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Reportage Santé : les champignons, des ennemis souvent invisibles et potentiellement mortels

On les respire régulièrement, on en avale même en mangeant. Le problème, c'est qu'ils résistent de plus en plus aux médicaments et sont responsables d'infections invasives qui tuent chaque année dans le monde plus d'1,5 million de personnes, selon l'Organisation mondiale de la Santé.
Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Dea Garcia-Hermoso, ingénieure de recherches à l'Institut Pasteur, identifie des champignons filamenteux (moisissures), le 29 septembre 2023. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

Dans les laboratoires du Centre national de référence des mycoses invasives et antifongiques, à l'Institut Pasteur de Paris, on n’étudie pas les champignons vénéneux que l'on cueille en forêt (même si c'est la saison) mais les champignons microscopiques qui s’infiltrent dans l’organisme. Et il faut l'avouer, au microscope, certains sont assez jolis.

L'institut Pasteur étudie les champignons comme cet aspergillus. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

"On observe une cellule ronde, on voit même des bourgeons puisque c’est sa façon de se multiplier", présente Aude Sturny-Leclère, ingénieure de recherches à l'Institut Pasteur. Joli peut-être mais hyper dangereux, surtout pour les personnes immunodéprimées ou les malades atteints du virus du Sida. En l'absence de traitement antifongique, l'infection est mortelle dans 25% des cas.

Et c'est le problème de tous ces champignons microscopiques, on possède peu de médicaments pour traiter les infections qu'ils provoquent, explique le Pr. Alexandre Alanio, médecin biologiste. "Si on veut des nouvelles molécules pour toutes les différentes infections fongiques invasives, ça prend du temps et on n’a pas la disponibilités, à l’heure actuelle, des molécules de ce type."

Au Centre national de référence des mycoses invasives et antifongiques, on teste des molécules qui permettraient de combattre les champignons invasifs, responsables de la mort de plus d'1,5 million de personnes dans le monde, selon l'OMS. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

Comme les bactéries, des champignons de plus en plus coriaces

Comme avec les bactéries qui résistent de plus en plus aux antibiotiques, les champignons résistent aussi de plus en plus aux traitements antifongiques et tuent très souvent des patients déjà affaiblis par une autre maladie, un cancer, un diabète, ou même affaiblis par une greffe d'organe.

Sarah Dellière travaille sur Aspergillus, le champignon bleu que l'on retrouve sous forme de moisi sur nos aliments. Il y a quelques années, il a fait des ravages aux Pays-Bas. "Tout à coup, on a vu arriver des patients qui n’avaient jamais eu de traitements antifongiques et qui ont un Aspergillus résistant dans les poumons", raconte-t-elle. Pourquoi cette résistance au traitement ? Parce que les champs de tulipes à côté de chez eux avaient été traités avec des pesticides, plus précisément des fongicides. "Il y a un nouveau fongicide qui avait été développé pour protéger les cultures et épandu dans les champs entre les années 2000-2010 qui entraînait une résistance croisée avec les traitements qu’on utilisait à l’hôpital, explique la chercheuse. C’est pour ça que là-bas, ils ont une résistance de l’ordre de 10 à 20%".

"C’est assez compliqué de discuter avec l’agro-industrie. Quand on leur dit : ‘il faut que vous arrêtiez ces antifongiques parce que nos patients vont mourir de l’Aspergillose’, ils répondent : ‘oui mais quand vous avez 100 patients qui meurent, nous, on nourrit toute une population’."

Sarah Dellière, chercheuse à l’Institut Pasteur

à franceinfo

Aude Struny-Leclère travaille sur Cryptococus-neoformans. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

D'où la nécessité, estiment les chercheurs de l'Institut Pasteur, de trouver davantage de médicaments antifongiques, il n'en existe pas suffisamment, et d'en trouver aussi qui soient efficaces contre les souches résistantes. 

Mais la recherche ne se fait pas sans financement. Comme tous les ans, l'institut Pasteur appelle donc les Français aux dons et présente les progrès réalisés sur le front de la recherche scientifique et biomédicale. Le Pasteurdon, débute mercredi 4 octobre. Vous aurez jusqu’au dimanche 8 octobre pour participer.

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