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Témoignage Confinement à Shanghai : "Je n'ai jamais vu ça, des habitants se mettent en colère contre l'autorité", raconte un Français

David Iosub vit depuis 17 ans en Chine. Il décrit les conditions d'un confinement extrêmement strictes et un "ras-le-bol" face à une situation de moins en moins comprise.

Article rédigé par franceinfo
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Des livreurs en tenue de protection délivrent les paniers de vivres de la semaine aux habitants de Shanghaï confinés en raison du Covid-19, le 16 avril 2022. (HECTOR RETAMAL / AFP)

"Notre préoccupation principale au quotidien est l'accès à l'eau et à la nourriture", raconte David Iosub lundi 18 avril à franceinfo. Ce Français installé en Chine depuis 17 ans est confiné depuis le 1er avril avec sa femme et son fils dans la vieille ville de Shanghai, où la politique "zéro Covid" est appliquée.

>> Covid-19 : "On ne peut même pas voir s'il fait jour ou nuit", témoigne un Français enfermé en "camp de quarantaine" à Shanghai

franceinfo : À quoi ressemblent vos journées ?

David Iosub : On ne voit pas vraiment les weekends, tous les jours se ressemblent. On attend de voir si on peut sortir, on attend de voir les nouvelles. Notre préoccupation principale au quotidien est l'accès à l'eau et à la nourriture. On avait fait quelques petites réserves entre les deux périodes de confinement, en début de mois, mais ce n'est pas éternel. On reçoit, une fois par semaine, un panier avec un peu de nourriture de la part du gouvernement local. 

"Avant-hier, on a reçu un petit panier avec deux oranges, trois pommes, deux carottes, deux pommes de terre, deux tomates, trois paquets de nouilles lyophilisées, un petit sachet avec des saucisses, deux rouleaux de papier-toilette. On est trois."

David Iosub

à franceinfo

On va peut-être avoir une autre livraison mais pour l'instant on n'a rien reçu d'autre pour cette semaine, sachant que les livraisons faites par coursier dans la ville ont été annulées, donc on a très très peu d'autres moyens de recevoir de la nourriture et même de l'eau.

Vous n'avez pas le droit de sortir du tout ?

Il y a trois niveaux de confinement à Shanghai. Il y a un niveau strict pour les résidences où il y a eu des cas de Covid-19 : les habitants ont deux semaines plus une semaine à attendre en espérant qu'il n'y ait pas de nouveau cas. C'est un confinement strict, ils ne peuvent pas sortir de chez eux sauf pour faire les tests. La catégorie deux : si pendant deux semaines il y a eu zéro cas dans la résidence, on peut sortir dans les parties communes pendant une semaine, on continue à se faire tester mais on ne peut toujours pas sortir de sa résidence. La troisième catégorie – dans laquelle je suis – on a passé trois semaines avec zéro cas dans notre résidence donc on a le droit techniquement de sortir de notre résidence. Ceci dit, le comité de quartier empêche les gens de sortir en disant que c'est plus raisonnable de ne pas le faire et que, de toute façon, toutes les boutiques, tous les magasins sont fermés. Ils essaient de nous dissuader de sortir. On a réussi à sortir une ou deux fois.

"Ils nous disent qu'on risque d'attraper le Covid-19 en sortant de chez soi et si on attrape le Covid-19, on remet toute la résidence dans la catégorie 1 - un confinement strict."

David Iosub

à franceinfo

Avec le risque aussi, si on est positif, d'être envoyé dans ces espèces de camps de regroupement des cas de Covid-19 que tout le monde veut éviter parce qu'on voit à la télévision que ce ne sont pas des conditions très agréables.

Notre journaliste sur place nous rapporte des scènes de révoltes à Shanghai. Les habitants commencent-ils à en avoir ras-le-bol ?

Il y a un ras-le-bol parce que les gens commencent à se rendre compte que la majeure partie des gens qui sont envoyés dans ces centres sont asymptomatiques. Actuellement, on a le variant Omicron, il est très contagieux mais il y a très peu de morts. On est, sur toute la Chine, à moins de 10 morts ces trois derniers mois donc c'est vraiment un niveau de risque qui est faible. Les gens qui sont positifs et envoyés dans ces centres sont asymptomatiques, ils ne comprennent pas vraiment quelle est la problématique et se disent qu'ils pourraient rester chez eux, qu'ils y seraient plus en sécurité parce qu'ils pourraient prendre leurs médicaments s'ils avaient des problèmes de santé, alors qu'arrivés dans ces camps, les conditions sont beaucoup plus spartiates. En 17 ans, je n'ai jamais vu ça, des habitants se mettre en colère contre l'autorité. Il y a un ras-le-bol surtout dans les très grandes résidences. Là où j'habite, nous sommes une petite trentaine, mais dans les résidences où il y a 2 000 ou 3 000 personnes, la probabilité qu'il y ait une personne qui soit atteinte du Covid-19 et qui remette l'intégralité de la résidence en confinement strict est beaucoup plus importante. De ce fait, il y a une incompréhension. Dans certaines résidences qui n'avaient pas de cas et où il y en a soudain un, les habitants se demandent si ça vient des livraisons ou des animaux de compagnie, donc ils commencent à créer une hystérie. Les gens se mettent à imaginer des raisons abracadabrantesques et c'est ça qui crée ces tensions.

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