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Covid-19 : explosion du nombre de morts, hôpitaux saturés, variants... Pourquoi la situation au Brésil est inquiétante

Depuis janvier, le nombre de nouvelles contaminations au Covid-19 a explosé dans le pays le plus peuplé d'Amérique latine, alors que la vaccination ne protège que 6% de ses habitants.

Article rédigé par franceinfo
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Des victimes du Covid-19 sont enterrées dans le cimetière de Iraja, au nord de Rio de Janeiro (Brésil), le 18 mars 2021. (FABIO TEIXEIRA / NURPHOTO / AFP)

"Chaos", "génocide", "effondrement"... Au Brésil, les éditorialistes ne mâchent pas leurs mots pour décrire la situation sanitaire catastrophique liée à l'épidémie de Covid-19. S'il reste le deuxième pays le plus endeuillé au monde derrière les Etats-Unis, le géant d'Amérique latine est devenu, il y a quelques semaines, l'Etat dénombrant le nombre de décès quotidiens le plus élevé de la planète. En moyenne, plus de 2 200 morts y sont enregistrés chaque jour, selon les données de Our World in Data au dimanche 21 mars. Un chiffre qui ne cesse d'augmenter.

A ce jour, près d'un mort du Covid-19 sur quatre enregistré dans le monde est brésilien. Et les statistiques ne sont pas le seul motif d'inquiétude pour le Brésil, incapable de vacciner massivement sa population et touché par un variant plus mortel.

Plus de 3 000 patients attendent une place en soins intensifs

Depuis le mois de janvier, au Brésil, les hôpitaux des 27 Etats et districts fédéraux ont vu leur nombre de patients exploser. Le taux d'occupation des lits en soins intensifs à travers le pays atteint désormais un niveau "critique", écrit l'institut de recherche en santé publique Fiocruz (article en portugais). Plus de 90% des lits en soins intensifs sont occupés dans la grande majorité des territoires. Au 20 mars, seuls deux Etats présentaient un taux d'occupation inférieur à 80%.

L'aggravation de la situation est telle que plus de 3 000 patients attendent qu'une place se libère en service de soins intensifs dans douze Etats fédérés, a dénombré le journal O Globo (article en portugais). A ce jour, 20 000 personnes occupent des lits en soins intensifs dans les hôpitaux publics du pays. Fiocruz parle d'un "effondrement sanitaire et hospitalier sans précédent dans l'histoire du Brésil". Dans l'Etat de Sao Paulo, deux jeunes de 22 et 25 ans ont succombé à la maladie à un jour d'intervalle. Ils attendaient un lit en soins intensifs.

Le variant brésilien, plus contagieux et plus mortel

Cette deuxième vague épidémique est née en janvier à Manaus, une ville de 2,1 millions d'habitants, capitale de l'Etat d'Amazonas, dans le nord du pays. Les scientifiques imaginaient que la région, durement touchée lors de la première vague au printemps 2020, bénéficierait d'une immunité collective. Mais l'émergence d'un nouveau variant a changé la donne. Les nouvelles contaminations et recontaminations ont explosé, plongeant la ville dans un chaos sanitaire.

Le variant P1, surnommé "variant brésilien", serait plus contagieux et létal pour les plus jeunes, selon les soignants. "Le profil de nos patients a changé", explique à l'AFP Jaques Sztajnbok, responsable de l'unité de soins intensifs de l'hôpital Emilio Ribas de Sao Paulo. "Aujourd'hui, nous avons des personnes plus jeunes hospitalisées dans un état très grave, même si elles n'ont pas de comorbidités." Environ 29% des personnes mortes ces dernières semaines ont moins de 60 ans, contre 22% en novembre et en décembre.

Selon une étude du Massachusetts General Hospital datant de janvier et relayée par le site Allodocteurs, les vaccins pourraient se révéler moins efficaces contre le variant apparu au Brésil. Une crainte nuancée mais confirmée par une récente étude préliminaire de l'université d'Oxford (en anglais).

Une campagne de vaccination qui patine

Comme d'autres pays, le Brésil manque de doses. La campagne de vaccination, qui a commencé à la mi-janvier avec deux vaccins (le suédo-britannique AstraZeneca et le chinois CoronaVac), est bien trop lente pour commencer à produire de premiers effets sur l'évolution de l'épidémie.

A ce jour, moins de 6% des 210 millions d'habitants du pays ont reçu au moins une première dose, selon les données de Our World in Data. Un chiffre encore loin de l'objectif affiché par le ministère de la Santé, qui espère vacciner l'ensemble de la population d'ici à la fin de l'année.

Pour tenter d'accélérer le mouvement, le Brésil a levé le 21 mars l'obligation faite aux autorités locales de réserver des stocks de vaccins pour la seconde injection.

La stratégie décriée de Bolsonaro

La réponse des autorités à la crise sanitaire est également ralentie par le bras de fer politique qui oppose le gouvernement fédéral aux autorités locales. Plusieurs grandes villes ont décrété l'état d'urgence sanitaire. A Sao Paulo, le gouverneur, Joao Doria, qui s'est imposé comme l'opposant principal au président, a décrété le 15 mars une nouvelle série de restrictions, au grand dam de Jair Bolsonaro.

Depuis plusieurs mois, le président brésilien critique publiquement la mise en place de ces restrictions et nie la gravité de l'épidémie." Assez de pleurnicherie !" a lancé Jair Bolsonaro le 4 mars. "Cela suffit, ces histoires. On a assez de problèmes. Jusqu’à quand allez-vous rester à la maison ? Jusqu'à quand tout va-t-il rester fermé ? Personne ne supporte plus ça !Un nouveau ministre de la Santé, le quatrième depuis le début de la pandémie, a été nommé à la mi-mars.

Une bombe à retardement pour le reste du monde

Avec une épidémie galopante et un taux de vaccination faible, le virus pourrait avoir le temps de s'adapter pour contrer les anticorps, préviennent les scientifiques. "Si ces anticorps vaccinaux apparaissent alors que l'infection est en cours et se propage dans votre organisme, le virus peut se reproduire d'une manière qui échappe aux anticorps produits. Les mutations les plus bénéfiques pour le virus survivront et se transmettront dans un processus de sélection naturelle", explique à la BBC Julian Tang, virologue à l'université de Leicester au Royaume-Uni.

Le Brésil pourrait donc s'attendre à voir émerger d'autres variants, potentiellement plus contagieux ou plus virulents. Une menace que prend au sérieux l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Michael Ryan, en charge du programme de réponse d’urgence de l'organisation, s'est inquiété, le 12 mars, de la situation du pays et des "conséquences mondiales" que cette situation pourrait avoir. "À commencer par le gouvernement, tout le monde au Brésil doit prendre la pandémie au sérieux", a-t-il déclaré, rapporte O Globo (article en portugais).

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