Covid-19 : le port du masque dès 6 ans est-il dangereux pour la santé des enfants ?
La mesure gouvernementale inquiète de nombreux parents, comme le montre une pétition en ligne qui a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures. Pourtant, les spécialistes interrogés l'assurent : le port du masque ne fait courir aucun risque aux enfants.
"Mon enfant a le droit de respirer autre chose que son dioxyde de carbone !" Depuis l'annonce par le gouvernement, jeudi 29 octobre, du renforcement du protocole sanitaire dans les écoles durant le confinement décidé pour endiguer la pandémie de Covid-19 en France, certains parents ne décolèrent pas. Principale mesure dans leur viseur : l'obligation du port du masque à l'école dès l'âge de 6 ans. La crainte de conséquences graves sur la santé et le développement des enfants est souvent évoquée. Sur internet, une pétition implorant Jean Castex, Jean-Michel Blanquer et Olivier Véran de revenir sur cette décision a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures .
Ces peurs tournent parfois à l'appel à la désobéissance civile : dans une vidéo publiée jeudi sur sa page Facebook et vue plus de 200 000 fois, le vidéaste Gabin Formont, ancien fervent soutien des "gilets jaunes" et désormais antimasque résolu, appelle sa communauté à ne pas respecter le confinement pour protester contre une mesure "très grave", décrite comme une "violence aux enfants à partir de 6 ans". Qu'en est-il vraiment ? Franceinfo a posé la question à des spécialistes.
Le masque "ne modifie en rien la qualité de la respiration"
Interrogé par franceinfo, le professeur Yves Buisson tient à rassurer ceux qui craignent de voir leur progéniture respirer une quantité excessive de dioxyde de carbone en portant un masque à l'école primaire. "Comme pour les adultes, tout cela ne repose sur rien d'un point de vue scientifique", balaie cet épidémiologiste, qui préside la cellule de veille scientifique sur le Covid-19 à l'Académie nationale de médecine.
"L'air expiré est certes plus riche en CO2, mais ces particules passent à travers le masque, tout comme l'oxygène qui parvient très bien aux poumons. Le masque ne change rien à la qualité des échanges gazeux."
Yves Buisson, épidémiologisteà franceinfo
L'intérêt du masque, rappelle-t-il, réside dans le fait de limiter les projections et la dispersion des aérosols émis par le porteur du virus. Mais il "ne modifie en rien la qualité de la respiration, même s'il est plus difficile de faire des efforts soutenus et prolongés avec un masque sur le visage", ajoute le médecin.
Des enfants en chimiothérapie portent le masque et respirent normalement
"L'enfant a un système respiratoire qui est le même que celui de l'adulte", confirme Christèle Gras-Le Guen, cheffe du service de pédiatrie au CHU de Nantes (Loire-Atlantique) et secrétaire générale de la Société française de pédiatrie. "On a malheureusement l'habitude de voir des enfants à la santé fragile dans nos hôpitaux, qui sont parfois traités par chimiothérapie. Ils portent le masque et cela n'affecte pas leur respiration !", martèle cette spécialiste.
Christèle Gras-Le Guen rappelle toutefois que la Société française de pédiatrie a mis en garde contre le port du masque pour les nourrissons, qui risquent en effet l'étouffement, particulièrement lors du sommeil. "Mais la situation n'a rien à voir : on parle là d'enfants en état d'éveil, qui ne doivent garder le masque que quelques heures par jour, et qui ont plus de 6 ans."
"Le masque ne provoque ni hypoxie [un manque d'oxygénation des tissus de l'organisme], ni hypercapnie [présence trop importante de CO2 dans le sang], ni anémie [baisse anormale du taux d'hémoglobine dans le sang]", énumère encore la pédiatre. Comme Yves Buisson, elle rappelle qu'imposer le port du masque dès le CP a pour but de "protéger la santé des enfants" alors que la circulation du coronavirus s'intensifie. Selon le dernier point épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France, 18 enfants de moins de 14 ans étaient hospitalisés en réanimation le 27 octobre, contre 12 le 20 octobre.
"Même si les enfants s'infectent peu, et sont peu transmetteurs du virus, on va donc mathématiquement avoir davantage d'enfants contaminés à mesure que l'épidémie accélère", développe Christèle Gras-Le Guen. Le port du masque permet ainsi d'éviter les regroupements de cas, et les fermetures de classes.
Le "vrai risque" : priver les enfants d'école
Selon la secrétaire générale de la Société française de pédiatrie, la plupart de ses confrères sont, comme elle, convaincus que le "vrai risque" était de contraindre les enfants à rester chez eux durant ce nouveau confinement. "On a pu conclure de l'expérience du confinement du printemps que priver les enfants d'école et de collectivité pouvait avoir des conséquences graves : augmentation très significative de violences intrafamiliales, inégalités qui se creusent en matière d'apprentissage…".
"Le port du masque dès 6 ans ne nous inspire aucune inquiétude pour la santé somatique ou la respiration. En revanche, on sait que le fait de continuer à aller à l'école sera extrêmement bénéfique pour leur santé psychique, et pour combler leur besoin d'avoir une vie d'enfant."
Christèle Gras-Le Guen, cheffe du service de pédiatrie du CHU de Nantesà franceinfo
Les plus petits pourraient-ils tout de même être perturbés en retrouvant tous leurs camarades masqués à la rentrée ? "C'est une question que les pédiatres ont évoquée très tôt, dans la mesure où on sait bien que l'expression des visages est très importante dans l'apprentissage de la communication et le développement des interactions", détaille Christèle Gras-Le Guen.
Pour autant, la pédiatre estime que cette "authentique inquiétude" ne concerne qu'une population réduite : les enfants hospitalisés de manière chronique, ou ceux placés dans des foyers et en pouponnière. "Eux risquent de ne voir que des gens masqués du matin au soir, ce qui est une réelle préoccupation. Mais la majorité des enfants ne porteront le masque que quelques heures par jour avant de retrouver leur foyer, et établir une communication habituelle", souligne-t-elle, en rappelant que cette mesure n'a pas vocation à être pérennisée.
Voilà quelques mois, lorsqu'il a fallu s'habituer à porter un masque, les adultes eux-mêmes ont pu avoir peur des conséquences pour la qualité de leurs interactions sociales. "Finalement, on a réussi à s'adapter : on communique par le regard, la gestuelle, les plis du front… Nos enfants sont comme nous, ils sont équipés pour gérer cette situation", sourit la spécialiste.
"Cette épidémie ne s'arrêtera que si tout le monde tire dans le même sens", conclut le professeur Yves Buisson, qui invite les parents à évoquer la question du port du masque à l'école de manière apaisée avec leurs enfants. "Il faut leur expliquer qu'il ne s'agit pas d'une contrainte, mais d'un jeu pour lequel tout le monde doit jouer collectif pour l'emporter."
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