Santé mentale : quels sont les enjeux des Assises qui s'ouvrent ce lundi ?
Pendant deux jours, le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie, fortement touché par la crise sanitaire, se réunit et débat. Les professionnels attendent des annonces fortes de la part d'Emmanuel Macron.
Elles avaient été promises de longue date par Emmanuel Macron. Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui devaient initialement se dérouler en juin, se tiennent lundi 27 et mardi 28 septembre. Le secteur, mis sous pression par la crise sanitaire et ses répercussions psychologiques, souhaite des annonces fortes du chef de l'Etat.
"On espère que ce ne sera pas seulement des promesses", avance auprès de l'AFP Norbert Skurnik, président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp). Prise en charge des consultations chez les psychologues, soutien pour un secteur de la psychiatrie publique "au bord de l'implosion"... Franceinfo fait le point sur les principales attentes autour de ces deux journées.
Dresser un état des lieux de la santé mentale des Français
La première partie de ces Assises sera consacrée à un état des lieux de la santé mentale et de la psychiatrie en France. Car l'épidémie de Covid-19 a mis un coup de projecteur sur les troubles psychiques. "La situation épidémique et les mesures prises pour la contrôler ont affecté de façon durable et importante la santé mentale de la population, en particulier en termes de symptomatologie anxiodépressive", selon l'enquête CoviPrev de Santé publique France, qui a suivi l'évolution de la santé mentale des Français au cours de l'épidémie.
Le dernier volet de l'étude, mené entre le 31 août et le 7 septembre, révèle que 10% des personnes interrogées ont eu des pensées suicidaires au cours de l'année. Un chiffre en hausse de cinq points par rapport au niveau hors épidémie. Par ailleurs, 23% d'entre elles montrent des signes d’un état anxieux, soit 10 points de plus en comparaison avec la période d'avant Covid. Malgré la levée des confinements et de nombreuses restrictions sanitaires, "la santé mentale des personnes interrogées reste dégradée", conclut l'enquête.
En ouverture des assises, le ministre de la Santé a annoncé la création d'un nouveau numéro national de prévention du suicide, qui entrera "en fonctionnement" vendredi. "Gratuit, accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, depuis tout le territoire national, ce numéro permettra d'apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique et à risque suicidaire", a déclaré Olivier Véran.
Face à la prévalence de ces troubles psychiques, les assises doivent par ailleurs contribuer à "changer le regard sur la santé mentale", a expliqué lundi sur franceinfo Radoine Haoui, psychiatre au centre hospitalier Gérard-Marchant à Toulouse. "C'est important de faire sortir les troubles psychiatriques des murs de l'hôpital", a quant à elle estimé Marie-Jeanne Richard auprès de l'AFP. La présidente de l'Union nationale des familles de personnes malades y voit un moyen de briser le tabou qui entoure ce sujet en France.
Améliorer la prise en charge des consultations de psychologues
En avril, le chef de l'Etat avait annoncé la création d'un "chèque psy" pour que les enfants de 3 à 17 ans puissent bénéficier de dix séances gratuites chez le psychologue. Un dispositif similaire a également été mis en place pour les étudiants. Cette fois, les professionnels du secteur s'attendent à ce qu'Emmanuel Macron annonce la généralisation du remboursement des consultations de psychologues libéraux par l'Assurance-maladie.
Des expérimentations locales sont déjà menées dans quatre départements : les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, les Landes et le Morbihan. Dans un rapport publié en février, la Cour des comptes avait plaidé pour une généralisation "dès que possible" de la prise en charge par l'Assurance-maladie "des psychothérapies faites par des psychologues et prescrites par le médecin traitant".
Le ministère de la Santé et les syndicats ont entamé il y a un an des négociations sur ce thème. Mais le point de crispation reste celui de la rémunération. Le Syndicat national des psychologues (SNP) redoute l'annonce d'une offre de remboursement autour de 30 euros, "soumise à prescription et contrôle médicaux", qui serait "catastrophique pour la profession", selon son secrétaire général, Patrick-Ange Raoult.
Soutenir un secteur de la psychiatrie publique "sinistré"
Les professionnels du secteur espèrent en outre qu'un plan d'urgence viendra au secours d'une psychiatrie publique en difficulté. "La psychiatrie publique est assez sinistrée" et "a été fragilisée ces dernières années", résume le psychiatre Radoine Haoui. "Dix ans que les rapports se succèdent avec le même constat : la psychiatrie est au bord de l'implosion", souffle auprès de l'AFP Rachel Bocher, chef du service psychiatrie du CHU de Nantes.
"Nous attendons un rehaussement en termes de moyens pour faire face aux nombreuses demandes depuis la crise du Covid."
Radoine Haoui, psychiatre hospitalier à Toulousesur franceinfo
Les professionnels pointent la fermeture des lits ces dernières décennies et le sous-financement chronique qui empêche d'absorber la hausse de 40% des patients suivis en dix ans. "C'est simple : il faut tout restaurer, et il nous faut pour ça un grand plan avec des milliards", estime auprès de l'AFP Norbert Skurnik, président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp).
L'un des enjeux de ces assises sera également de redorer l'image de la psychiatrie publique, qui peine à recruter chez les jeunes médecins pour combler les nombreux postes vacants. "Il y a une vraie crise de vocation", déplore Radoine Haoui, soulignant que "30% des postes sont vacants" dans ce secteur.
Avec d'autres organisations dont la CGT et SUD, les professionnels du secteur ont d'ores et déjà appelé à un rassemblement mardi après-midi devant le ministère de la Santé, juste avant les probables annonces du chef de l'État.
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