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Chine : pourquoi les manifestations contre la politique du "zéro Covid" font trembler le régime de Xi Jinping

Article rédigé par Quang Pham
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des manifestants chantent des slogans contre la politique "zéro Covid", à Shanghai, en Chine, le 27 novembre 2022. (HECTOR RETAMAL / AFP)

Des manifestations contre les confinements incessants ont éclaté dans plusieurs villes dimanche. Ce mouvement commence à prendre un tournant politique en visant directement le régime.

Shanghai, Pékin... Des centaines de personnes sont descendues dans les rues, dimanche 27 novembre, dans plusieurs villes de Chine contre la politique du "zéro Covid" prônée par le gouvernement chinois. La cause de la colère des manifestants ? Un incendie meurtrier dans un immeuble résidentiel d'Urumqi, dans le nord-ouest de la Chine, jeudi, qui a tué 10 personnes et en a blessé neuf autres d'après l'agence Chine nouvelle.

Des messages sur les réseaux sociaux affirment que les mesures de confinement auxquelles était soumis l'immeuble incendié ont entravé l'intervention des pompiers. "Quand un quartier est bouclé [à cause de la quarantaine], des barrières sont installées partout, et des vidéos montrent que les camions des pompiers n'ont pas pu s'approcher de l'immeuble qui était en train de brûler", explique Marie Holzman, sinologue et présidente de l'association Solidarité Chine. Franceinfo vous explique pourquoi ces manifestations représentent un défi de taille pour le gouvernement chinois.

Parce que la contestation est portée par toutes les couches de la société

"En Chine, le ras-le-bol est généralisé contre la stratégie 'zéro Covid'. Toutes les couches de la population sont touchées par une politique sanitaire qui a des conséquences dramatiques pour l'économie, mais aussi sur la vie quotidienne", explique Valérie Niquet, spécialiste de l'Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). La contestation concerne aussi bien les ouvriers de la plus grande usine d'iPhone au monde, à Zhengzhou, qui ont manifesté pour dénoncer leurs conditions de vie, que "la classe moyenne qui profitait auparavant largement du système politique", souligne la spécialiste. En s'obstinant à mettre en œuvre une politique "zéro Covid" maximaliste, les autorités prennent le risque de se mettre à dos l'ensemble de la population en remettant en cause "le contrat social à la chinoise où, en échange d'une absence de libertés politiques, les habitants pouvaient bénéficier de conditions matérielles de vie correctes", pointe Valérie Niquet.

Parce que le mouvement se répand dans tout le pays 

Après l'incendie mortel d'Urumqi, les manifestations ont d'abord débuté au Xinjiang où, selon des vidéos partiellement vérifiées par l'AFP, des centaines de personnes sont descendues dans la rue pour demander de lever le confinement, "aussi bien des Chinois Han [l'ethnie majoritaire en Chine] que des Ouïghours [le peuple autochtone du Xinjiang]", remarque Marie Holzman. En solidarité, des rassemblements se sont constitués à Shanghai, où entre 500 et 1 000 personnes se sont réunies dimanche, confirme Arnauld Miguet, correspondant de France Télévisions en Chine. Dans la capitale, Pékin, les étudiants de la prestigieuse université de Tsinghua ont organisé leurs propres manifestations ainsi qu'à Nankin, Xian, Wuhan et Canton, selon des images recueillies par l'AFP qui cependant n'ont pas pu être vérifiées.

Parce que le régime est coincé par sa politique du "zéro Covid"

"Si le gouvernement lève subitement sa politique 'zéro Covid', les conséquences sanitaires seront importantes, avertit Valérie Niquet. La population chinoise n'est pas bien vaccinée". Par ailleurs, l'efficacité des vaccins chinois a été contestée en 2021 par un haut responsable de la santé en Chine et "le système de santé chinois n'est pas en capacité d'absorber une grande quantité de patients provenant d'une population qui n'est pas immunisée", souligne la chercheuse.

Mais plus encore, un reniement de la politique du "zéro Covid" affecterait la légitimité de Xi Jinping. "Cela serait totalement remettre en cause le discours du chef d'Etat chinois, qui affirme comme que la Chine et le Parti communiste ont remporté la victoire contre le Covid, contrairement à l'Occident" présenté comme notoirement inefficace durant la pandémie par le régime chinois. Au Xinjiang, la contestation a tout de même fait reculer les autorités locales, qui ont levé "toutes les mesures de confinement", précise Marie Holzman. 

Parce que les manifestants se mettent à critiquer ouvertement le régime

"La contestation actuelle ne peut être pour l'instant comparée au mouvement de Tiananmen de 1989", tempère Valérie Niquet, les manifestations en cours contre le Covid ne semblant pas s'être organisées autour de revendications comme la demande de la "démocratie", juge la spécialiste. Néanmoins, les rassemblements ont fait l'objet de messages critiquant ouvertement les autorités, une "chose très rare" en Chine, insiste Arnauld Miguet. A Shanghai, "la foule a scandé des slogans comme 'A bas Xi Jinping' ou 'A bas le Parti communiste' ", rapporte le correspondant, qui a constaté l'arrestation de trois manifestants par les forces de police. 

"C'est la première fois depuis 1989 que des slogans politiques sont revendiqués, à l'université de Tsinghua des étudiants ont ainsi demandé plus de libertés", révèle Marie Holzman. Si on ne peut prédire la suite que prendra le mouvement, c'est un "tournant", juge la sinologue. 

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