Covid-19 : quatre questions sur le "pass sanitaire" que souhaite mettre en place Emmanuel Macron
Le président de la République a évoqué jeudi la préparation d'un outil qui serait différent du contesté "passeport vaccinal". Mais que sait-on de ce futur sésame ?
"Je sens qu'il y a beaucoup de confusion parfois sur ce sujet", glisse Emmanuel Macron. La preuve. A peine a-t-il évoqué, à l'issue de la première journée d'une visioconférence entre les 27 dirigeants de l'Union européenne, jeudi 25 février, la mise en place à l'avenir d'un "pass sanitaire", que déjà, il se doit d'insister : ce "pass" "ne sera pas uniquement lié à la vaccination" contre le Covid-19. Traduction : pas question, alors que la campagne vaccinale n'en est qu'à ses débuts en France, de faire de la vaccination une condition pour accéder aux lieux susceptibles de rouvrir (restaurants, lieux culturels, etc.).
>> Covid-19 : les dernières informations sur la pandémie dans notre Direct
Mais alors que la question d'un passeport vaccinal est discutée au sein de l'UE et de chacun des pays membres, que sait-on de la différence entre ces précieux sésames en préparation ?
1Quel est l'objectif de ce "pass sanitaire" ?
Emmanuel Macron tiendra une réunion avec des membres du gouvernement la semaine du 1er mars pour préparer la mise en place de ce "pass sanitaire". Or, la consigne du président de la République est claire : "Si on arrive à rouvrir certains lieux, nous ne saurions conditionner leur accès à une vaccination, alors même que nous n'aurions même pas ouvert la vaccination aux plus jeunes", a-t-il prévenu.
"La sémantique du passeport vaccinal depuis le début, c'est de dire : celui qui n'est pas vacciné n'a pas accès aux aéroports, aux restaurants, aux musées, etc. Là, l'idée est un peu différente", a précisé vendredi 26 février le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, invité sur LCI à imaginer la forme que pourrait prendre ce "pass" : "Afin de rouvrir les activités en sécurité, on va améliorer le protocole sanitaire global", a-t-il ajouté, précisant que "quand les musées rouvriront, il n'y aura pas besoin obligatoirement d'avoir un vaccin pour accéder aux musées."
"Ce qu'on fait depuis plusieurs mois avec TousAntiCovid, on le fera de manière beaucoup plus efficace", a résumé Emmanuel Macron lors de la présentation de ce pass. Ainsi, il a évoqué la possibilité de s'enregistrer avant d'entrer dans un lieu, via un QR Code par exemple, afin de faciliter "le contact-tracing."
2A quoi ressemblerait-il ?
Pour se faire une idée de la piste privilégiée par le gouvernement, le ministre évoque les initiatives déjà existantes dans un secteur qu'il connaît bien : l'aérien. "Il y a des 'Travel Pass', donc des pass sanitaires, qui commencent à être mis en place au niveau international", a-t-il relevé, citant les travaux menés par Air France pour mettre en œuvre d'ici à quelques semaines un tel dispositif pour les outre-mers.
"Cela consistera à avoir une application dans laquelle vous pouvez rentrer vos tests PCR négatifs, vos attestations de non-symptômes, bref, tous vos documents de voyages et, le cas échéant, le certificat de vaccination…" Dans le cas du "pass sanitaire", "l'idée est un peu la même, puisque dans cet horizon de réouverture des différentes activités, l'idée est de pouvoir rouvrir ces activités en sécurité et donc de pouvoir tracer, à l'aide de ces applications", a détaillé le ministre, avant de rappeler que les discussions sur les modalités n'en étaient qu'à leurs débuts.
Le développement d'un tel instrument "va poser beaucoup de questions techniques, de respect des données individuelles, d'organisation de nos libertés", a concédé jeudi Emmanuel Macron. Et, pour cela, "il faut [la] préparer dès maintenant techniquement, politiquement, juridiquement", a expliqué le président.
3Est-ce qu'il sera suffisant pour voyager en Europe ?
Nous n'en sommes pas là. Pour l'instant, l'Union européenne tente de se mettre d'accord sur les critères qui seront demandés aux voyageurs. Sur le plan pratique, il faudra "travailler à une certification médicale commune" entre les Vingt-Sept, a indiqué le président français, voulant "éviter que chaque pays développe son propre système." Ainsi, parallèlement aux réflexions menées dans les différents pays, les dirigeants européens ont discuté jeudi de la mise en œuvre du certificat, qui permettra de "réorganiser la circulation entre Etats de manière plus fluide" lorsque les restrictions aux frontières seront levées.
Pour la chancelière allemande, Angela Merkel, cela passe par la création d'"une plate-forme commune pour que tous les passeports de vaccination nationaux soient compatibles au niveau européen. La Commission européenne aura besoin d'environ trois mois pour développer les bases techniques", a-t-elle déclaré jeudi. "Nous, en Allemagne, nous avons décidé de développer un tel certificat. Je pense que tous les pays membres auront leur propre passeport. Dans chaque pays, ce document comportera les mêmes informations. Ceci devrait permettre de voyager à l'intérieur de l’Union européenne", a-t-elle ajouté.
Mais attention, "cela ne signifie pas que seuls les détenteurs d'un passeport vaccinal pourront voyager" à l'intérieur de l'UE, a insisté la chancelière allemande. "Ensuite, il faut voir s'il sera également possible de faciliter l'entrée dans l'Union européenne depuis des pays tiers. Mais tous ont souligné aujourd'hui que ce passeport n'est pas encore d'actualité, vu que si peu de nos citoyens sont déjà vaccinés. Mais nous devons nous préparer."
Quoi qu'il en soit, à charge pour les Etats d'adapter leurs systèmes de santé et structures douanières pour préparer une certification commune. Ils devront "réagir rapidement" s'ils veulent un "passeport" effectif d'ici l'été, a prévenu pour sa part la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
4Les personnes vaccinées seront-elles avantagées ?
Si les dirigeants européens se sont contentés jeudi d'"appeler à poursuivre une approche commune", le critère de la vaccination divise. "Il reste des interrogations scientifiques : il n'est pas encore certain que vous cessez de transmettre le virus après avoir été vacciné", a fait valoir Ursula von der Leyen, doutant qu'il soit pertinent de faire de la vaccination l'alpha et l'oméga de ce futur "pass".
Par ailleurs, certains pays, comme l'Autriche, soutenue par la Bulgarie, préconisent un certificat permettant de voyager ou d'accéder aux restaurants pour les personnes vaccinées mais également pour celles qui sont considérées comme "immunisées" après avoir contracté le virus. Mais là encore, la question de l'immunité et de sa durée demeure incertaine. Preuve, s'il en faut, que le choix des critères à retenir promet de nombreux débats.
Mais alors que la Grèce, soucieuse de sauver son industrie touristique, a soumis en janvier une proposition à la Commission pour la mise en place d'un "certificat de vaccination" européen d'ici aux vacances d'été, les appels à la prudence se multiplient : "Si les choses vont mieux, aucun d'entre nous n'acceptera que pour capter, par exemple, des touristes, il y ait un pays qui soit moins disant que l'autre et qui prenne des risques en faisant venir des gens du bout du monde pour remplir ses hôtels", a aussitôt averti Emmanuel Macron.
Mais à l'heure où seuls 4,2% des Européens ont reçu au moins une dose de vaccin, la question des droits attachés à ce "passeport" est jugée "conflictuelle" et "hors de propos" par certains Etats. "Un tel document ne saurait ouvrir des droits spéciaux spécifiques aux personnes vaccinées", a martelé jeudi devant la presse le président français, alignant sa position sur le futur "pass" européen avec celle du possible futur "pass" français. "Je n'accepterai pas un système où on fait dépendre l'accès à tel ou tel pays à un tel certificat" alors que "nos jeunes n'auront pas encore été vaccinés", a-t-il averti.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.