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Vaccins contre le Covid-19 : comment les instances européennes travaillent en temps réel pour accélérer la délivrance des autorisations

Au moins quatre candidats vaccins sont actuellement analysés par le comité européen chargé d'évaluer les médicaments innovants. Son avis est décisif pour autoriser ou non une commercialisation des produits. Afin de gagner du temps, les experts travaillent en temps réel sur les données adressées par les fabricants. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le siège de l'Agence européenne des médicaments se trouve désormais à Amsterdam (Pays-Bas), après avoir déménagé de Londres (Royaume-Uni) en raison du Brexit. (LEX VAN LIESHOUT / ANP / AFP)

Qui donne le feu vert à un vaccin ? Comment sont étudiés les dossiers ? Alors que la France se prépare à de futures campagnes de vaccination, des produits sont déjà examinés depuis plusieurs semaines par les autorités européennes compétentes. Cette analyse est menée tambour battant et dans le cadre de procédures d'urgence, afin de répondre au plus vite à la crise sanitaire en cours. Le sort prochain des candidats vaccins de Pfizer et BioNTech, de Moderna ou encore d'AstraZeneca repose sur les épaules du Comité des médicaments à usage humain (CHMP), une agence basée à Amsterdam (Pays-Bas) sous la tutelle de l'Agence européenne des médicaments (EMA).

Une procédure centralisée pour les Etats membres

Les différents Etats membres disposent d'instances de santé (l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en France), mais la procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) est européenne. C'est le CHMP qui a la mission d'étudier ces demandes à partir des données transmises par les différents fabricants. Une telle procédure centralisée a pour avantage de nécessiter un seul dossier pour l'ensemble des pays de l'UE, avec donc une AMM unique.

Une directive européenne datant de 2001 prévoit toutefois que les Etats membres peuvent autoriser temporairement la distribution d'un médicament non autorisé. C'est le choix qu'a fait le Royaume-Uni. Toujours en période de transition après le Brexit, Londres devait théoriquement attendre le feu vert de l'EMA mais a décidé de passer outre pour obtenir plus rapidement une AMM auprès de sa propre agence (MHRA). La Hongrie a également fait valoir cette procédure d'urgence, et envisage de distribuer le vaccin candidat russe Spoutnik V. Les 26 autres Etats membres, eux, ont logiquement respecté la procédure prévue.

>> VRAI OU FAKE. Le Brexit a-t-il accéléré l'autorisation du vaccin au Royaume-Uni, comme l'affirme Londres ?

Chaque pays de l'UE est représenté par un membre et son suppléant, et cinq autres membres dits "cooptés" sont également présents, en raison de leurs compétences particulières, soit 32 membres au total. Un rapporteur et un co-rapporteur sont sélectionnés pour chaque demande d'AMM et les autres membres ("destinataires") commentent leurs recommandations.

Un travail accéléré grâce à la "révision continue"

Le plus souvent, l’ensemble des données sur l’efficacité et la sécurité d’un vaccin sont transmises par le fabricant d'un seul coup, dans le cadre d’une demande formelle d’autorisation de mise sur le marché. Mais dans le cas d’une procédure accélérée, les firmes envoient leurs données au fur et à mesure de l’avancée des travaux, et celles-ci sont analysées en temps réel par le CHMP.

"L'évaluation d'une éventuelle candidature devrait prendre moins de temps que d'habitude en raison du travail effectué pendant la révision continue", indique ainsi l'EAM (contenu en anglais). Cette analyse au fil de l'eau est nommée "révision en continu" (ou "rolling review"), et demande un "effort considérable de la part des agences, avec un nombre très important d'évaluateurs", explique un expert contacté par franceinfo. Une telle procédure n'est pas propre à l'Union européenne (UE) : le vaccin de Moderna, par exemple, fait l'objet d'une "révision en continu" aux Etats-Unis, au Canada et en Suisse.

Sur les six vaccins ayant fait l'objet d'une précommande par l'UE, quatre sont actuellement étudiés par le CHMP. Les autorités sanitaires n'ont pour l'heure pas communiqué à propos des deux autres vaccins (l'allemand CureVac et le franco-britannique Sanofi-GSK), qui n'ont pas encore atteint la phase 3 des essais cliniques.

Ces dossiers sont donc encore incomplets. Le comité, par exemple, travaille actuellement "sur les résultats préliminaires des essais précliniques et cliniques effectués sur des adultes dans des laboratoires" concernant le candidat vaccin de Janssen (Johnson & Johnson), indique l'EMA sur son site. Lors d'une demande, "plusieurs dizaines de milliers de pages peuvent être fournies", explique l'expert français interrogé par franceinfo, ce qui explique la nécessité d'une révision en continu pour gagner du temps. Les documents transmis par les fabricants sont confidentiels, mais ces données portent traditionnellement sur la qualité pharmaceutique, les études chez l'animal, la pharmacodynamie (ce que le médicament fait à l'organisme), la pharmacocinétique (ce que fait l'organisme à un médicament), l'efficacité et la sécurité clinique.

Quand le CHMP pense avoir suffisamment de données significatives, il informe le fabricant qu’il lui est possible de déposer une demande d’autorisation conditionnelle. Cela ne préjuge en rien de la décision finale. L’examen se poursuit aussi longtemps qu'il est nécessaire avant d'obtenir (ou non) les preuves nécessaires à l'autorisation du produit sur le marché.

Les premiers avis bientôt connus

En temps normal, le dossier est discuté en séance plénière (quatre jours tous les mois à Amsterdam), avant la rédaction de questions au fabricant. Cependant, dans le cas présent, les membres ont déjà prévu des réunions extraordinaires pour accélérer le mouvement. Celles-ci auront lieu d'ici le 29 décembre pour le vaccin candidat de Pfizer et BioNTech et d'ici le 12 janvier pour celui de Moderna. En cas de feu vert, l'EMA transmettra une recommandation positive à la Commission européenne, qui consultera alors tous les Etats membres avant de délivrer une autorisation formelle dans les jours qui suivent.

Le CHMP peut décider d'accorder une AMM "conditionnelle" sur la base de résultats intermédiaires, alors même que l'essai de phase 3 est toujours en cours, s'il estime que le rapport entre les risques et les bénéfices est positif. Il conviendra toutefois de compléter les données ensuite avec des résultats finaux ou de nouvelles études.

Une fois cette AMM délivrée, les agences nationales ne réaliseront pas d'analyses ou de contrôles supplémentaires. Des essais industriels et académiques continueront toutefois d'être lancés (phase 4). Par ailleurs, l'observation "en vie réelle" permettra de faire remonter d'éventuels effets indésirables à moyen et long terme, que ce soit par les fabricants eux-mêmes ou, en France, par les centres régionaux de pharmacovigilance. Enfin, la Haute Autorité de santé a pour mission de conseiller l'exécutif sur la stratégie vaccinale la plus adaptée. Ce travail a déjà commencé, avec la publication de recommandations préliminaires. Ces dernières ont été suivies par le gouvernement, comme l'ont confirmé Jean Castex et Olivier Véran lors de leur conférence de presse de jeudi.

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