Santé mentale : cinq questions sur le remboursement de séances chez le psychologue annoncé par Emmanuel Macron
Ce forfait de huit consultations, qui sera proposé à partir de 2022, "pourra être renouvelé si la prescription médicale le propose", a expliqué le chef de l'Etat lors des Assises de la santé mentale.
Un geste pour tenter de panser les blessures psychologiques des Français, dont "la pandémie a révélé l'importance". En clôture des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, mardi 28 septembre, Emmanuel Macron a détaillé son plan pour le secteur, mis sous pression par la crise sanitaire.
Le chef de l'Etat a notamment annoncé la prise en charge, à partir de 2022, d'un forfait de huit séances chez le psychologue. Comment ce dispositif va-t-il fonctionner ? Quelles seront les conditions pour y avoir accès ? Franceinfo fait le point sur cette mesure qui suscite déjà des réticences au sein de la profession.
1Comment seront remboursées ces séances ?
Le forfait se composera "d'une première consultation à 40 euros", puis de sept consultations à 30 euros, a expliqué Emmanuel Macron, sans toutefois préciser la durée de chacune de ces séances. Il ne s'agit donc pas d'un remboursement partiel par la Sécurité sociale des consultations chez l'ensemble des psychologues. Seules les séances plafonnées à 40 ou 30 euros seront prises en charge dans le cadre de ce dispositif.
Cette mesure est davantage destinée aux psychologues "qui n'arrivent pas à vivre de leur métier" et aux usagers "qui ne peuvent accéder à des consultations auprès de psychologues si les tarifs ne sont pas encadrés", selon Emmanuel Macron. Quant aux psychologues "qui veulent pratiquer hors de ces parcours de soins", avec des tarifs plus élevés, ils pourront "continuer à le faire", a assuré le chef de l'Etat. La liste des psychologues conventionnés avec l'Assurance-maladie sera disponible sur un annuaire "facilement accessible aux usagers", peut-on lire dans la synthèse du gouvernement (en PDF).
2Quels seront les critères pour en bénéficier ?
Cette mesure s'adresse à "toute la population à partir [de l'âge] de 3 ans", a déclaré Emmanuel Macron. Pour en bénéficier, il faudra toutefois respecter un parcours de soins. Le patient devra d'abord prendre rendez-vous avec un médecin généraliste, qui pourra ensuite l'orienter vers un psychologue dans le cadre de ce dispositif.
Ce forfait pourra par la suite être renouvelé, toujours "si la prescription médicale le propose", a exposé le chef de l'Etat. Interrogé mercredi sur France Inter, le ministre de la Santé n'a pas été en mesure de préciser combien de fois ce forfait pourrait être reconduit. "Tout cela va être décliné progressivement", a simplement répondu Olivier Véran.
3Des dispositifs similaires n'existaient-ils pas déjà ?
A l'échelle nationale, le chef de l'Etat avait annoncé au printemps la création d'un "chèque psy", uniquement à destination des enfants de 3 à 17 ans. Il leur permet de bénéficier de dix séances gratuites chez le psychologue. Un dispositif similaire a également été mis en place pour les étudiants.
La nouvelle annonce d'Emmanuel Macron, qui s'adresse à un public plus large, tend en fait à généraliser une expérimentation en cours depuis 2018 dans quatre départements (les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, le Morbihan et les Landes). En Haute-Garonne, plus de 18 600 patients ont ainsi bénéficié d'un forfait renouvelable de dix séances de 30 minutes, sans avoir à avancer le coût des consultations, selon France 3 Occitanie. Durant l'expérimentation, le remboursement de ces séances n'était cependant accordé qu'aux adultes âgés de 18 à 60 ans.
Une expérimentation saluée par la Cour des comptes. Dans un rapport publié en février, elle avait plaidé pour une généralisation "dès que possible" de la prise en charge par l'Assurance-maladie "des psychothérapies faites par des psychologues et prescrites par le médecin traitant".
4Comment cette mesure sera-t-elle financée ?
Au total, 50 millions d'euros seront consacrés à cette mesure l'année prochaine, prévoit la synthèse du gouvernement. Cette mesure devra être intégrée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022. Les conditions de prise en charge, comme les modalités de sélection des psychologues volontaires, seront ensuite définies par voie réglementaire.
5Qu'en pensent les psychologues ?
Avec cette prise en charge, Emmanuel Macron a affirmé accéder à "une demande historique", concédant cependant que "toute la profession des psychologues n'était pas totalement ravie". Si le secteur plaide globalement pour un remboursement des séances, les modalités annoncées par le chef de l'Etat sont loin de convaincre.
"C'est absolument scandaleux ce qu'on vient d'entendre, ça marque un mépris profond de notre profession et de la population."
Patrick Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologuesà l'AFP
En cause notamment, le passage obligatoire par un médecin généraliste pour bénéficier de ce forfait. "Nombre de mes patients ne souhaitent pas se confier à leur médecin généraliste au sujet de leur souffrance psychique, et les médecins ne sont pas formés en psychopathologie. Cela pose un vrai problème de secret médical", estime Mathieu Collet, psychologue libéral en Occitanie, dans les colonnes du Figaro (article payant).
Autre point de crispation soulevé par la profession : la tarification des séances à 30 ou 40 euros, jugée "réaliste" par le président. "Ce n'est pas acceptable, ça ne permet pas de vivre en tant que libéral", a rétorqué mardi Patrick Ange Raoult auprès de franceinfo. "C'est 30 euros [pour] une consultation, ce n'est pas 30 euros de l'heure, la consultation peut être plus courte", a de son côté défendu le ministre de la Santé, interrogé mercredi par un auditeur de France Inter sur ces montants.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.