Séropositifs : des soins funéraires toujours interdits
"C'était un grand homme ce petit bonhomme… Christian n'a pas eu beaucoup de chances." Avec émotion, Frédéric tourne les pages de l'album dans lequel il a conservé les photos de son compagnon décédé. Christian a été contaminé par le virus du sida au tout début de l'épidémie dans les années 1980. Il est décédé, il y a cinq ans, chez lui. Mais, son corps est ensuite resté treize jours à l'institut médico-légal, avant que Frédéric ne puisse lui faire ses adieux...
"Je l'espérais beau comme je l'avais quitté. Que dire d'autre ? Je voulais seulement saluer ces dix-huit ans que j'avais eu la chance de partager avec lui." Mais à la levée du corps, c'est le choc : "on me présente mon compagnon dans un état insupportable. Ça daubait la viande avariée... Il n'avait rien d'humain. Il était constellé de tâches de décomposition sur le visage. Je lui avais promis de l'embrasser. Je l'ai fait, mais en prenant énormément sur moi. Et ça m'a impacté très gravement."
Un combat mené depuis de nombreuses années par les associations
Depuis plusieurs années, les associations de lutte contre le sida se battent pour mettre fin à cette ultime discrimination. Jean-Luc Roméro, président des Elus Locaux contre le Sida, a lancé un appel au gouvernent via une pétition en ligne. Elle a déjà reçu le soutien de plus de 130.000 personnes.
"Aujourd'hui, il y a eu beaucoup de progrès pour le VIH. Les médicaments font qu'une personne séropositive a une espérance de vie quasiment similaire à une personne séronégative, sauf que tout au long de sa vie, elle vit des discriminations. Et vous êtes jusqu'après votre mort discriminé. Le sida reste en 2015 une maladie honteuse, voire une maladie tabou."
A noter que d'autres pathologies sont concernées par cette interdiction : les hépatites virales, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la rage ou encore un décès suite à un état septique grave.
Les thanatopracteurs ont peur d'être contaminés
Certains thanatopracteurs estiment que cette pratique est risquée pour eux. Après un décès, pour éviter que le corps ne se dégrade, ils réalisent des soins dits de conservation. Ils vont d’abord extraire les liquides corporels, puis injecter un conservateur dans les artères du défunt. Frédéric Nicolas est vice-président du Syndicat professionnel des thanatopracteurs. Il explique : "on entend bien les reproches qu'on peut nous faire par rapport aux médecins et aux infirmières qui eux travaillent déjà avec ces patients-là. La dangerosité qu'on a, nous praticiens en thanatopraxie, c'est qu'on utilise des objets tranchants de type scalpel, des objets coupants comme les ciseaux et également des objets piquants comme les aiguilles. Donc, le risque est là".
Mais, selon les spécialistes du VIH, ce risque est négligeable. Des précautions d'hygiène élémentaires seraient suffisantes pour éviter d'être contaminés. Les embaumeurs portent en effet des masques, des gants et une blouse stérile. Pour Frédéric Nicolas, ce n'est pas toujours suffisant pour protéger les professionnels. "Quand on travaille dans un domicile, on travaille à 99% des cas dans le lit du défunt. Ce n'est pas une surface plane. Quand on monte à droite ça vous lève à gauche. Donc tout peut tomber."
Pour éviter ce type d’accident, l’article 52 du projet de loi de santé propose d'interdire les soins funéraires à domicile. Une étape nécessaire avant d'envisager la levée de l’interdiction des soins de conservation sur les personnes séropositives.
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