Déconfinement : selon plusieurs études, la stratégie du gouvernement est insuffisante pour éviter une deuxième vague de l’épidémie
"S'il y a une seconde vague, elle sera à peu près deux fois celle qu'on a connue", affirme un analyste. Toutes recommandent des mesures complémentaires au plan de déconfinement prévu par le gouvernement.
Différentes modélisations menées par des chercheurs démontrent que la France aura du mal à échapper à une seconde vague de l’épidémie de coronavirus, si la stratégie de déconfinement ne change pas. Selon leurs scénarios, cette deuxième vague sera également difficile à gérer par les hôpitaux, déjà fragilisés par deux mois de lutte contre le Covid-19.
>> Coronavirus : suivez notre direct pour avoir les dernières informations.
La seconde vague, définit le Dr Martin Blachier qui dirige la société Public Health Expertise spécialisée dans la modélisation des maladies, "c'est le moment où vos mesures barrières ne sont plus en capacité de freiner la circulation virale. La cloche que vous mettez sur l'épidémie, c'est une cloche massive, c'est le confinement. Ensuite, vous avez la petite cloche qui est les mesures barrières très strictes, les 50 pages de protocole transmis aux entreprises, l'autorisation pour prendre le métro. Tout ça, c'est du pseudo-confinement. À un moment, ça va lâcher, parce que les gens ne seront plus capables de le respecter (…) À ce moment-là, l'épidémie rééchappe. Et là, vous avez exactement ce qu'on a connu précédemment". Selon le Dr Blachier, si deuxième vague il y a, "elle sera à peu près deux fois celle qu'on a connue, donc les hôpitaux seraient largement submergés".
D'abord renforcer les mesures de protection des plus vulnérables
Un premier manque est pointé par les différents scénarios : l’absence de mesures de protection renforcées pour les personnes les plus vulnérables. Si cette population est de nouveau exposée au virus, la seconde vague est assurée, d’après une étude de Public Health Expertise mise en ligne mercredi 6 mai. Si le déconfinement se fait comme prévu, avec retour au travail et réouverture des écoles, le nombre de cas graves dépassera les capacités des services de réanimation dès la fin du mois de juillet, selon leurs prévisions. La distanciation sociale et le port du masque ne réduiront que de 75% le risque de contamination. Pour l’éviter, l’étude suggère plus de mesures pour ces personnes vulnérables – les plus de 65 ans ou ceux atteints de diabète, hypertension, obésité -, avec une limitation stricte des sorties et des contacts jusqu’à la fin de l’année. Cela permettrait une baisse de 85% de la mortalité. "On a considéré que les restaurants et les bars seront probablement ouverts le 11 juin, détaille le Dr Blachier. Ensuite, on a prévu la réouverture des lieux sociaux à partir du 11 juillet et évidemment, on a inclus le testing, les mesures barrières de distanciation physique et le port du masque."
Je pense que c'est vraiment quand on va reprendre la vie sociale que ça va repartir.
Dr Martin Blachier, expert en modélisation des maladiesà franceinfo
"Si vos populations vulnérables se trouvent dans le lot des gens qui sont en contact avec le virus, vous réembouteillez vos services de réanimation", prévient le Dr Blachier. Pour protéger ces personnes, outre le fait de limiter les contacts et de porter un masque, il préconise entre autres "de laisser les gens qui sont considérés comme vulnérables se déplacer dans des zones moins denses, par exemple à la campagne, au moins pendant l'été". Il ajoute que toute la France est concernée : "L'idée qu'il y ait des zones qui soient protégées à moyen-long terme du virus, est totalement farfelue. Le virus se propage extrêmement rapidement. Et à part cloisonner les départements de manière extrêmement stricte, ce qui est totalement impossible, les autres mesures sont totalement superflues".
50% de la population doit rester à la maison
Une autre modélisation, menée cette fois par l’Inserm et l’université de la Sorbonne, évoque elle aussi une seconde vague très probable si les écoles rouvrent. Pour la contrôler, il faut que la distanciation physique soit respectée, avec 50% de la population à la maison, et que la moitié seulement des commerces et activités reprennent. Si tous les élèves retournent en classe dès le 11 mai, de la maternelle au lycée, les services de réanimation seront submergés et une seconde vague, similaire à la première, sera inévitable, selon cette étude. Ça pourra l’être si la reprise est progressive, avec la moitié seulement des effectifs au début du déconfinement dans les écoles maternelles et primaires, les collèges et lycées devraient attendre début juin ou début juillet pour accueillir des jeunes, recommande-t-elle.
Public Health Expertise n'est pas d'accord avec cette projection. "La réouverture des écoles, dans notre modèle, a un impact assez faible sur la reprise épidémique pour plusieurs raisons, affirme le Dr Blachier. La première raison, c'est qu'à l'école, c'est toujours les mêmes personnes qui vont au même endroit et qui fréquentent les mêmes cercles. Donc cela n'entraîne pas des contaminations extrêmement brassées dans la population. Et en plus, vous avez probablement des enfants qui sont un peu moins transmetteurs du virus que le reste de la population".
Dépister pour casser les chaînes de transmission
L'étude conjointe de l’Inserm et l’université de la Sorbonn estime aussi qu’il faut que le dépistage et le traçage détectent au moins 50% des nouvelles infections pour casser les chaînes de transmission. S’ils en identifient seulement la moitié, 25%, la seconde vague sera plus intense, dès début juin, avec là aussi des capacités de réanimation dépassées jusqu’en août.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.