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Covid-19 : "Les universités ont avancé en ordre dispersé" jusqu'à la mise en place de la jauge de 50%

Les bâtiments universitaires ne pourront pas accueillir plus de 50% de leur capacité habituelle, dans les zones d'alerte renforcée et d'alerte maximale. Cette nouvelle mesure doit mettre un terme aux stratégies variables d'un établissement à l'autre.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des étudiants en médecine lors d'un cours magistral à l'université de Nantes (Loire-Atlantique), le 24 septembre 2020. (MAXPPP)

Objectif : des amphis à moitié remplis. Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, a demandé aux universités de réduire le nombre d'étudiants accueillis dans leurs locaux à partir du mardi 6 octobre, quand elles sont situées dans une zone d'alerte renforcée ou d'alerte maximale. Dans le détail, les salles d'enseignement, les cantines et les bibliothèques ne pourront plus accueillir plus de 50% "de leur capacité nominale".

Branle-bas de combat dans les facs ? "Pour nous, ces nouvelles mesures ne changent rien", répond le président d'Aix-Marseille Université, Eric Berton. Après les annonces d'Olivier Véran concernant Marseille, il y a une dizaine de jours, il a donné la consigne aux 18 facultés, écoles et instituts de réserver la présence des étudiants aux TP, aux étudiants en fracture numérique, aux examens et aux évaluations. Chaque doyen ou directeur de composante doit ensuite affiner le dispositif en fonction des équipements et de la taille des locaux.

Conséquence ? "Nous sommes déjà bien en-deçà des 50%", estime Eric Berton, contacté par franceinfo. "Le présentiel est réservé aux étudiants en fracture numérique et en situation de handicap – entre 5 et 10% des effectifs – aux masters – des groupes entre 15 et 30 étudiants maximum – et aux TP." Même si le chiffre de déclarants est sans doute sous-évalué, Eric Berton rappelle que les services universitaires n'avaient connaissance, en fin de semaine dernière, que de 190 cas positifs sur un effectif total de 80 000 étudiants.

Il est assez injuste de montrer du doigt les universités. Nous le voyons sur nos campus, les étudiants portent le masque en amphi et sont raisonnables. Nous avons pris la mesure de l’épidémie et nous travaillons depuis le mois de mars sur la gestion de crise.

Eric Berton, président d'Aix-Marseille Université

à franceinfo

Même chose en Ile-de-France. Comme l'a rappelé Christophe Kerrero, recteur de la région académique d'Ile-de-France, "de nombreux établissements ont déjà adopté leur organisation avec une part de cours à distance et plusieurs universités ont systématisé la réduction de leur capacité d'accueil à 50%". C'est par exemple le cas à l'université Paris-Nanterre, où une rotation en demi-groupe est appliquée "pour toute formation de plus de 20 personnes", avec une semaine dans les locaux et une autre à distance.

"Il n'y avait pas de place pour s'asseoir"

Pour autant, tous les étudiants franciliens ne semblent pas logés à la même enseigne. "J'ai vu des images d'amphithéâtres bondés. Ce n'est pas acceptable", a notamment déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, lors d'une rencontre avec des lecteurs de Ouest-France. La maire de Paris, Anne Hidalgo, avait dénoncé pour sa part une situation "catastrophique dans les facs". Philippe Augustin, élève en licence de droit à l'université Paris-II, en a fait les frais une nouvelle fois ce lundi.

Le professeur n'avait reçu aucune consigne, il a même fait s'asseoir des élèves à côté de lui. C'est tellement absurde par rapport au contexte actuel. A l’université, on arrive dans un chaos ambiant qui pourrait être corrigé.

Philippe Augustin, étudiant en droit

à franceinfo

Cet étudiant contacté par franceinfo décrit des camarades assis par terre dans des salles surchargées. A deux reprises, mardi et vendredi, il a même préféré quitter les lieux. "Je suis arrivé dans le grand amphi de 2 000 places. Il n'y avait pas de place pour s'asseoir, les distances n'étaient pas respectées, explique Philippe Augustin. C'était angoissant comme pas possible." Plusieurs étudiants partagent d'ailleurs des expériences similaires sur les réseaux sociaux, à l'aide du mot-clé #balancetafac.

Contactée par franceinfo, l'université Paris-II s'est contentée de renvoyer sur son site, où figurent les nouvelles mesures.

Au moment d'évoquer les amphithéâtres devant les lecteurs de Ouest-France, Gabriel Attal assure qu'une circulaire de la direction générale de l'enseignement supérieur (DGESIP) "édictant des règles claires" a été diffusée début septembre. Mais voici ce que l'on découvre dans la note qui l'accompagne. "Dans tous les cas, la distance physique doit être recherchée et mise en place en ayant pour objectif un impact négatif aussi faible que possible sur les capacités d’accueil." En résumé : prière d'appliquer la distanciation physique, tout en garantissant le même accès aux locaux.

Sauf qu'en dehors des gestes barrières et du port du masque, aucune cadre national n'a été réellement mis en place pour le déroulement des cours universitaires. Chaque établissement a donc dû élaborer sa propre stratégie, comme l'explique à franceinfo Jamil Dakhlia, président de l'université Sorbonne-Nouvelle.

Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons été confrontés à des injonctions contradictoires. Présentiel, hybridation, distanciel... Les universités ont avancé en ordre dispersé.

Jamil Dakhlia, président de l'université Sorbonne-Nouvelle

à franceinfo

Dès le mois de juin, l'université Sorbonne-Nouvelle a engagé une réflexion sur une jauge limitée. "Cela n'a pas toujours été facile, il a fallu défendre ce passage à l'hybride auprès des collègues, mais cette décision [du gouvernement] nous conforte dans notre choix", résume Jamil Dakhlia. A la rentrée, un système d'alternance par semaine a été mis en place sur la base du jour de naissance (pair ou impair). Cette formule présentiel-distanciel est appliquée à environ 80% des cours, tandis que les leçons magistrales sont données à distance, afin d'éviter l'engorgement des amphis.

Par ailleurs, pour gérer le flux de ses bibliothèques, Sorbonne-Nouvelle mise sur l'application Affluences. Les 17 000 étudiants de l'université peuvent ainsi connaître en temps réel la jauge de la bibliothèque centrale ou bien réserver une place à la bibliothèque Sainte-Barbe.

L'écueil de la précarité numérique

Plusieurs universités ont également pris les devants, même dans des zones relativement épargnées par l'épidémie. A Nantes (Loire-Atlantique), les étudiants sont répartis en deux groupes et se rendent en amphi une semaine sur deux, dès lors que l'affluence est susceptible de dépasser 60 personnes au même endroit. Le cas échéant, un siège sur deux doit être occupé dans l'amphi, quand l'autre moitié des étudiants suit le cours à distance (vidéo préenregistrée par le professeur, visioconférence…).

L'université a consacré un million d'euros de son budget propre pour déployer les cours à distance et mettre en place un "passe numérique" pour certains étudiants en difficulté. Ceux qui ne disposent pas d'équipement ou d'une connexion suffisante doivent remplir un formulaire afin d'obtenir une aide financière plafonnée à 500 euros pour le matériel et 100 euros pour la connexion. Lors du confinement du printemps, précise l'université à franceinfo, 1 500 étudiants en difficulté avaient été recensés sur 37 000 au total.

De son côté, l'Union nationale des étudiants de France (Unef), principal syndicat étudiant, réclame un dédoublement des classes. "Nous souhaitons que la distanciation sociale soit respectée et pour cela, nous aimerions que les salles soient à 50% d'occupation et que l'autre moitié des étudiants aient cours en présentiel avec un autre professeur, explique Mélanie Luce, sa présidente. Cela nécessite d'embaucher des gens, il y a plein de contractuels qui attendent." L'Unef dénonce donc une insuffisance budgétaire pour assurer le respect des règles sanitaires.

Mais quid des enseignants actuels, qui ont dû repenser leurs cours de fond en comble pour les adapter aux nouvelles technologies (vidéos, podcasts, exercices…) ? "Ce qui manque aujourd'hui, c'est un encouragement financier pour les enseignants, qui ont fourni des efforts supplémentaires et que je salue", commente Jamil Dakhlia. Avant d'adresser un appel du pied à l'Etat. "Malheureusement, nous sommes dans une situation budgétaire difficile."

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