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Epidémie de coronavirus contrôlée, éliminée, éradiquée... quelles différences ?

Le nombre de cas de Covid-19 a tendance à baisser un peu partout en Europe. Pourtant, si l’épidémie est désormais considérée comme "contrôlée" par le président du Conseil scientifique français, le chemin est encore long avant de pouvoir affirmer que cette épidémie est terminée. Et son éradication est encore très hypothétique.

Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Un membre du personnel portant un écran facial utilise un thermomètre laser pour tester les températures des clients dans un magasin Furniture Village à Croydon, dans le sud-est de Londres le 5 juin 2020. (BEN STANSALL / AFP)

"On peut dire qu’actuellement, raisonnablement, l’épidémie est contrôlée" en France, a affirmé Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique, vendredi 5 juin sur France Inter, à propos du coronavirus. D’autres pays, comme le Monténégro, ont annoncé avoir "éliminé le virus". Mais l'éradication est encore loin. La Cellule Vrai du Faux vous explique.

Épidémie contrôlée : le virus circule "à petite vitesse"

Avec environ 1 000 nouveaux cas confirmés chaque jour, la France n’est pas encore libérée du Covid-19, mais l’épidémie serait donc "contrôlée", d’après Jean-François Delfraissy. Le président du Conseil scientifique ajoute que "le virus continue à circuler (...), en particulier en région parisienne et dans le Sud-Ouest de la France, mais il circule à petite vitesse". La France n’est pas le seul pays à déclarer l’épidémie "maîtrisée" ou "contrôlée". C'est le cas aussi en Norvège et dans d’autres pays européens.

Mais la réduction du nombre de personnes testées positives ne suffit pas à dire qu’une épidémie est contrôlée ou maîtrisée. Il faut également que ce soit le fruit de mesures spécifiques mises en place par les autorités. "Une maladie est maîtrisée si, au moyen d’une politique publique, on a réduit la circulation d’un agent infectieux au-dessous du niveau qu’atteindraient des personnes agissant indépendamment pour lutter contre la maladie", précise l'Organisation mondiale de la Santé. D’où le fait que le meilleur des quatre scénarios présentés début juin par le Conseil scientifique sur l’évolution de l’épidémie, celui d’une épidémie contrôlée, prévoit tout de même "le maintien strict des mesures barrières" et un maintien de "la stratégie Tester-Tracer-Isoler".

Une épidémie est donc maîtrisée alors qu’il "peut y avoir des nouveaux cas. Mais si pour chaque cas, il y a une isolation mise en place, une mise en quarantaine des contacts, si on arrive à stopper chaque éventuelle chaîne de transmission, l’épidémie est sous contrôle", résume Sylvie Briand, directrice du département Préparation mondiale aux risques infectieux à l’OMS.

Epidémie éliminée : le virus ne circule plus dans une zone géographique limitée

Le 3 juin dernier, le Monténégro a été l’un des premiers pays européens à déclarer officiellement avoir éliminé l’épidémie de Covid-19 sur son territoire. Pour justifier cette annonce, le gouvernement monténégrin a expliqué ne pas avoir détecté de nouveaux cas sur son territoire depuis 28 jours. Ce nombre de jours provient d'un calcul lié au temps d’incubation, cest-à-dire le temps entre l’infection du corps par le virus et l’apparition des premiers symptômes.

Pour Ebola, comme pour le Sras de 2003, l’Organisation mondiale de la santé a estimé que s’il n’y a aucun cas positif durant l’équivalent de deux fois la durée d’incubation, il est possible de dire que l’épidémie est terminée. En suivant cette logique pour le Sars-Cov 2, il faudrait donc effectivement attendre 28 jours après la détection du dernier cas positif (la période d’incubation maximale d’incubation est estimée aujourd’hui à 14 jours) pour espérer pouvoir dire que l’épidémie est terminée. D’après une étude américaine publiée en 2009, "pour la plupart des virus respiratoires, au moins 90% des cas développeront des symptômes entre la moitié et le double de la période d’incubation médiane". Il pourrait donc effectivement s’agir d’un indicateur intéressant, à condition de continuer à surveiller et tester la population pour que l’épidémie ne continue pas de circuler de manière "silencieuse" à travers les nombreuses personnes asymptomatiques touchées par ce nouveau coronavirus.

Mais si une épidémie est terminée dans un pays ou à l’échelle d’un continent, rien ne dit que le virus ne va pas réapparaître. "Prenons l’exemple de la grippe saisonnière. L’épidémie est aujourd’hui éliminée en France. Mais il y a des épidémies de grippe actuellement dans l’hémisphère sud et on sait que le virus reviendra chez nous l’hiver prochain", explique Antoine Flahaut, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale de l'université de Genève. Ce risque ne concerne pas uniquement les virus saisonniers. "La rougeole avait par exemple été éliminée du continent américain pendant des années, sans avoir disparu dans le reste du monde. Aujourd’hui, elle n’est plus éliminée sur le sol américain en raison du chute de la couverture vaccinale", poursuit l’épidémiologiste suisse. On peut également citer le cas du virus Ebola, qui vient de réapparaître dans une région de la République démocratique du Congo, deux ans après une première épidémie.

Epidémie éradiquée : le virus a totalement disparu dans le monde entier

Le risque d’une reprise existe toujours tant que le virus n’a pas disparu partout dans le monde. Cette disparition peut s’expliquer soit par l’intervention de l’homme, soit pour des raisons naturelles. A ce jour, le seul virus à avoir été déclaré éradiqué est la variole. L'Organisation mondiale de la santé l’a officiellement annoncé il y a tout juste quarante ans, le 8 mai 1980, trois ans après la détection du dernier cas en Somalie. Le virus, qui a fait quelque 300 millions de morts au cours du XXe siècle, a totalement disparu après une vaste campagne de vaccination mondiale lancée dans les années 60, surtout en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, là où le virus circulait encore. D’autres virus comme la rougeole ou la poliomyélite pour lesquels il existe un vaccin, figurent désormais au programme officiel d’éradication de l’OMS.

Certains virus n’ont pas attendu l’arrivée d’un vaccin pour disparaître. C’est par exemple le cas du coronavirus responsable du Sras. Il est apparu fin 2002 en Chine avant de s’étendre très rapidement dans une trentaine de pays à travers le monde. Il a fait 774 morts parmi les 8 096 cas signalés, dont 437 cas possibles sur le territoire français, selon les données de Santé Publique France. Mais l’épidémie n’a duré que quelques mois entre novembre 2002 et juillet 2003 et le virus n’a ensuite plus fait parler de lui, ou presque. Il est réapparu à quatre reprises de manière isolée, selon l’Organisation mondiale de la Santé : trois fois après des accidents dans des laboratoires à Singapour et à Taipei et une fois dans le sud de la Chine sans qu’on ne sache d’où est venue cette infection, "même s’il y a des indices laissant penser à une transmission entre un animal et l’homme", précise l'OMS.

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