efficacité n'a pas été démontrée scientifiquement rentrent dans le cadre de la formation universitaire ou soient remboursées par la Sécurité sociale. A mes yeux, cela décrédibilise notre profession."

Comme ses confrères, Delphine Besson, généraliste en Haute-Savoie, "trouve dommage que les homéopathes utilisent ce genre de procédures plutôt que de débattre du fond". La plainte du SNMHF porte en effet sur la virulence de cette tribune et non sur les arguments du texte. "Le conseil de l'Ordre n'est pas habilité à se prononcer sur l'efficacité de l'homéopathie ou son remboursement", rappelle Charles Bentz. Le président du syndicat ne voit de toute façon pas l'intérêt d'un débat autour de l'homéopathie. "Il s'agit d'une guerre idéologique et stérile. Dans une période où plusieurs régions manquent de médecins, nous devrions tous nous mobiliser pour la santé des Français", argumente-t-il.

"Débattre des questions scientifiques"

Pour les médecins visés par la plainte, les reproches faits par le SNMHF pourraient lui être retournés. "Je comprends que le ton de la tribune ait pu vexer les homéopathes, mais est-il plus 'confraternel' de déposer des dizaines de plaintes contre les signataires ? lâche Pierre-André Bonnet, généraliste dans le Vaucluse. On aurait pu en profiter pour débattre des questions scientifiques, se questionner sur ce qui est bon pour les patients. Ce syndicat préfère porter la question devant l'Ordre dans le but de défendre l'image des médecins homéopathes."

"Il est également contraire au code de déontologie de proposer aux patients des thérapeutiques non éprouvées. Les homéopathes ne peuvent pas choisir les articles du code qui les intéressent et ignorer les autres, assène Delphine Besson. La protection et l'information éclairée des patients sont également essentielles. Mais beaucoup d'entre eux ignorent sur quels principes repose l'homéopathie." 

Si la généraliste "se serait bien passée de cette procédure", elle "ne regrette pas un instant" d'avoir signé la tribune. Un sentiment partagé par les autres médecins convoqués devant l'Ordre et que franceinfo a interrogés. "Je suis prêt à expliquer et défendre mes opinions devant mes pairs", déclare Rémi Fackeure. François Loez, lui, "se demande presque s'il ne va pas encadrer la plainte dans son bureau". "Cette procédure met un coup de projecteur sur notre tribune, estime Pierre-André Bonnet. Ce pourrait même être le déclencheur d'un débat calme et scientifique au sein de notre profession, sur la question des médecines alternatives."

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