Coronavirus : pourquoi le nombre d’hospitalisations n’augmente-t-il pas au même rythme que les contaminations ?
Plus jeunes, les nouveaux contaminés développent moins de formes graves du Covid-19, explique l'épidémiologiste Pascal Crépey.
L'été s'achève sur un frisson d'inquiétude. Plusieurs indicateurs permettant de suivre l'épidémie de coronavirus suggèrent que celle-ci connaît un regain depuis plusieurs semaines : le nombre de nouvelles contaminations est en hausse, de même que le taux de positivité des tests PCR. Localement, des médecins généralistes ou hospitaliers expliquent voir passer davantage de malades du Covid-19 qu'à la fin du printemps. Cette tendance a justifié le durcissement des règles concernant le port du masque, désormais imposé en extérieur dans des quartiers de certaines villes.
Mais de nombreux lecteurs de franceinfo s'interrogent : pourquoi cette hausse du nombre de cas ne se reflète-t-elle pas dans le nombre de nouvelles hospitalisations et d'entrées en réanimation, comme c'était le cas avant le confinement ?
Des malades moins à risque
"La réponse est a priori simple, explique à franceinfo Pascal Crépey, épidémiologiste à l'Ecole des hautes études en santé publique de Rennes. Les populations qui s'exposent le plus en ce moment sont des populations plutôt jeunes."
On sait depuis le début de l'épidémie que les populations jeunes sont moins sujettes aux formes graves du Covid-19, et ne se font donc pas hospitaliser dans les mêmes proportions.
Pascal Crépey, épidémiologisteà franceinfo
C'est également la raison mise en avant par le ministre de la Santé, Olivier Véran, interrogé sur ce même point au journal de 20 heures de France 2 le 12 août. "Les Français qui sont aujourd'hui diagnostiqués sont plus jeunes, plutôt sur la tranche 20-40 ans, moins porteurs de fragilités, a-t-il expliqué. Les personnes âgées continuent de se protéger."
Cette dynamique est notamment observable dans le point épidémiologique de Santé publique France, publié jeudi. Sur la semaine du 3 au 9 août, le nombre de cas pour 100 000 personnes, également appelé taux d'incidence, était trois fois plus important chez les 15-44 ans (28,9 cas pour 100 000 habitants) que chez les 75 ans et plus (9,6 cas pour 100 000 habitants). Ce taux augmente dans toutes les classes d'âge par rapport à la semaine précédente, mais à un rythme particulièrement marqué chez les 25-29 ans (+55%) et les 30-34 ans (+52%) par rapport à la moyenne générale (+42%). Ce n'est pas simplement la conséquence d'un nombre de tests plus importants, puisque le taux de tests positifs augmente au même rythme (+41%). C'est donc bien chez les jeunes adultes, catégorie moins à risque, que le virus progresse le plus en ce moment.
Le risque d'un passage des jeunes aux seniors
Pour autant, "on observe quand même une augmentation des hospitalisations, qui n'est pas négligeable", rappelle Pascal Crépey. Le nombre d'admissions à l'hôpital à cause du Covid-19 du 3 au 9 août a peu augmenté par rapport à la semaine précédente (782 contre 778), mais bien plus nettement par rapport à la semaine du 13 au 19 juillet (782 contre 604). Et le nombre d'entrées en réanimation augmente depuis cinq semaines, passant de 73 entre le 29 juin et le 5 juillet à 122 entre le 3 et le 9 août. Quant au taux d'incidence du virus dans la population, il augmente certes plus vite chez les jeunes, mais connaît une nette hausse dans toutes les classes d'âge (+43% chez les 75 ans et plus sur la semaine du 3 au 9 août).
Si aujourd'hui la part des jeunes dans les nouvelles hospitalisations est importante – 18% de moins de 40 ans depuis début juillet, contre 8% entre mars et juin, selon Santé publique France –, cette tendance ne restera donc pas forcément éternelle. Sur Twitter, l'épidémiologiste suisse de l'université de Genève Antoine Flahault a qualifié samedi de "paradoxe" l'apparente absence de passage du virus de ces jeunes aux personnes âgées, qu'"aucun épidémiologiste ne comprend bien" selon lui. Mais il insiste sur l'importance de "limiter sa propagation chez les jeunes et son passage chez les seniors", sous peine de "devenir la tragédie que personne n'a envie de revivre".
6/6 - Limiter le passage du #SARSCoV2 chez les seniors en renforçant l'information sur les risques de transmission notamment les fêtes de famille, mariages, croisières, enterrements + stratégie ciblée de réduction de risque + autoconfinement +lockdown localisés si hors-contrôle.
— Antoine FLAHAULT (@FLAHAULT) August 15, 2020
Un scénario qui inquiète aussi son confrère Pascal Crépey. "On ne peut pas isoler hermétiquement les tranches d'âge d'une population, estime-t-il. On a toutes les raisons de penser que les personnes qui se savent à risque prennent plus de précautions que les autres. On voit plus rarement des personnes âgées faire la fête dans les bars de nuit." Elles sont aussi absentes du milieu professionnel, où se trouvent une bonne partie des foyers de contamination. "Mais elles restent exposées aux contaminations intrafamiliales, alerte l'épidémiologiste. Cela mettra peut-être plus de temps, mais s'il y a un rebond de l'épidémie et qu'il n'est pas contrôlé, quelle que soit la tranche d'âge la plus touchée, le virus finira par se répandre."
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