Levothyrox : "Il faut commencer par un bilan thyroïdien avant de changer de formule"
La ministre de la Santé a annoncé le retour de l'ancienne formule du médicament en pharmacie, répondant aux attentes de certains malades de la thyroïde. Un bon choix ? Franceinfo a posé la question à une endocrinologue.
C’est une première réponse aux attentes des malades de la thyroïde. La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé, vendredi 15 septembre, le retour de l’ancienne version du Levothyrox en pharmacie. En mars 2017, le laboratoire Merck, qui distribue le cachet, avait modifié sa composition à la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Pour améliorer sa conservation, deux excipients avaient été ajoutés : le mannitol et l’acide citrique, a priori inoffensifs aux doses incorporées.
Depuis, des milliers de cas d’effets secondaires indésirables sont observés chez certains patients : nausées, vertiges, prise de poids, problèmes gastriques... En tout, 9 000 signalements ont été enregistrés, à la fois sur la plateforme en ligne du gouvernement et le numéro vert dédié.
REVOIR - @agnesbuzyn : "J'ai demandé à l'agence du médicament que l'ancien #Levothyrox soit accessible." #le79Inter @ndemorand pic.twitter.com/8yB5StL46N
— France Inter (@franceinter) September 15, 2017
Mais ce retour à une ancienne formule et l'arrivée d'autres marques sont-elles une bonne solution ? N'y a-t-il pas un risque d'entraîner une nouvelle vague d'effets secondaires ? Franceinfo a posé ces questions à Nathalie Rich, endocrinologue à Gentilly (Val-de-Marne).
Franceinfo : La ministre de la Santé a annoncé la remise en service de l’ancien Levothyrox d’ici 15 jours. Est-ce une réponse médicalement adaptée au problème ? N’est-elle pas tardive ?
Nathalie Rich : C’est une bonne chose. Vu le vent de panique qu’il y a eu depuis trois semaines, cela va permettre d’apaiser la situation. J’ai eu énormément de mal à rassurer la population. Ça a été compliqué, j’ai beaucoup de patients qui appellent inquiets et cela prend beaucoup de temps de les écouter et les rassurer. Certains ont leur traitement depuis longtemps et ne viennent pas régulièrement en consultation, et n’étaient de ce fait pas avertis du changement de formule du Levothyrox.
Au début de la crise, les médecins n’étaient pas tous rentrés de vacances et il leur a fallu gérer la crise en revenant. Les patients avaient surtout besoin d’être entendus, informés et rassurés. Finalement, à part quelques patients dont le bilan thyroïdien était effectivement déséquilibré, je n’ai pas eu de retours particuliers sur des effets secondaires indésirables.
En quoi le Levothyrox est-il un médicament particulier ? Quelles sont ses spécificités ?
Déjà, il est utilisé par 3 millions de personnes. Ensuite, c’est un traitement hormonal substitutif, il comble un déficit : soit lié à une hypothyroïdie, c’est à dire un fonctionnement insuffisant de la thyroïde, soit lié à une ablation chirurgicale de la thyroïde. C’est aussi un médicament "à marge thérapeutique étroite" : les adaptations de dosage se font à 10 microgrammes près. C’est l’une des rares molécules pour lesquelles il est mentionné "non substituable" pour être certain de l’exactitude du dosage du principe actif.
Mais du coup, l'arrivée d'autres marques dans un mois ne risque-t-elle pas d’augmenter le nombre potentiel de dérèglements ?
Si on revient à l’ancienne formule, théoriquement il n’y a pas de risque de déséquilibre. On peut reprendre le même dosage qu’avant. Mais pour les autres marques du médicament, les unités de production diffèrent d’un pays à l’autre, donc la composition et biodisponibilité du traitement peuvent changer.
D’abord, il faut commencer par un bilan thyroïdien avant de changer de formule. Ensuite, compter 6 semaines à 3 mois pour mesurer les effets du changement en fonction du contexte. Le système hormonal a une grande inertie. Il faut savoir qu’on ne dose pas le médicament, on dose la réponse de l’organisme. Et les hormones thyroïdiennes ont une action sur de nombreux tissus de l’organisme : les nerfs, les muscles, le cœur, les os... Il faut donc attendre que les effets puissent s’observer sur le corps.
Ce que je recommande donc, c’est un bilan thyroïdien avant de changer de médicament, et le refaire en moyenne 2 à 3 mois après le changement de formule.
Certains patients atteints d’effets secondaires ont opté pour l’alternative du L-Tyrosine, la version sous forme de gouttes. Est-ce une bonne option ?
Non, on ne le recommande absolument pas. Déjà, sa conservation est difficile car cette formule est très instable. Il faut conserver le produit au réfrigérateur pour qu’il ne perde pas son efficacité au fil du temps. Sous cette formule, le principe actif, l’hormone, se dégrade à température ambiante.
De plus, le dosage du traitement en gouttes manque énormément de précision, puisqu’il est facile de se tromper en comptant le nombre de gouttes. De manière générale, la prise du Levothyrox, même en cachet, est contraignante. Il faut le prendre le matin, à jeun, ne rien manger ni fumer pendant la demi-heure qui suit… Le café ou le thé consommés simultanément diminuent l’absorption du cachet.
Enfin, c’est un médicament produit en petite quantité, qu’on réserve aux patients en réanimation, aux bébés, aux gens qui ont des problèmes de déglutition. C’est juste un traitement d’appoint.
Concrètement, en cas d’apparition d’effets secondaires, que faut-il faire ?
Déjà, il ne faut surtout pas arrêter le traitement ! Avant tout, il faut refaire un bilan thyroïdien et le transmettre au médecin. Cela consiste en une prise de sang pour déterminer le taux de TSH, la thyréostimuline, qui stimule le fonctionnement de la thyroïde. Si le chiffre du dosage n’est pas satisfaisant, on fait un ajustement du traitement.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.