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Coronavirus : des professeurs de l'Oise nous racontent leur première semaine de cours à distance (et c'est un exercice délicat)

Alors que les fermetures d'établissements scolaires sont décrétées pour l'ensemble du pays, des professeurs de l'Oise expérimentent les classes "virtuelles" depuis lundi dernier. Ils racontent leur nouveau quotidien à franceinfo.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Tableau d'affichage devant le lycée Jean de la Fontaine à Crépy-en-Valois (Oise), le 2 mars 2020. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

"Etablissement fermé jusqu'à nouvel ordre." Voici ce que l'on peut lire depuis lundi dernier sur les portes des crèches, écoles, collèges et lycées des départements de l'Oise et du Haut-Rhin et dans certaines villes de Corse et du Morbihan. Toutes ces zones, très touchées par l'épidémie de coronavirus, ont expérimenté depuis une semaine les mesures étendues par le président de la République à l'ensemble des établissements scolaires, jeudi 12 mars lors de son allocution télévisée. 

A partir de lundi 16 mars, ce seront près de 12 millions d'élèves qui resteront à la maison. Afin d'assurer la continuité des cours, notamment dans le secondaire, les professeurs animeront des classes dites "virtuelles", depuis chez eux. A quoi cela va-t-il ressembler concrètement ? Trois professeurs de l'Oise racontent à franceinfo leurs premiers jours d'enseignement à distance.

"Le grand bazar avec toutes ces applications" 

"Tout le monde a été pris de court. C'était la panique générale chez les parents. Mes huit classes de première et de terminale vont passer de longues semaines sans mettre les pieds dans le lycée", calcule rapidement Laurence*, professeure d'anglais dans un lycée de l'Oise. Ni elle ni ses élèves ne sont retournés en cours à la suite de leurs vacances d'hiver. Et cela pourrait désormais s'allonger d'un mois, après les annonces d'Emmanuel Macron et celles du ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, qui a laissé entendre que les fermetures pourraient durer "au moins jusqu'aux vacances de printemps".

Pour Cyprien et Benoît, le scénario est un peu différent, car leurs établissements respectifs, qui n'étaient pas encore fermés, leur ont tout simplement signifié qu'ils n'étaient plus les bienvenus, au motif qu'ils habitent dans l'Oise. Benoît est professeur de gestion à la faculté Paris Dauphine et Cyprien enseigne les mathématiques dans un lycée de Meaux (Seine-et-Marne). Leur direction les "a invités à rester chez eux". "On se sent un peu comme des pestiférés", avouent les deux professeurs, qui ont appris la nouvelle à la porte de leur lieu de travail.

Tous les trois ont dû rapidement se mettre au numérique pour assurer leurs cours. Le premier jour, Laurence a passé presque dix heures sur son ordinateur à répondre à tous ses élèves, mais aussi à ses collègues. "C'était le grand bazar général avec toutes ces applications", remarque la professeure d'anglais. "Il n'y a plus de limite de temps. Les questions tombent en permanence sur toutes les messageries possibles. Alors maintenant, à 20 ou 21 heures, j'arrête. Je réponds le lendemain", détaille la professeure d'anglais.

Motivation, interaction et connexion

Car il est bien difficile de rassembler une trentaine d'élèves par classe et de les motiver à distance. "La barrière de l'écran rend plus impersonnels les échanges", souligne Benoît. L'interactivité entre les élèves et leur professeur est forcément plus "difficile".

Même problème du côté des élèves, d'ailleurs. Ceux de Laurence lui rapportent que "c'est trop dur de ne pas avoir le prof en face (...), ce n'est pas pareil qu'en classe où, quand on pose une question, on a la réponse tout de suite." Là, il faut attendre que l'un ait terminé d'écrire pour répondre. "C'est beaucoup moins spontané. Même entre les élèves", constate Laurence.

C'est super difficile des cours de langue à distance. En classe virtuelle, on passe vite de l'oral à l'écrit, en mode 'tchat'. Les lycéens y sont plus à l'aise.

Laurence

à franceinfo

Et puis il y a aussi les problèmes logistiques, liés notamment aux difficultés de connexion internet. Certains élèves de Laurence, qui vivent dans des petites communes de l'Oise, ont bien du mal à se connecter sur leur ordinateur ou leur téléphone : "Ce n'est pas forcément évident pour eux de se connecter. J'ai un élève qui n'a pas accès à un ordinateur chez lui, donc il m'envoie ses écrits en photo par téléphone." 

Cyprien, lui, a pris les devants en testant dès le premier soir, avec deux ou trois élèves, un cours en visio pour vérifier que tout fonctionnait correctement. Quant à Benoît, qui doit gérer entre 30 et 50 étudiants connectés en même temps, il les a divisés en groupe de sept ou huit, avec un rapporteur qui parle au nom de son équipe. "Ca permet de préserver une interactivité. Mais c'est possible car ils sont plus âgés et donc plus responsables que des lycéens", reconnaît ce professeur qui enseigne au niveau master.

Investissement(s) personnel(s)

Laurence, Cyprien et Benoît, chacun sur leur ordinateur personnel, ont dû réécrire leurs cours prévus à l'origine en présentiel. Exercice fastidieux et long. Cyprien explique même s'être transformé en "youtubeur" pour l'occasion. Pour ses corrections d'exercices, il a investi, à ses frais, dans une webcam et un micro. "Je filme la feuille sur laquelle j'écris et je commente en même temps. Puis je poste la vidéo. C'est plus long qu'au tableau."

La question des contrôles et des examens de fin d'année n'a, évidemment, pas tardé à se poser entre professeurs et élèves. Cette année, ceux de Cyprien n'ont pas d'examen prévu. "Mon cours à distance ne devrait avoir que peu d'impact, si cela ne dure pas dans le temps", relative le professeur de maths. Laurence, elle, tente de rassurer ses élèves de terminale, qui ont un oral à la rentrée d'avril. "On prépare ce qu'on a déjà vu en cours. Mais dès cette semaine, on attaque un nouveau chapitre. Il va falloir les motiver à distance." Quant aux étudiants de Benoît, "les examens sont plus tard dans l'année, donc ils ne se projettent pas plus que cela".

Tous les trois conviennent que ces cours à distance sont une bonne solution... si la situation ne dure pas. Car "élèves et professeurs vont se démotiver face aux limites de l'exercice""Ce n'est pas encore dans nos habitudes pédagogiques", reconnaît Benoît, qui a déjà enseigné à distance durant les grèves du mois de décembre. "Aussi bien les élèves que nous, on ne s'attendait pas à ce que le lycée nous manque", lâche Laurence qui, en attendant son retour au lycée, prépare son premier conseil de classe en visio.

* Prénom modifié à la demande de l'intéressée

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