: Vidéo Covid-19 : "On a totalement laissé tomber les Ehpad, sciemment", accuse ce médecin hospitalier
Si les Ehpad avaient disposé de suffisamment de tests et de masques dès le mois de mars 2020, de nombreux décès dus au Covid-19 n'auraient-ils pas pu être évités ? Pourquoi avoir tant tardé à équiper les maisons de retraite ? Dans cet extrait d'une enquête de "Pièces à conviction", les explications d'un ancien directeur d'Agence régionale de santé et les réactions de médecins hospitaliers.
La pandémie de Covid-19 aura emporté plus de 15 000 personnes âgées qui résidaient en maisons de retraite, dans leur Ehpad ou après leur transfert à l'hôpital. Elles représentent près de la moitié des victimes entre mars et juillet 2020.
Si les Ehpad avaient disposé de suffisamment de tests et de masques dès le mois de mars, nombre de ces décès n'auraient-ils pas pu être évités ? C'est ce que montre un graphique que les journalistes de "Pièces à conviction" ont réalisé à partir de données de Santé publique France.
La première semaine d'avril, on a compté plus de 3 700 décès parmi les résidents de maisons de retraite. Ils ont été contaminés en mars, alors que les Ehpad manquaient de masques et de tests. Après la généralisation des tests et du port des protections, le nombre de décès n'a cessé de baisser. Fin mai, le virus n'y faisait plus que quelques victimes par semaine.
Une logique de gestion de pénurie...
Pourquoi avoir tant tardé à équiper les Ehpad ? Comment s'expliquent ces défaillances dans la prise en charge de personnes particulièrement vulnérables ? D'abord par une forme de priorisation dans un contexte de pénurie de masques, comme le rapporte Christophe Lannelongue, ancien président de l'ARS Grand Est : "Quand l'épidémie démarre, début mars, on a une capacité de tests d'une centaine par jour, pour toute la région : 100 tests pour 5,6 millions d'habitants."
Cette capacité paraît dérisoire comparée à celle de l'Allemagne, par exemple, où "dès le 5 février, on est à un rythme de 500 000 tests par semaine". Dans un tel contexte, explique Christophe Lannelongue, "vous essayez de définir des critères de priorité, de façon à économiser le plus possible vos tests. Une priorisation qui a été faite, c'est de dire : 'Si vous avez trois résidents positifs, ne vous embêtez pas, vous avez toutes les chances, statistiquement, que les autres le soient aussi.' C'est une logique de gestion de pénurie."
... qui fait des Ehpad le parent pauvre des hôpitaux
Une logique qui fait des Ehpad le parent pauvre des hôpitaux. Et qui fait bondir certains médecins. Pour Philippe Juvin, le chef du service des urgences de l'hôpital Georges-Pompidou, à Paris, ne pas avoir testé massivement dans les Ehpad "le personnel comme les patients" de façon à pouvoir isoler les cas positifs, "attendre que quelqu'un ait un sympôme pour le tester"... "c'est une bêtise".
A l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, le 7 avril, le Dr François Boué écrivait une lettre au directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Il y exhortait l'Etat à renforcer les moyens des Ehpad. Aujourd'hui, il est persuadé que dans les premières semaines de l'épidémie, les maisons de retraite ont été sacrifiées. "On a totalement laissé tomber les Ehpad, accuse-t-il. Sciemment."
Extrait de "Covid-19 : que se passe-t-il vraiment dans les Ehpad ?", une enquête à voir dans "Pièces à conviction" le 18 novembre 2020 à 21h05.
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