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Ebola : sérum, vaccin, dépistage... toutes les pistes pour lutter contre l'épidémie

Plus de 1 900 personnes sont déjà mortes en Afrique de l'Ouest de cette fièvre hémorragique, qui ne cesse de progresser. Plusieurs traitements préventifs ou curatifs sont actuellement à l'étude, ou à l'essai.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Des chercheurs isolent des échantillons sur des animaux qui pourraient être contaminés par le virus Ebola, dans un laboratoire de brousse, au Gabon. (CHRISTOPHE LEPETIT / ONLYWORLD.NE / AFP)

Plus qu'un avertissement, un cri d'alarme. La présidente de Médecins sans frontières, Joanne Liu, a lancé, lors d'un discours aux Nations unies, mardi 2 septembre : "En six mois de la pire épidémie d'Ebola de l'histoire, le monde est en train de perdre la bataille pour la contenir." L'association, un des principaux acteurs de la lutte sur le terrain contre la fièvre hémorragique en Afrique de l'Ouest, sonne une nouvelle fois l'alerte.

Dans le même temps, plusieurs laboratoires ont fait des annonces qui poussent à l'optimisme : la création d'un test Ebola efficace en 30 minutes ; la mise à disposition par le Japon de 20 000 doses d'antiviraux. Et pendant l'été, deux médecins contaminés ont été guéris aux Etats-Unis, grâce à un sérum expérimental. 

Dans l'attente d'un véritable remède aujourd'hui inexistant, francetv info fait le point sur les différentes pistes de traitement et de diagnostic.

Le ZMapp, un sérum prometteur mais aux résultats mitigés

C'est le produit le plus médiatisé : l'annonce de la guérison de deux médecins américains traités au ZMapp a fait le tour du monde. Kent Brantly et Nancy Writebol ont contracté Ebola alors qu'ils soignaient des malades au Libéria. Rapatriés aux Etats-Unis, ils ont été soignés grâce à ce traitement expérimental, un cocktail de trois anticorps et d'un principe actif élaboré par la société américaine Mapp Bio.

Kent Brantly et Nancy Writebol, les deux médecins américains qui ont guéri d'Ebola.  (SIM/SAMARITAN'S PURSE / AFP)

Pourquoi peut-on être optimiste ? Avant même que les deux humanitaires soient sortis de l'hôpital, la société a envoyé la totalité des doses disponibles en Afrique de l'Ouest. Un envoi validé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), malgré l'absence de recul sur l'efficacité du traitement. "Devant les circonstances de l'épidémie (...), le comité a abouti au consensus estimant qu'il est éthique d'offrir des traitements non homologués dont l'efficacité n'est pas encore connue ainsi que les effets secondaires, comme traitement potentiel ou à titre préventif", avait alors justifié l'OMS. 

Pourquoi cela bloque ?  L'efficacité du traitement est "loin d'être prouvée", selon le docteur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon, contacté par francetv info. Depuis, le médicament a été administré à cinq autres personnes souffrant de la fièvre hémorragique, et les résultats sont moins encourageants. Deux d'entre elles ont succombé. Les trois autres sont toujours en cours de traitement. Gilles Pialoux soutient que la démarche du laboratoire est beaucoup trop précipitée. "Malgré la gravité de l'épidémie, on ne peut pas passer de l'essai sur quelques macaques, où l'efficacité n'a été que de 43 %, à des essais généralisés sur des populations ", s'indigne-t-il. 

Autre problème : la fabrication du sérum. "Sa composition est extrêmement complexe, et sa production coûte très cher", explique le médecin. Tout le stock de ZMapp est épuisé, a indiqué la société Mapp Bio. Cela pourrait prendre plusieurs mois "pour obtenir même une quantité modeste", a indiqué le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut américain des allergies et des maladies infectieuses.

L'Avigan, efficace contre la grippe, peut-être contre Ebola

L'Avigan, dont la molécule s'appelle le favipiravir, est un médicament antiviral administré habituellement chez les patients infectés par le virus de la grippe. Il agit en bloquant la réplication du virus dans les cellules infectées afin d'empêcher sa propagation dans l'organisme. Le produit a été développé par Toyama Chemical, une filiale du spécialiste de l'image Fujifilm Holdings. Or, d'après la société, l'Avigan pourrait aussi être efficace contre Ebola. D'ailleurs, des tests réalisés en laboratoire et sur des souris vont dans ce sens. 

Lundi 25 août, le secrétaire général du gouvernement japonais a affirmé que le pays était "disposé à livrer le médicament en coopération avec le fabricant si l'Organisation mondiale de la santé en fait la demande".

Pourquoi peut-on être optimiste ? Le médicament présente de nombreux avantages. Administrable sous forme de comprimés, l'Avigan est facile à utiliser dans des zones aux infrastructures médicales limitées, contrairement au ZMapp, qui doit être injecté. De plus, il a déjà été homologué et commercialisé en mars au Japon en tant qu'antiviral contre la grippe. Son innocuité a donc déjà été prouvée.

L'Avigan incarne "une opportunité très importante", selon le docteur Gilles Pialoux. "Beaucoup plus simple chimiquement que le ZMapp, il coûte bien moins cher à produire", explique le spécialiste des maladies infectieuses. Le gouvernement japonais a d'ailleurs déjà affirmé qu'il disposait de "réserves suffisantes pour plus de 20 000 personnes", soit le nombre de contaminés dans trois mois, selon les projections de l'OMS.

Pourquoi cela bloque ? L'Avigan est efficace contre la grippe, mais on ne connaît pas bien ses effets sur Ebola. La molécule est actuellement en test sur l'homme aux Etats-Unis. Jusque-là, le médicament n'a fait ses preuves que sur des souris. "L'Avigan n'a même pas été testé sur le singe, qui est proche de l'homme, rappelle Sylvain Baize, chef du Centre international de recherche en infectiologie, interrogé par le Nouvel Obs. Et le modèle Ebola sur la souris est complètement différent de celui sur le primate."

Les tests japonais, moins chers et plus rapides pour détecter le virus

Des chercheurs japonais ont indiqué, lundi 1er septembre, avoir développé une nouvelle méthode pour détecter la présence du virus en 30 minutes. Cette technologie a la particularité d'amplifier seulement les gènes spécifiques à Ebola quand ils sont présents. C'est ce qu'on appelle "une amorce". Si celle-ci est en contact avec le virus dans une éprouvette, le liquide change de couleur.

Le virus Ebola, observé ici au microscope électronique, est un virus géant qui ressemble à un ver. (REUTERS)

Pourquoi peut-on être optimiste ? Jusque-là, le système qui permettait de diagnostiquer Ebola en Afrique de l'Ouest prenait une à deux heures, et avait l'inconvénient d'exiger du matériel spécifique. "Le nouveau procédé, lui, ne nécessite qu'un simple équipement de chauffe, alimenté par une batterie, et le tout ne coûte que quelques centaines de dollars, un prix que les pays en développement devraient être en mesure de payer", a précisé l'équipe de l'université de Nagasaki qui a créé cette technologie.

"L'annonce est très récente. Le processus doit être testé, mais s'il s'avère efficace, rien ne devrait poser problème", explique à francetv info le docteur François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Le test japonais est facile à utiliser, même dans les zones aux infrastructures médicales limitées. "Pour lutter contre les maladies infectieuses, il est essentiel de pouvoir les diagnostiquer rapidement et partout. Il faudra cependant former le personnel sur le terrain à l'utilisation de ce test, ce qui peut prendre un peu de temps."

Le vaccin VSV-Ebov, directement testé sur le terrain

Un vaccin a été mis au point par des scientifiques du laboratoire national de microbiologie de l'Agence de la santé publique du Canada à Winnipeg. Il n'a jamais été testé sur des humains, mais aurait montré des signes prometteurs sur des singes. "Les modèles de primates sont extrêmement proches de l'homme en termes de génome. Si le vaccin est efficace sur les singes, on est pratiquement sûr qu'il fonctionnera sur l'homme", expliquait en juillet, le docteur Sylvain Baize à francetv info.

Pourquoi peut-on être optimiste ? Avant d'être généralisé, un vaccin doit d'abord passer trois étapes : les tests de phase 1 sur quelques dizaines de personnes non-porteuses du virus, les tests de phase 2 sur plusieurs centaines, puis la phase 3 sur plusieurs milliers. Le procédé, qui prend plusieurs années, selon le laboratoire Sanofi-Pasteur, est pratiquement au point mort dans le cas d'Ebola.

Mais, en autorisant l'envoi d'un traitement non-homologué en Afrique, l'OMS a décloisonné la procédure. Le vaccin canadien, qui pourrait profiter de la brèche ouverte par le ZMapp, devrait donc passer directement à la phase 2. Le gouvernement du Canada a en effet annoncé le 14 août qu'il enverrait 1 000 doses de vaccin VSV-Ebov à l'OMS.

Pourquoi cela bloque ? Le vaccin devra tout de même effectuer la phase 3 avant d'être généralisé et administré, s'il se révèle efficace, à toutes les populations des pays touchés par l'épidémie. "Pour cela, il faut que tout soit extrêmement bien contrôlé. Ce n'est possible que s'il y a des équipes et des infrastructures autour pour vérifier que le vaccin est bien toléré par les milliers de cobayes. Ce qui est très difficile en Afrique de l'Ouest, vu le manque de moyens", tempère le professeur Bricaire. Les 1 000 doses devraient donc être administrées au personnel soignant sur le terrain. Les populations civiles, elles, devront attendre encore un peu.

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