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Covid-19 : fatigue, dépression, douleurs… Ce que révèle l'étude du "Lancet" sur le "Covid long"

D'après une étude menée par des chercheurs chinois sur plus de 1 700 malades ayant été hospitalisés pour Covid-19, 76% des patients souffrent encore d'au moins un trouble plus de six mois après l'apparition des symptômes.

Article rédigé par franceinfo
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Une infirmière auprès d'un patient dans l'unité Covid du CHU de Limoges (Haute-Vienne), le 3 décembre 2020. (BURGER / PHANIE / AFP)

Des mois après avoir contracté le Covid-19(Nouvelle fenêtre), certains malades ressentent encore des troubles préoccupants. Ils se sentent fatigués, ont du mal à trouver le sommeil, souffrent d'anxiété ou de dépression… Leur état de santé est décrit comme un "Covid long"(Nouvelle fenêtre). Une étude de chercheurs chinois, publiée dans la revue médicale britannique The Lancet(Nouvelle fenêtre) (en anglais) vendredi 8 janvier, permet de mieux appréhender ce phénomène.

Des symptômes persistants chez près de 8 malades hospitalisés sur 10

L'étude a porté sur 1 733 patients sortis de l'hôpital Jin Yin-tan de Wuhan entre le 7 janvier et le 29 mai 2020, après y avoir été hospitalisés en raison du Covid-19. Cette cohorte avait un âge médian de 57 ans et était constituée à 52% d'hommes. Le suivi médical a été réalisé entre le 16 juin et le 3 septembre. Seuls 4% de ces malades ont été hospitalisés en réanimation ou en soins intensifs.

Plus de six mois en moyenne après l'apparition des symptômes du Covid-19, 76% de ces anciens patients présentaient encore au moins un symptôme. Cette proportion s'élevait à 81% pour les femmes contre 73% pour les hommes.

Fatigue, troubles du sommeil, douleurs, dépression…

Parmi les problèmes de santé les plus fréquents, 63% des ex-patients se plaignaient de fatigue ou de faiblesse musculaire, 26% de troubles du sommeil, 27% disaient éprouver encore des douleurs, et 23% souffraient d'anxiété ou de dépression.

Cette liste de troubles est aussi longue que variée : 22% des ex-patients faisaient état de perte de cheveux, 11% n'avaient pas encore retrouvé totalement l'odorat, 9% avaient des palpitations, la même proportion souffrait de douleurs articulaires, 8% d'une perte d'appétit, 7% n'avaient toujours pas recouvré totalement le goût, 6% faisaient état de vertiges, 5% de vomissements ou de diarrhées et autant de douleurs thoraciques… 

Des troubles plus graves chez les malades les plus sévères

Dans cette cohorte, les malades les plus gravement atteints étaient aussi ceux qui, plus de six mois après les premiers symptômes, n'avaient pas encore récupéré la totalité de leurs fonctions vitales. Le fonctionnement de leurs poumons ou de leurs reins restait plus souvent altéré. Certains présentaient même du diabète, ce qui ne leur avait jusque-là pas été diagnostiqué. Enfin, leurs résultats au test de marche de six minutes étaient aussi moins bons : 29% des 116 malades ayant développé la forme la plus grave du Covid-19 et ayant passé ce test n'atteignaient pas la distance normale minimum.

Même si leur suivi médical porte sur une importante cohorte de patients, les auteurs de l'étude publiée dans The Lancet estiment qu'un échantillon plus important de malades et un suivi plus long sont nécessaires pour mieux analyser les séquelles à long terme du Covid-19.

Des résultats qui confirment ceux de précédentes études…

Cette proportion importante de patients disant souffrir encore de symptômes plusieurs mois après la maladie "correspond cependant à ce que l'on observe en pratique pour les patients hospitalisés qui ont encore des séquelles", confirme au Monde(Nouvelle fenêtre) (article abonnés) l'infectiologue Dominique Salmon. Ce pourcentage "montre que le Covid n'est pas une maladie qui guérit très vite ni facilement", souligne la médecin, qui reçoit à l'Hôtel-Dieu, à Paris, des patients souffrant de ces formes longues du Covid-19. Ce syndrome touche d'ailleurs aussi des personnes ayant souffert de formes légères de la maladie : selon Dominique Salmon"s'agissant des patients infectés n'ayant pas été hospitalisés, de 30% à 40% présentent des symptômes qui persistent, qui réapparaissent parfois après un délai", rapporte Le Monde.

L'infectiologue a d'ailleurs coordonné une étude de plus petite envergure sur ces formes prolongées de Covid-19, parue le 4 décembre dans le Journal of infection(Nouvelle fenêtre) (en anglais). Les travaux portaient sur 70 ex-malades du Covid-19 (dont 6 avaient été hospitalisés), des femmes à plus de 78%, dont l'âge médian était de 45 ans. Ces malades, qui avaient majoritairement développé une forme bénigne du Covid-19, présentaient encore des symptômes plus de deux mois après les premiers signes de l'infection, ou en développaient à nouveau trois semaines au moins après le premier épisode de la maladie.

Là encore, la variété des symptômes est saisissante. Un peu plus de 54% de ces patients avaient des symptômes persistants hérités de la maladie et 76% présentaient des symptômes nouveaux. De la fatigue voire de l'épuisement pour 73% d'entre eux, des symptômes neurologiques divers pour 77% (des maux de tête, des troubles de la mémoire, de l'humeur ou de l'attention, des pertes d'équilibre, des sensations de brûlure ou de picotement...). Des douleurs thoraciques, des palpitations, de la toux pour 71%. Des douleurs musculaires et/ou articulaires pour 26%. Une altération du goût ou de l'odorat pour 30%. Des diarrhées, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales pour 24% et des symptômes cutanés et vasculaires pour 14%.

… mais qui laissent encore des questions sans réponse

Il n'est toutefois "pas si simple de dire si ce sont des symptômes liés au Covid lui-même ou à une hospitalisation prolongée ou à d'autres facteurs", reconnaît Dominique Salmon. Les symptômes persistants sont assez nombreux mais "pas très spécifiques", souligne Olivier Robineau, médecin au service des maladies infectieuses du CH Dron de Tourcoing, cité par France 3 Hauts-de-France(Nouvelle fenêtre)

Son centre hospitalier coordonne une enquête intitulée "Cocolate", pour "Coordination sur le Covid tardif", dont le but est de tenter d'identifier les causes de la persistance de symptômes chez certains malades, parfois des mois après la phase aiguë de la maladie. Cette étude a commencé à inclure ses premiers patients début décembre, explique Olivier Robineau, son coordinateur. "L'idée est que l'étude s'étende progressivement à au moins 20 hôpitaux" et suive quelque 1 000 patients dans toute la France, indique-t-il. "Cocolate" devra définir les symptômes que l'on peut vraiment associer au Covid persistant. 

A Paris, l'AP-HP a également annoncé début décembre le lancement de la deuxième phase d'un projet de recherche sur ce "Covid long", après celle ayant "permis d'identifier 50 manifestations de ces formes longues grâce à l'analyse du vécu de 600 patients". Il s'agit désormais "de développer un questionnaire qui permettra d'obtenir une mesure valide et fiable de l'évolution du Covid long". Il "pourra être utilisé comme outil de suivi par les soignants afin d'adapter leur prise en charge en fonction des symptômes et de l'impact de la maladie sur leur vie, et comme critère de jugement rapporté par les patients dans les futures recherches sur la maladie". L'AP-HP invite les volontaires à s'inscrire sur le site de la communauté de patients pour la recherche Compare.aphp.fr(Nouvelle fenêtre).

L'étude coordonnée par l'infectiologue Dominique Salmon émet plusieurs hypothèses qui pourraient expliquer l'origine de ce "Covid long" et que les médecins espèrent parvenir à vérifier. La première explication serait une persistance du virus dans l'organisme, qui pourrait s'être propagé dans les cellules. Une deuxième théorie explicative possible serait bien sûr une réinfection des patients, qui, même si elle survient rarement, ne peut être exclue. Une troisième hypothèse pourrait être une réponse immunitaire inadaptée, qui, en raison de prédispositions génétiques, pourrait engendrer une réaction inflammatoire chronique. 

La quatrième et dernière possibilité envisagée par les médecins est celle d'une maladie semblable au syndrome de fatigue chronique. Une étude hong-kongaise parue en 2009 dans le Journal of the American Medical Association(Nouvelle fenêtre) (en anglais) avait en effet montré que lors de l'épidémie de Sras à Hong Kong en 2003, le suivi de 233 patients infectés par le virus avait permis de constater que pour pour 27% de ces malades, un diagnostic compatible avec le syndrome de fatigue chronique pouvait être posé. Ce "Covid long" n'a aujourd'hui pas "de définition médicale parce qu'on n'a pas encore assez de données épidémiologiques fiables", résume Olivier Robineau.

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