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Covid-19 : pourquoi la situation sanitaire risque de se dégrader en France dans les prochaines semaines

L'épidémie de Covid-19 repart en Europe avec une montée en flèche des cas en Allemagne et aux Pays-Bas. Jusque-là relativement épargnée, la France voit ses indicateurs de l'épidémie repartir également à la hausse face à cette 5e vague.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des patients attendent dans un centre de vaccination contre le Covid-19, à Dinan (Côtes-d'Armor), le 14 septembre 2021. (MARTIN BERTRAND / HANS LUCAS)

La fin de l'exception française ? L'Hexagone ne connaît pas encore un rebond épidémique du Covid-19 semblable à celui de l'Allemagne, de l'Autriche ou des Pays-Bas. Mais face à une éventuelle dégradation de la situation sanitaire liée à une 5e vague, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, n'a pas totalement exclu la possibilité d'un reconfinement samedi soir sur France 2. "Il ne faut jamais rien exclure par principe", a-t-il déclaré, avant d'ajouter : "Mais je ne veux pas affoler les gens, il n’est absolument pas question d’un reconfinement" pour l'instant. Pour quelles raisons la situation pourrait-elle se dégrader dans les semaines qui viennent ? Franceinfo apporte des éléments de réflexion.

Les indicateurs de l'épidémie repartent à la hausse

Le dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'agence Santé publique France, jeudi 11 novembre, sonne comme un avertissement. Le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas sur une semaine pour 100 000 habitants) est en augmentation dans toutes les classes d’âge et "dans toutes les régions", relève-t-elle.

Par endroits, le bond de cet indicateur est particulièrement marqué : il "atteignait 131 pour 100 000 habitants en Corse (+46%), 108 en Pays de la Loire (+29%) et 106 en Provence-Alpes-Côte d’Azur (+36%)", précise-t-elle. Au 10 novembre, le taux d'incidence national approchait les 100, soit deux fois le seul d'alerte, comme le montre cette infographie.

Le taux d'incidence en France au 10 novembre était de 98,3, selon les données de Santé publique France. (FRANCEINFO)

Moins marquée que celle des contaminations, la courbe des hospitalisations repart également à la hausse sur une semaine glissante, avec 314 hospitalisations le 13 novembre. Conjugué au chiffre des contaminations, ce second indicateur est également un signal d'alerte.

 

"Le taux de reproduction du virus est à 1,2, ce qui veut dire que le nombre de nouveaux malades double tous les 15 à 20 jours", alerte dans Le Parisien le professeur de médecine William Dab, ancien directeur général de la Santé. Une situation d'autant plus préoccupante que l'épidémie saisonnière de grippe pourrait bientôt frapper le pays, déjà fortement touché par celle de bronchiolite.

La couverture vaccinale reste à améliorer

Comparé à son voisin allemand par exemple, où 67% de la population éligible a reçu les doses requises, le taux de vaccination en France est élevé, avec 75% de la population considérée comme totalement vaccinée, selon les chiffres de Santé publique France. Néanmoins, il reste une partie de la population qui ne l'est toujours pas, y compris parmi les plus vulnérables. C'est le cas de plus de 10% des 75 ans et plus, comme le montre cette infographie du site CovidTracker publiée à partir des données de Santé publique France. Or, il s'agit précisément de la tranche d'âge la plus à risque de forme grave.

Le taux de vaccination par tranche d'âge sur le site CovidTracker, basé sur les données de Santé publique France. (COVIDTRACKER)

Autre point faible, selon le gouvernement : moins de la moitié des 7,7 millions de personnes éligibles à une dose de rappel en avaient bénéficié au 7 novembre, soit moins qu'espéré. Pour accélérer le mouvement, Emmanuel Macron a annoncé, le 9 novembre, que les plus de 65 ans n'ayant pas effectué cette dose de rappel six mois et cinq semaines après leur deuxième dose verraient leur pass sanitaire désactivé à partir du 15 décembre. Cette annonce a eu une certaine efficacité, puisque les jours suivants, la barre des 4 millions de doses de rappel injectées a été franchie, a affirmé le porte-parole Gabriel Attal le 12 novembre. Les défenses immunitaires des personnes vaccinées baissent en effet avec le temps. C'est pourquoi une partie de la population âgée risque d'être hospitalisée, même si elle est vaccinée. D'où l'utilité de la dose de rappel, qui renforce l'efficacité vaccinale.

Faut-il élargir aux plus jeunes la vaccination ? Les autorités sanitaires américaines ont approuvé l'administration du vaccin Pfizer-BioNTech chez les 5-11 ans, qui a commencé début novembre. Israël a fait de même mercredi 10 novembre. En France, le gouvernement attend l'avis de l'Agence européenne des médicaments, qui doit se prononcer sur le sujet en décembre. Pour l'épidémiologiste et chercheur à l’Ecole des hautes études en santé publique Pascal Crépey, même si "on aurait peut-être tort de ne pas donner la possibilité" de vacciner les plus jeunes, il est déjà trop tard pour mettre en place cette vaccination dans l'hypothèse où ce serait envisagé. "Si on l'ouvre maintenant, on ne sortirait pas de cette vaccination des plus jeunes avant la fin de l'hiver, à un moment où ce ne serait plus si utile que ça, vu que nous faisons face à une vague hivernale", a-t-il déclaré sur franceinfo dimanche 14 novembre.

Les gestes barrières, dont le port du masque et l'aération, se sont relâchés

Dernier point noir : le relâchement des gestes barrières, et l'insuffisante aération des lieux clos. En septembre, Emmanuel Macron avait marqué son désir d'alléger les restrictions sanitaires, et le gouvernement annonçait la fin du port du masque pour les élèves du primaire dans les départements les moins touchés par l'épidémie. Le rebond en cours a forcé le gouvernement à resserrer la vis. Au retour des vacances de la Toussaint, les élèves des départements où le taux d'incidence est supérieur à 50 ont dû remettre le masque. A partir de lundi 15 novembre, il sera à nouveau obligatoire dans toute la France.  

A l'approche de l'hiver se pose également de façon plus aiguë le problème de l'aération des espaces clos. Ouvrir les fenêtres fait partie des gestes barrières fondamentaux, mais peu respectés et surtout soumis à aucune obligation, a souligné Antoine Flahault, épidémiologiste et professeur de santé publique à l'université de Genève, dans l'émission "C dans l'air" sur France 5 le 23 octobre. "Dans toute l'Europe, on a beaucoup négligé la ventilation des espaces clos. En fait, ce virus ne se transmet pratiquement que dans des espaces clos, bondés, où il y a beaucoup de monde, peu ventilés et dans lesquels on passe plusieurs heures : salles de classe, amphithéâtres d'universités, open space des entreprises, cantines, restaurants, transports publics". Des endroits à "très haut risque de contaminations où il faut investir beaucoup plus pour que l'air qu'on y respire ait le moins de risque possible d'avoir du coronavirus", a-t-il martelé. 

Une accumulation de relâchements et de négligences qui pourrait finir par coûter cher à la France face à cette 5e vague épidémique, estime William Dab. "Si on ne change rien, on va se retrouver avec 30 000 à 40 000 cas au 15 décembre", calcule l'ancien directeur général de la Santé.

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