"On s'enferme pour les sauver" : les salariés d'un Ehpad de Charente se confinent avec les résidents pour éviter la propagation du coronavirus
Dix-huit employés d'un établissement de Mansle, en Charente, se sont portés volontaires pour tenter de protéger leurs résidents, particulièrement vulnérables au virus.
Opération "portes fermées" à l'Ehpad Bergeron-Grenier de Mansle, en Charente. Depuis mardi 24 mars, 18 salariés de l'établissement ont décidé de se confiner 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 avec les résidents. Aucune entrée et aucune sortie n'est désormais autorisée. L'objectif est clair : "On s'enferme pour les sauver", explique le directeur, Pascal Ramirez, à franceinfo. Il faut dire qu'en quelques jours, le coronavirus a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes âgées dans plusieurs Ehpad de France.
Au sein de cette maison de retraite médicalisée, cela faisait plusieurs jours que l'idée trottait dans la tête des salariés. "On avait tous très peur de les contaminer, explique Mathilde, l'ergothérapeute de l'établissement depuis quelques mois. On sait très bien ce qui peut arriver si on ramène le Covid dans l'Ehpad..." Car si les visites des familles sont interdites depuis plusieurs semaines, les soignants, eux, continuent leurs allers-retours à l'extérieur. "Il y a quelques jours, j'avais déjà annoncé qu'on ne prenait plus d'intérimaires", indique le directeur. Mais l'urgence de la situation l'a poussé à prendre des mesures plus drastiques.
"Mon compagnon a accepté ma décision"
Lundi 23 mars, les salariés présents se sont réunis pour évoquer la possibilité d'un confinement total avec les 59 résidents très âgés de l'établissement. Rapidement, de nombreux volontaires se font connaître. Infirmières, aides-soignantes, cuisinier, agent d'entretien... Au total, 18 salariés de tous les corps de métier ont répondu présents. L'autre moitié des effectifs reste à l'extérieur de l'établissement. "Ils s'occupent de faire des courses par exemple, mais ne rentrent pas. Ils laissent les produits devant la porte et on désinfecte", explique Pascal Ramirez.
Une dernière soirée est accordée à l'extérieur pour les volontaires afin de préparer leurs affaires et prévenir leur famille. "Mon compagnon a accepté ma décision, d'autant qu'il travaille aussi à l'extérieur et avait peur de me contaminer", raconte Mathilde, 24 ans. Le lendemain, chacun ramène sa couette, son oreiller et quelques habits. La mairie fournit des matelas pour transformer une pièce en dortoir. "J'ai aussi pris quelques jeux de société", sourit l'ergothérapeute.
C'est un peu une colonie de vacances... mais avec des enfants de 85 ans !
Pascal Ramirez, directeur de l'Ehpadà franceinfo
Dans l'Ehpad, tous les plannings sont chamboulés. "On change de rythme, explique le directeur. Il n'y a plus cette frénésie des horaires. On se déleste de toute autre préoccupation et on se concentre sur les résidents." Les repas sont désormais pris un peu plus tard et ensemble, entre résidents et salariés. "On prend plus le temps d'être avec les résidents. Tout le monde est égal", complète l'ergothérapeute.
Le risque : un porteur sain parmi les salariés
Les principaux intéressés commencent à percevoir ce chamboule-tout. "Les résidents se rendent bien compte qu'on essaie quelque chose qu'on a jamais essayé, pour eux, explique le directeur. Certains savent aussi que le Covid-19 peut leur être fatal."
Reste une inconnue qui préoccupe tous les salariés : "Le grand risque, c'est qu'une des 18 personnes à l'intérieur soit porteur sain du virus", reconnaît Pascal Ramirez. C'est pour cette raison que l'Agence régionale de santé "ne valide pas" la stratégie de l'établissement. En attendant, chaque jour passé sans virus ressemble à une victoire : "On va déjà essayer de tenir quinze jours et après on verra, explique le directeur. On croise les doigts."
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