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Baisse des lits d'hospitalisation : "Il faut un vrai changement de politique de santé", affirme le professeur André Grimaldi de la Pitié-Salpêtrière

"Cela fait maintenant 20 ans que l'on est sur la même logique de réduction des lits de manière massive", constate amèrement André Grimaldi. Il dénonce la politique "du flux" qui considère "la santé comme une affaire commerciale comme une autre".

Article rédigé par franceinfo
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André Grimaldi, professeur émérite à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, fondateur du collectif Inter-Hôpitaux, le 14 janvier 2020. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

"Il faut un vrai changement de politique de santé", a plaidé mercredi 29 septembre sur franceinfo André Grimaldi, professeur émérite à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, fondateur du collectif Inter-Hôpitaux, alors que le Covid-19 n'a pas interrompu la réduction des capacités hospitalières. Au contraire, la crise sanitaire a en partie amplifié les fermetures de lits. Plus de 5 700 lits d'hospitalisation complète ont été fermés en 2020 dans les établissements de santé français, qui ont créé dans le même temps près de 1 400 places d'hospitalisation partielle, selon une étude du ministère de la Santé publiée mercredi.

franceinfo : Que retenez-vous de cette étude du ministère de la Santé ?

André Grimaldi : Cela fait maintenant 20 ans que l'on est sur la même logique de réduction des lits de manière massive. En psychiatrie, on a divisé par deux. On est passé en 100 000 à 50 000. Et en chirurgie obstétrique, on est passé de 400 000 à 300 000. C'est la même tendance sur vingt ans. Alors, bien sûr, il y a des progrès qui permettent l'ambulatoire. Encore faut-il le construire. Encore faut-il que cet ambulatoire soit adapté. Et cela explique pourquoi on a vu réapparaître les brancards aux urgences. Maintenant, on ferme des lits. Mais ce sont des lits et des soignants. Quand on parle de réanimation, il faut du personnel compétent, du personnel formé. Pour être un personnel formé, il faut plusieurs années.

Il n'y a donc pas assez de personnels ?

Début septembre, à l'Assistance Publique, 30% des lits étaient fermés par manque de personnel. Chaque année depuis des années, 10% des lits de réanimation sont fermés par manque de personnels. En 2019, lors l'épidémie de bronchiolite qui touche les nourrissons, 25 nourrissons n'ont pas pu être hospitalisés en réanimation en Ile-de-France et sont partis à plus de 200 km de Paris.

Donc les discours sur "je constate que la psychiatrie est sinistrée" comme le disait le président [Emmanuel Macron], c'est bien. Mais Agnès Buzyn, dès qu'elle est arrivée au ministère, a tenu le même discours. Donc il y a un problème d'orientation. Le Ségur a permis d'augmenter les salaires. Mais l'orientation politique n'a pas changé. Et quelle est cette orientation ? Cette orientation consiste à traiter la santé comme une affaire commerciale comme une autre, avec un slogan : pas de stock, du flux. Pas de stock pour les masques, du flux. Pas de stock pour les médicaments, du flux. Pas de stock pour les lits, du flux. Pas de stock pour le personnel, du flux. Il y a un an, le ministre annonçait 12 000 lits de réanimation. En réalité c'est 5 000. Avec les suppléments, on arrive à 6 200. Mais le personnel doit être formé. Ce n'est pas un personnel éphémère.

Sur les fermetures d'établissements, que répondez-vous à l'argument qui consiste à dire que, quand on ferme un établissement, c'est parfois pour des raisons de sécurité, parce qu'on ne pratique pas assez telle ou telle opération ?

Il est juste de vouloir développer la sécurité. Pour faire de la sécurité, il faut des personnels formés en nombre suffisant. Il faut aussi avoir une pratique. Évidemment, quand vous faites la chirurgie du cancer de l'ovaire ou la chirurgie du sein, il faut qu'il y ait un nombre de pratiques suffisant. Il est logique de dire que les établissements qui n'ont pas de pratiques suffisantes doivent être dirigés vers d'autres activités.

Mais là, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. À la Pitié-Salpêtrière, dans mon bâtiment, on a dit, on n'a plus assez de personnels, donc on arrête la formation. Quand on dit qu'on arrête la formation du personnel, on dégrade la qualité. Une cadre supérieure, la surveillante chef, dit aux infirmières, "il faut que vous renonciez à la qualité, arrêtez de vous poser des problèmes". Comment c'est possible ? Les discours ne suffiront pas. Il faut un vrai changement de politique de santé.

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