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"Mon père, c’est un sous-citoyen" témoigne la fille d’un résident d’Ehpad, après la diffusion d’un rapport de la Défenseure des droits

Les droits des résidents d'Ehpad ont été "grandement entravés" durant la pandémie selon la Défenseure des droits Claire Hédon dans un rapport publié ce mardi. Des proches témoignent.

Article rédigé par Maureen Suignard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des résidents dans un Ehpad (illustration 9 mars 2021).   (NOÉMIE GUILLOTIN / FRANCE-BLEU POITOU)

Les droits des résidents d’Ehpad à une vie privée et familiale ont été "grandement entravés au cours de la crise sanitaire" estime le rapport de la Défenseure des droits Claire Hédon. Les témoignes recueillis par franceinfo le confirment. Depuis un an, Philippe ne peut voir sa mère que de manière très parcellaire. À 95 ans, elle réside à Rennes dans un Ehpad. Malgré la vaccination de la quasi-totalité des pensionnaires, les visites sont restées très limitées. "La direction a pris des mesures de restrictions qui me paraissent très drastiques" explique-il. "Une visite par semaine, 45 minutes par visite, et deux personnes au mieux. Le fait de n'avoir plus de visites enferme les gens sur eux-mêmes. Il y a des effets très néfastes. Cela se sent assez vite sur les résidents qui deviennent végétatifs."

Un isolement pas sans conséquences

Selon la Défenseure des droits, les restrictions de libertés liées à l'état sanitaire sont possibles, dans la mesure où elles sont proportionnées, et limitées dans le temps. Mais dans les Ehpad, elles se sont poursuivies au-delà du nécessaire. Dans cet établissement de Rennes, les règles viennent seulement d’être assouplies. Si Marie Madeleine, la mère de Philippe dit ne pas avoir trop souffert de la période, elle confie avoir perdu ses repères : "Je suis incapable de vous dire, exactement, depuis combien de temps ça dure."

Ces longs mois d’isolement ont eu des effets bien plus dramatiques sur le père d’Annette, il réside dans un Ehpad de Dieulefit dans la Drôme. "Quand le deuxième confinement est arrivé, il était totalement fataliste et là, il m’a parlé que d’une chose, c’est de mourir" raconte-t-elle. "Il voulait qu'on l’emmène en Suisse ou en Belgique pour se faire euthanasier."

"Il attend juste une seule chose, mon père, c’est de mourir.""

Annette

à franceinfo

À 81 ans, ses droits ne sont plus respectés selon sa fille : "Il n’a plus de droits ni de liberté depuis un an. C’est un sous-citoyen mon père. Car on lui interdit de sortir de la maison de retraite sans lui demander son avis. On lui interdit de recevoir des personnes dans sa chambre qui est son domicile. On ne lui demande pas son avis. On l’oblige à recevoir sa famille derrière une plaque en plexiglas et à trois mètres. On ne lui demande pas son avis."

Sa dignité est même atteinte poursuit Annette : "Une personne qui est en Ehpad, qui a des difficultés à se déplacer, soit cette personne on l’accompagne pour aller aux toilettes, soit on n’a pas envie de s’embêter à aider cette personne et on lui met des couches." Elle poursuit : "Quand votre papa vous apprend qu’il porte des couches, je peux vous dire que vous en pleurez quelques heures."

Annette assure que la direction de l’Ehpad ne répond plus à ses messages depuis quelques temps. Elle a donc saisi la défenseure des droits. Claire Hédon s’est appuyé sur ces témoignages pour émettre 64 recommandations. L’une d’elle préconise de fixer un ratio minimal de personnel travaillant dans les Ehpad. Huit temps plein pour dix résidents. C'est la clé qui permet de lutter contre la maltraitance estime la défenseure des droits.  

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