Levothyrox : coupable, forcément…
Depuis mi-mars, au moins treize patients sous Levothyrox sont décédés, annonce sur les réseaux le magazine Ebdo, dont le premier numéro doit paraître en janvier. Peut-on incriminer le Levothyrox dans ces décès ? Non, admet le journal, qui s’empresse de dire que l’on n’a pas non plus prouvé le contraire…
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a confirmé et précisé les propos du journal : quatorze décès ont été enregistrés selon leur rapport de pharmacovigilance. Mais à ce stade, "aucun lien ne peut être établi avec le médicament". Dans une enquête préliminaire publié le 10 octobre, portant sur un suivi des déclarations arrêté à mi-septembre, quatre de ces décès (là encore, sans responsabilité avérée du Levothyrox) avait déjà été portés à la connaissance du public.
@ebdolejournal L’enquête intermédiaire de pharmacovigilance de l’ANSM sur #Levothyrox est publique depuis le 11 octobre. 4 décès sans lien établi avec le Levothyrox sont mentionnés dans le rapport du CRPV https://t.co/KcgXUxfgrC pic.twitter.com/7kXDT9YAsj
— ANSM (@ansm) 29 novembre 2017
Les chiffres présentés par Ebdo renvoient à l'état des lieux actuellement réalisé par l'ANSM. Un état des lieux qui va, précisément, au-delà des simples chiffres.
@ebdolejournal Au 20/11, 14 842 cas ont été saisis dans la base nationale de pharmacovigilance dont 14 décès sans lien établi avec le #Levothyrox. Ces patients recevaient plusieurs traitements et souffraient pour la plupart de pathologies graves.
— ANSM (@ansm) 29 novembre 2017
Premièrement, les patients concernés étaient sous traitements multiples, car souffrant de diverses pathologies. Parmi les personnes décédées on trouve deux octogénaires, dont une décédée d’un accident vasculaire cérébral ischémique, ains qu'une septuagénaire à qui était prescrit "un grand nombre de médicaments". On dénombrerait également des cas de fausse-couche. On recense aussi le décès de deux femmes trentenaires, dont l'une "sous lourd traitement psychiatrique". La cause du décès de la seconde est connue : un oedème pulmonaire avec insuffisance cardiaque.
En outre, il faut rapporter ce chiffre de 14 décès sur six mois aux millions de patients utilisant le traitement Levothyrox : ce taux de décès est-il anormal, au vu des caractéristiques moyennes d’âge et d’état de santé des patients ? Sommes-nous face au nombre de décès attendus si le traitement n’avait contribué en rien à l’aggravation de l’état de santé de patients ?
Le principe même de la pharmacovigilance est de rapporter aux autorités sanitaires et aux laboratoires tous les symptômes physiologiques survenant après la prise d’un traitement, sans préjuger de la responsabilité de ce traitement. Dans les essais cliniques, des symptômes anormaux et des décès peuvent être observés même chez des patients sous placebo, qui s’expliquent sans même invoquer un effet "nocebo" : ces évènements peuvent simplement survenir après la prise d’un traitement sans que le traitement y soit pour quelque chose. Au cas par cas, les enquêtes de pharmacoviligance peuvent révéler qu'un traitement a effectivement contribué aux faits rapportés.
La nouvelle formulation du Levothyrox a-t-elle entraîné des variations hormonales qui ont contribué au décès de l’un ou l’autre des 14 patients qui recevaient, par ailleurs, d’autres traitements? Rien, à ce jour, ne permet de l’affirmer, et titrer comme le fait Ebdo sur les "morts du Levothyrox" est mensonger.
Quel message retiendra une partie du public exposé au titre d’Ebdo ? Celui d’une "révélation" sur des décès corrélés à la prise d’un médicament sous le feu des médias ces derniers mois. Remise dans son contexte, l’information est beaucoup moins sensationnaliste : à ce stade, l’hypothèse d’une implication du Levothyrox dans ces décès est très faiblement étayée. Les enquêtes doivent être menées avec le plus grand sérieux afin d’identifier leur cause.
la rédaction d’Allodocteurs.fr
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