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"Je me demande ce que je fais là" : des soignants désabusés par leur métier à cause de l'épidémie de coronavirus

Ils sont prêts à déchirer leur blouse. À l’heure où la France se déconfine, des médecins, des infirmiers, lassés par les conditions de travail, le manque de reconnaissance et la violence de la crise se posent la question d’arrêter.

Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Un soignant enfile un équipement de protection dans les services d'urgence de l'hôpital Lariboisière à Paris, le 27 avril 2020 (photo d'illustration). (JOEL SAGET / AFP)

Lou vient de passer plusieurs semaines en renfort comme infirmière, dans le service de réanimation d’un grand hôpital parisien. Elle se posait déjà des questions, mais ce qu’elle vient de vivre avec l'épidémie de coronavirus lui a laissé un goût amer. Elle revoit encore les patients mourir seuls dans leur chambre d’hôpital, et c’est insupportable. "Ça a été la douche froide parce que moi, j’adore l’adrénaline, explique Lou. J’adore les services hyper techniques, mais l’humain a vraiment une place importante pour moi."  

J’ai le contrecoup, je me sens très fatiguée et j’ai plein de questions en tête.

Lou, infirmière

à franceinfo

"Je me dis : quel sens ? Pourquoi faire ça ?, s'interroge l'infirmière. Pourquoi ? Je sais et je vois bien que ça a servi au patient... Mais est-ce qu’il faut contribuer à cette machine ? Est-ce qu’il faut se mettre en retrait ? Je ne sais pas." 

"Je ne voyais pas la médecine comme ça"

Comme Lou, Sarah a fait cette douloureuse expérience. Externe dans un service "Covid" à l’hôpital, l’étudiante de 24 ans n’a même pas encore passé l’internat de médecine qu’elle envisage de jeter l’éponge. "On n’avait le temps de rien, raconte Sarah. En fait, on passait notre temps à chercher du matériel et des places partout. On n’était jamais avec les patients."

En plus, les personnes meurent seules avec la porte fermée, parce qu’il ne faut pas faire circuler le virus, ça m’a vraiment choquée.

Sarah, externe

à franceinfo

"La façon dont on traite les médecins", a aussi choqué l’étudiante en médecine. "On n’a pas le matériel pour se protéger, on n’a rien. Moi, c’est ce qui fait que je me suis demandée ce que je faisais en médecine. Je ne voyais pas la médecine comme ça. Je me demande ce que je fais là."

Il faut dire qu’après deux mois de lutte acharnée, les soignants sont en plein contrecoup, estime Marion Rieutord. Cette psychiatre fait les debriefings des équipes au sein des hôpitaux Pompidou et Necker, à Paris. "Il y a une grande fatigue physique et émotionnelle, indique la psychiatre. Ils ont déployé toutes leurs forces pendant deux mois. Ils ont fait face à une maladie qu’ils ne connaissaient pas. Surtout le fait de perdre énormément de patients, clairement, certains l’ont très mal vécu. On a dû prendre certains professionnels en charge sur le plan psychiatrique."

Le taux de pertes a été tellement important que ça a été très compliqué à vivre.

Marion Rieutord, psychiatre

à franceinfo

L’autre grande peur des soignants, c’est de revenir à l’organisation d’avant la crise sanitaire. Retomber dans l’oubli, sans moyens supplémentaires.

Gaële Joly a rencontré des soignants désabusés : écoutez son reportage

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