: Vrai ou faux Les vaccinés ont-ils plus de risques d'être infectés par le Covid-19 que les non-vaccinés, comme l'affirme un proche de Didier Raoult ?
Sur Twitter, le biochimiste Eric Chabrière assure que le virus circule davantage chez les vaccinés que chez les non-vaccinés. Le graphique sur lequel il s'appuie ne permet toutefois pas de tirer une telle conclusion.
"On peut discuter de tout sauf des chiffres." Sur Twitter, le biochimiste Eric Chabrière, proche collaborateur du professeur Didier Raoult, a assuré, samedi 15 janvier, que "les vaccinés [avaient] plus de risque d'attraper le Covid que les non-vaccinés". Son commentaire, largement relayé sur le réseau social, s'accompagne d'un graphique qui représente la proportion de cas positifs selon le statut vaccinal. Les données, "officielles", proviennent de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), appuie Eric Chabrière. Mais ce graphique est-il authentique et la lecture qu'il en fait est-elle vraie ou "fake" ?
Ces courbes sont issues du site de suivi de l'épidémie CovidTracker et ont bien été réalisées à partir des données de la Drees, disponibles en open source. Le graphique permet d'observer la part de cas positifs au Covid-19 recensés chaque jour, toutes classes d'âge confondues, en fonction du statut vaccinal.
Ainsi, au 2 janvier, on comptait l'équivalent de 17 008 cas positifs pour 10 millions de non-vaccinés. A taille de population comparable, 22 255 cas positifs étaient alors recensés parmi les "vaccinés", c'est-à-dire les personnes ayant bénéficié d'un schéma de vaccination initial complet, mais sans dose de rappel. Ce sont les deux indicateurs auxquels Eric Chabrière fait allusion.
Un biais lié aux données chez les enfants et les adolescents
"Le graphique est vrai : il y a eu, début janvier, en proportion, un peu plus de cas positifs chez les vaccinés (schéma complet) que les non-vaccinés", a réagi dimanche sur Twitter Guillaume Rozier, le fondateur de CovidTracker. Toutefois, l'ingénieur en informatique ajoute que ces courbes ne permettent pas d'en conclure que le virus circule davantage chez les vaccinés que chez les non-vaccinés.
En effet, les données présentent au moins un biais majeur : ce graphique inclut une série de données concernant les enfants et adolescents âgés de 0 à 19 ans. Une tranche d'âge qui comprend des "spécificités", "notamment vis-à-vis de sa vaccination très partielle", met en garde la Drees dans son rapport publié le 14 janvier (lien PDF). De son côté, le site CovidTracker permet de visualiser le nombre de nouveaux cas quotidiens chez les 0 à 19 ans, en fonction du statut vaccinal, mais précise que les courbes ne sont pas "interprétables", en raison de "données de vaccination trop faibles".
Et pour cause, la catégorie des 0-19 ans (qui représentent 23,7% de la population totale selon les données de l'Insee) regroupe en réalité quatre populations différentes du point de vue la campagne vaccinale : les enfants de 0 à 4 ans, non éligibles à la vaccination, les enfants de 5 à 11 ans qui n'ont accès à la vaccination que depuis décembre, les adolescents de 12 à 17 ans dont la vaccination a été généralisée en juin, et enfin les plus de 18-20 ans, éligibles depuis mai. Ainsi, au 16 janvier, seuls 2% des enfants de 5 à 11 ans avaient reçu un schéma vaccinal initial complet, contre 79,4% des 12-17 ans.
Contactée par franceinfo, la Drees explique que "regarder des nombres de tests, à taille de population comparable par statut vaccinal, agrégés sur ces âges, revient à comparer des incidences pour des très jeunes enfants non-vaccinés avec celle d'adolescents majoritairement vaccinés". Autrement dit, cette catégorie statistique des 0-19 ans mélange une population d'adolescents largement vaccinés avec des enfants qui y ont eu rarement recours.
De plus, les enfants étaient aussi "peu testés" début janvier, avance Guillaume Rozier sur Twitter. D'après les données de Santé publique France, entre le 27 décembre et le 2 janvier, on comptait 5 569 tests pour 100 000 personnes de moins de 10 ans, contre 12 126 tests pour 100 000 habitants dans le reste de la population. Chez les plus jeunes, on trouvait "beaucoup moins de cas que dans les autres tranches d'âge", avance l'ingénieur en informatique. Ce phénomène participe donc à fausser le nombre de cas positifs parmi les non-vaccinés au sein de l'ensemble de la population.
Les tests positifs chez les plus de 20 ans plus élevés pour les non-vaccinés
Les données sur les 0-19 ans étant incluses dans le graphique partagé par Eric Chabrière, il est impossible, selon la Drees, d'en déduire qu'à l'échelle de l'ensemble de la population, les vaccinés sont proportionnellement plus infectés par le Covid-19 que les non-vaccinés.
"La conclusion obtenue est donc erronée selon nous et il convient de privilégier les graphiques sur les 20 ans et plus pour ces analyses."
La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiquesà franceinfo
En retirant la catégorie des 0-19 ans, il apparaît clairement qu'à taille de population comparable, le nombre de nouveaux cas positifs chez les vaccinés sans dose de rappel (22 997 cas pour 10 millions de vaccinés âgés de 20 ans et plus) est inférieur à celui observé chez les non-vaccinés (29 674 cas pour 10 millions de non-vaccinés de 20 ans et plus).
Regardons le nombre de cas positifs en enlevant les moins de 20 ans. Il y a, en proportion, plus de cas positifs chez les non vaccinés que chez les vaccinés. Et ce taux est encore plus faible chez les vaccinés avec rappel (trois fois plus bas). pic.twitter.com/f3bEB6o6ig
— GRZ (@GuillaumeRozier) January 16, 2022
Chez les 20 ans et plus, le nombre de tests positifs est proportionnellement "bien plus élevé pour les personnes non vaccinées que celles présentant un statut complet sans rappel", conclut de son côté la Drees, dans son rapport.
Elle ajoute que "les personnes non vaccinées sont nettement sur-représentées, par rapport à leur part dans la population générale, parmi les testées positives par PCR au Covid-19". Entre le 6 décembre 2021 et le 2 janvier 2022, alors qu'elles représentent 9% de la population âgée de 20 ans et plus, elles regroupaient alors 19% des personnes testées positives et déclarant des symptômes.
Un taux de cas positifs trois fois inférieur chez les vaccinés avec rappel
Par ailleurs, le commentaire d'Eric Chabrière ne prend pas en compte les personnes vaccinées ayant reçu une injection de rappel, et "qui sont encore moins fréquemment testées positives", souligne la Drees. Au 2 janvier, le taux de cas positifs chez les vaccinés avec rappel (9 672 cas pour 10 millions de vaccinés avec rappel, âgés de 20 ans et plus) était trois fois inférieur à celui des non-vaccinés.
Les données sur les vaccinés avec rappel apparaissent d'autant plus pertinentes alors que le taux d'anticorps neutralisants, qui bloquent le virus, générés par une vaccination initiale à deux doses, a tendance à baisser progressivement au fil des mois. "On sait désormais que, sans dose de rappel, l'immunité baisse au cours du temps, et baisse d'autant plus qu'on est âgé", étaye auprès de franceinfo Sandrine Sarrazin, chargée de recherche Inserm au centre d'immunologie de Marseille-Luminy.
Le contexte de circulation active du variant Omicron, désormais majoritaire en France, incite également à tenir compte des données sur les vaccinés avec rappel. Face à ce variant, "une dose de rappel est nécessaire pour restaurer [les niveaux] d'anticorps neutralisants et réduire les risques d'infection, d'hospitalisation, d'hospitalisation et de forme sévère", relevait ainsi Santé publique France dans son analyse des variants publiée le 5 janvier.]
Si la protection vaccinale contre les infections symptomatiques liées à Omicron "est bien plus faible" que face au variant Delta, "le rappel permet toujours de réduire sensiblement le risque", confirme la Drees dans sa note.
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