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Covid-19 : quand et comment la pandémie prendra-t-elle fin ? Voici les hypothèses des scientifiques

Si la transformation du Sars-CoV-2 en épidémie saisonnière est possible à relativement courte échéance, rien ne dit que la situation actuelle ne pourrait pas se prolonger au moins l'hiver 2022-2023.

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
Le passage d'une situation pandémique à endémique repose sur l'immunité de la population mondiale face au virus Sars-CoV-2. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

L'année 2022 verra-t-elle la fin des masques et le retour de la bise ? Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a suscité une lueur d'espoir en assurant, début janvier dans Le Journal du dimanche (article abonnés), que la cinquième vague de Covid-19 serait "peut-être la dernière". Il n'est pas le seul : plusieurs épidémiologistes croient aussi à une amélioration de la situation à long terme après la vague actuelle. La fin du Covid-19 est-elle vraiment pour bientôt ? Franceinfo dresse un panorama des scénarios envisagés par les scientifiques.

1L'éradication totale du virus : très improbable

C'est l'hypothèse dont tout le monde rêve : après nos vaillants efforts, le Sars-CoV-2 disparaît de la surface de la Terre. Cela s'est déjà produit dans le cas de la variole, que l'OMS a proclamée éradiquée en 1980. Soit plus de vingt ans après en avoir fait une maladie à éliminer et près de deux siècles après la mise au point d'un procédé de vaccination. Un délai difficilement acceptable aujourd'hui.

Ce scénario, extrêmement rare, est de toute façon très peu probable dans le cas du Covid-19, estiment les experts interrogés par franceinfo. "Dans l'histoire des grandes viroses telles que la rougeole ou la variole, contracter la maladie donnait lieu à une immunité à vie stérilisante, c'est-à-dire qui empêchait d'attraper le virus et de le transmettre, explique Jean-François Saluzzo, virologue et expert auprès de l'OMS. Ainsi se créait une immunité de groupe, et seuls les nouveau-nés restaient sensibles à une infection.Les vaccins contre ces maladies permettaient eux aussi d'atteindre ce type d'immunité. Or, ça n'est pas le cas avec le Sars-CoV-2, qui peut contaminer des personnes ayant déjà été infectées. Et les vaccins, s'ils sont efficaces pour lutter contre les formes graves, n'empêchent pas la transmission du virus.

A la différence du virus de la variole, le Sars-CoV-2 se transmet également aux animaux. Il a été détecté chez des visons, des chats, des tigres ou des lions, rapporte une étude publiée fin 2020 dans Science (en anglais). Ces animaux (et probablement d'autres) font donc effet de réservoir au virus. Même s'il arrivait à être éradiqué de l'espèce humaine, il pourrait continuer à circuler chez eux, à muter et, in fine, à réinfecter l'humain.

Reste l'hypothèse d'une disparition spontanée du virus, comme cela s'est produit avec son cousin le Sars-CoV-1, rappelle Jean-François Saluzzo. Il a été observé pour la première fois en Chine en 2002, et s'est répandu dans une trentaine de pays en quelques mois, tuant quelque 700 personnes, malgré la mise en place de mesures barrières et de quarantaines. Mais il a disparu dès 2003, dans des conditions jugées en partie "mystérieuses" par les scientifiques. "Néanmoins, au vu de l'intense circulation du virus du Covid-19 et de sa distribution, cette possibilité est peu probable", estime le virologue.

Cela ne veut pas dire pour autant que la pandémie de Covid-19 ne connaîtra pas de fin. "Il faut découpler la circulation du virus, dont l'arrêt est peu probable, des tensions sur le système hospitalier et de la morbidité associées à l'épidémie, qui, elles, peuvent se réduire", souligne Samuel Alizon, directeur de recherche au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/Inserm) et spécialiste de l'évolution des maladies infectieuses.

2L'élimination locale du virus : difficilement atteignable

A défaut d'éradiquer le Covid-19 de la totalité de la planète, est-il possible de l'éliminer localement ? C'est l'un des scénarios envisagés par un article publié dans la revue The Lancet (en anglais) en juillet. Grâce à une forte couverture vaccinale et/ou au maintien de mesures de restriction strictes dans le temps (contrôle des frontières, quarantaine dès l'apparition d'un foyer de contaminations, etc.), l'incidence peut en théorie être réduite à zéro dans une région ou un pays, alors même que la pandémie se poursuit dans d'autres parties du globe. Cette stratégie dite du "zéro Covid" a été utilisée avec un relatif succès par un petit nombre de pays tels que l'Australie, la Chine, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam, relève l'article du Lancet.

Mais plusieurs conditions empêchent la généralisation de ce scénario. D'une part, "les efforts assez durs qui peuvent être demandés à la population, notamment en termes de contrôle des déplacements", nuisent à son acceptabilité sociétale, note le chercheur Samuel Alizon. D'autre part, plusieurs pays ayant adopté la stratégie "zéro Covid" étaient aidés par le caractère insulaire de leur territoire (Australie, Nouvelle-Zélande), qui leur a permis de mieux contrôler leurs frontières. Ce scénario requiert en outre une maîtrise très fine du "contact tracing", afin de pouvoir détecter et isoler rapidement tout nouveau cas. Une compétence sur laquelle la France n'a pas su miser suffisamment lorsqu'elle était entre deux vagues, regrette le spécialiste. Et ce, malgré la recommandation du Conseil scientifique de développer nos capacités de "tracing", par exemple dans des avis de juillet et d'octobre. Cette stratégie se heurte par ailleurs aux évolutions plus récentes du Covid-19.

"La politique 'zéro Covid' est devenue difficile avec les variants Delta et Omicron car ils sont plus contagieux, donc il faut réussir à prendre des mesures de contrôle de l'épidémie encore plus tôt."

Samuel Alizon, directeur de recherche au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie

à franceinfo

L'Australie, qui avait réussi à contenir les infections en fermant ses frontières et en suivant une stratégie de dépistage agressive, a connu le 4 janvier un record de près de 50 000 cas quotidiens, en grande partie liés à Omicron.

S'il est "très difficile à réaliser" à court terme étant donné la vague actuelle de contaminations dans le monde, l'objectif de l'élimination locale du Covid-19 "peut être un horizon vers lequel on peut essayer de tendre", estime néanmoins le chercheur. Mais il nécessite de discuter des modalités à mettre en œuvre "dans les périodes de plus faible circulation du virus, car c'est à ce moment-là qu'on peut efficacement casser les chaînes de transmission". Il restera néanmoins toujours soumis au risque qu'un nouveau variant, plus contagieux, émerge dans une zone où le virus circule encore et finisse par percer la bulle de protection.

3La cohabitation avec le virus : probable… à une échéance incertaine

Et s'il ne fallait pas chercher à faire disparaître totalement le Covid-19, mais attendre de pouvoir vivre avec ? En janvier 2021, près de 90% de la centaine d'experts – immunologistes, virologues et spécialistes des maladies infectieuses interrogés par la revue Nature (en anglais) sur l'avenir de la pandémie estimaient que la situation finirait par évoluer vers un état endémique. Dans ce scénario, le virus continue à circuler, surtout en hiver, mais l'immunité collective conférée par l'infection et par la vaccination est suffisante pour prévenir la majorité des formes graves. Les conséquences de sa circulation seraient comparables à celles des épidémies de grippe, qui ont lieu chaque année en France sans désorganiser la société. Il pourrait toutefois être nécessaire de se refaire vacciner régulièrement pour maintenir un niveau d'immunité important, et d'avoir parfois recours à des mesures de restrictions en cas de vague un peu plus importante.

Ce scénario est jugé probable par beaucoup d'experts car quatre autres coronavirus déjà connus, HCoV-OC43, HCoV-229E, HCoV-NL63 et HCoV-HKU1, se comportent ainsi. Ces virus, qui circulent pour certains depuis des centaines d'années au sein de l'espèce humaine, sont responsables de 15% à 30% des rhumes chez l'adulte, selon l'Encyclopédie de virologie (en anglais).

Dans quels délais ce scénario se réaliserait-il ? C'est la grande inconnue. Une étude publiée dans Science (en anglais) en janvier tablait sur une durée allant de "quelques années" à "quelques décennies". L'article du Lancet paru en juillet évoque "trois à cinq ans". Mais l'arrivée du variant Omicron a bouleversé ces prévisions. Ces derniers jours, Emmanuel Macron, Olivier Véran et plusieurs experts ont estimé que la forte contagiosité d'Omicron associé à sa faible virulence apparente pourraient accélérer le calendrier. Selon le ministre de la Santé, le variant est tellement contagieux qu'il "va entraîner une immunité renforcée" dans le monde et nous serons "tous plus armés après son passage".

"Je suis persuadé que ce ne sera pas la dernière vague (...) mais ça sera peut-être la dernière de cette intensité."

Eric Caumes, chef du service de maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière

au "Parisien"

La sortie de crise pourrait donc s'annoncer dès le printemps 2022, selon certains. Mais là encore, impossible de garantir ce scénario. Le passage d'une situation pandémique à endémique repose sur l'immunité de la population mondiale face au virus. Or, une grande partie de la planète n'est pas encore vaccinée, a rappelé fin décembre le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il faudrait que "70% de la population de chaque pays soit vaccinée d'ici au milieu de l'année prochaine" pour en finir avec la pandémie en 2022, selon lui. Au 4 janvier, seule 49% de la population mondiale était entièrement vaccinée, selon la base de données Our World in Data (en anglais). De grandes inégalités régionales subsistent : alors que 69% de la population de l'Union européenne est entièrement vaccinée, c'est le cas de seulement 9% des habitants du continent africain.

Au-delà de l'inéquité vaccinale, l'immunité conférée par l'infection ou les vaccins dans le temps et face aux futurs variants pèsera énormément sur l'avenir de la pandémie. L'arrivée d'Omicron a montré que les vaccins constituent une barrière importante face aux formes graves, mais doivent être complétés d'au moins une dose de rappel pour conserver un niveau élevé de protection, et ne protègent pas aussi bien qu'espéré de la transmission (tout comme une infection passée). Or, un variant qui échappe au système immunitaire est le pire cauchemar des experts.

4Un variant grave qui échappe au système immunitaire : possible… et désastreux

Contrairement à ses prédécesseurs, le variant Omicron a aussi contaminé massivement des personnes ayant déjà été infectées ou ayant reçu deux doses de vaccin. "Si cela se produit une fois, il n'est pas aberrant de penser que cela puisse se reproduire dans le futur", note Samuel Alizon.

Si Omicron ne semble pas causer de formes graves à la réinfection, cela pourrait être le cas d'un prochain variant, s'alarme l'OMS. "Actuellement, Omicron est mortel (…) Peut-être un peu moins que Delta, mais qui peut dire ce que le prochain variant pourrait générer ?" s'est interrogée, en janvier, une responsable des situations d'urgence de l'agence. Jusqu'à l'arrivée d'Omicron, qui fait exception, "l'évolution [du Sars-CoV-2] a conduit à une augmentation progressive de la contagiosité et de la létalité des variants", s'inquiète aussi Gilbert Deray, chef du service de néphrologie de la Pitié-Salpêtrière, dans L'Express.

Si un tel variant devait faire son apparition, il faudrait mettre à jour les vaccins pour retrouver un niveau d'immunité permettant une circulation endémique. Un processus sur lequel les laboratoires assurent depuis plusieurs mois travailler, en ce qui concerne les variants Delta et Omicron, sans que ces nouvelles versions soient pour l'instant commercialisées. En attendant une mise à jour, les cas graves liés à un autre potentiel variant continueraient d'affluer dans les hôpitaux et le nombre de morts de grimper. Il n'aurait pas besoin d'être très virulent pour désorganiser la société. Selon un simulateur développé par l'équipe de Samuel Alizon, si 50% de la population française était contaminée cet hiver au variant Omicron, a priori moins létal que son prédécesseur Delta, "il y aurait, au vu des connaissances actuelles sur l'immunité et la virulence, environ 20 000 admissions en réanimation". Soit l'équivalent "de tous les services de réanimation pleins pendant deux mois uniquement avec des patients Covid".

Heureusement, l'arrivée massive des traitements antiviraux, tels que le Paxlovid, prévue en 2022, pourrait permettre d'éviter ce scénario du pire. Pris quelques jours après l'apparition de symptômes, ils permettent de limiter la survenue de formes graves, donc la saturation des hôpitaux. Quant à la fin de la pandémie, bien malin qui pourra la prédire. Ce qui est certain, c'est que l'évolution de l'immunité et la nature des prochains variants seront clés.

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