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Quatre questions après la comparution de Didier Raoult devant la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins

Le désormais célèbre professeur marseillais est visé depuis l'an dernier par des plaintes auprès de l'Ordre des médecins, qui pointent notamment sa promotion de l'hydroxychloroquine. Il a fait face vendredi à la justice de ses pairs, à Bordeaux.

Article rédigé par franceinfo
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Didier Raoult et son avocat Fabrice Di Vizio lors de l'audition du premier par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine, le 5 novembre 2021 à Bordeaux (Gironde). (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Les passions déchaînées par le professeur Didier Raoult sont un peu retombées. Mais ses déclarations au sujet de l'hydroxychloroquine continuent de faire des vagues. Le directeur de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) a comparu, vendredi 5 novembre, devant la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux (Gironde). Une comparution consécutive à plusieurs plaintes déposées en 2020 auprès de cette juridiction qui sanctionne les entorses à la déontologie médicale.

Présent à l'audience, Didier Raoult a été accueilli par une trentaine de soutiens. "Ce sont les médecins qui se plaignent de nous, pas les patients", a-t-il estimé, continuant de défendre la "réussite" du traitement qu'il a promu. Franceinfo vous résume ce qui lui est reproché et ce qu'il risque, la décision étant attendue le 3 décembre. 

1Pourquoi Didier Raoult a-t-il comparu ?

Il a été entendu par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux, où ce dossier a été "dépaysé", puisque c'est à Marseille, où Didier Raoult exerce, que la plainte avait été déposée. Cette juridiction spécifique a pour mission de sanctionner les manquements au Code de déontologie médicale, explique le Conseil national de l'Ordre des médecins.

Cette audition découle de plusieurs saisines, dont celle de la Société de pathologie infectieuse de langue française, auprès de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône en septembre 2020. L'instance avait également reçu "de très nombreux courriers, mails, appels téléphoniques" s'émouvant des propos de Didier Raoult, expliquait l'avocat de l'Ordre à France 3. Elle avait déposé plainte en novembre et transmis le dossier à sa chambre disciplinaire. Puis, en décembre, c'est le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) qui avait déposé une plainte auprès de cette même chambre disciplinaire.

Didier Raoult avait riposté par une plainte pour "harcèlement" contre le président du Cnom, Patrick Bouet, déposée au parquet de Paris. Il a aussi porté plainte auprès de la chambre disciplinaire contre le vice-président de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, Guillaume Gorincour, pour "non-confraternité". Il lui reproche une cinquantaine de tweets le visant. Cette plainte a également été examinée vendredi.

2Qu'est-il reproché au professeur ? 

C'est notamment la promotion par Didier Raoult de l'hydroxychloroquine comme un traitement efficace contre le Covid-19 qui est visée. Le signalement de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) l'accuse notamment de "charlatanisme". Le terme a une définition bien précise dans le Code de déontologie médicale : "Proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé".

"Il a fait la promotion dans le grand public d'un produit à l'efficacité douteuse, et même plus que ça. On sait que ça ne marche pas", justifie le président de la Spilf, Pierre Tattevin, invité de franceinfo vendredi. Il ne reproche pas à Didier Raoult d'avoir utilisé ce médicament au tout début de l'épidémie, mais d'avoir persisté après mai 2020, quand les études "ont toutes montré que non seulement ça ne fonctionnait pas, mais qu'en plus il y avait un petit risque de décès associé à cela."

Selon Le Figaro, qui avait eu accès au texte de la saisine en septembre 2020, le Spilf estime également que le patron de l'IHU Méditerranée a manqué à l'obligation de "prudence" dans ses déclarations. Pas uniquement au sujet du traitement qu'il recommandait, mais aussi en mettant en doute la gravité de l'épidémie ou l'utilité du port du masque. "On peut se demander si ses prises de position très tranchées (…) n'ont pas contribué à nuire au message de prévention et de santé publique et donc à la protection de la population", écrivait le Spilf selon Le Figaro.

La façon dont Didier Raoult a mené ses propres essais sur le traitement est également visée, notamment le fait d'y avoir inclus des enfants, ajoute le quotidien. Enfin, la plainte lui reproche ses manquements à la "bonne confraternité" avec tous les médecins, un autre principe du Code de déontologie médicale. Philippe Carlini, avocat du conseil de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, estime qu'il y manqué à de nombreuses reprises par ses propos envers "les médecins qui ne pensent pas comme lui" dans ses interventions dans les médias et sur les réseaux sociaux.

3Comment s'est-il défendu ?

Didier Raoult a comparu pendant près de trois heures devant la chambre disciplinaire, présidée par un magistrat administratif assisté de huit médecins. "On fait le procès de la réussite" s'est défendu l'infectiologue marseillais de 69 ans, debout, pull vert et chemise à carreaux. 

"Ce sont les médecins qui se plaignent de nous, pas les patients", a-t-il lancé, assurant avoir reçu "plus de 600 000 patients" au sein de l'IHU durant la crise sanitaire, "sans aucune plainte". Devant ses pairs, le professeur a maintenu "la réussite" de son traitement, malgré la publication de plusieurs études concluant à l'absence d'effet de la molécule.

Pour son avocat, Me Fabrice Di Vizio, par ailleurs chantre des anti-vaccins, le sujet de l'hydroxychloroquine est un "faux débat". Son client, a-t-il dit, est jugé "comme un criminel", essentiellement pour ses prises de positions critiques sur la gestion de la crise sanitaire par les autorités.

4Que risque-t-il ?

Le Code de la déontologie médicale ne précise pas pour chaque article la peine encourue en cas d'entorse. La chambre disciplinaire peut choisir librement parmi un éventail de sanctions : l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire d'exercer (qui peut durer jusqu'à trois ans et être prononcée avec sursis), ou la radiation.

La décision a été mise en délibéré au 3 décembre. Les différentes parties pourront faire appel.

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