Cet article date de plus de quatre ans.

Marseille : cinq questions qui se posent après la mort d'un septuagénaire disparu dans un hôpital

Un homme de 73 ans, atteint de la maladie d'Alzheimer, était venu pour une séance de chimiothérapie le 19 août. Il a été retrouvé deux semaines plus tard.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La façade de l'hôpital de la Convention, à Marseille, le 5 septembre 2019.  (MAXPPP)

Sa famille est "écœurée". La justice a ouvert, jeudi 5 septembre, une enquête après la mort d'un septuagénaire atteint de la maladie d'Alzheimer dans un hôpital de Marseille. Le corps de cet homme de 73 ans a été retrouvé en état de décomposition, deux semaines après sa disparition dans les locaux alors qu'il venait pour subir une chimiothérapie. Comment est-il mort ? Comment a-t-il pu se rendre dans une partie de l'hôpital censée ne pas être accessible au public ? Franceinfo répond aux questions qui se posent après ce drame.

Que s'est-il passé ? 

Tout commence le 19 août au matin, quand Jean Ligonnet se rend dans l'hôpital de la Conception, qui relève de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), pour une séance de chimiothérapie. Cet homme de 73 ans, atteint de démence sénile liée à la maladie d'Alzheimer, a depuis un an régulièrement rendez-vous en hôpital de jour dans l'établissement.

Ce jour-là, son traitement, très spécifique et pour lequel il vient spécialement du Var, prend du retard. Il doit donc patienter. Un plateau repas lui est fourni. Mais trois heures plus tard, à 14 heures, le personnel ne le trouve plus dans la salle d'attente, selon le récit de son fils à l'AFP.

Sans nouvelles de lui, sa famille part à sa recherche dans l'hôpital, placarde des avis de recherche autour de l'établissement et dans le quartier, lance un appel dans La Provence. De nombreuses recherches sont organisées dans l'hôpital, mais ce n'est que deux semaines après sa disparition que son corps est finalement retrouvé. Sa dépouille, en état de décomposition avancée, a été découverte deux étages plus haut, dans une partie de l'hôpital désaffectée et a priori inaccessible.

De quoi est-il mort ? 

Le vieil homme est, selon toute vraisemblance, mort seul. Une autopsie a été menée et elle "n'établit pas l'intervention d'un tiers", a annoncé le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux. Une enquête pour "homicide involontaire" a été ouverte pour déterminer les circonstances exactes de sa mort. L'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille a, de son côté, lancé une enquête interne.

Comment s'est-il retrouvé dans cette zone ?

Dans l'attente des résultats de ces deux enquêtes, plusieurs mystères demeurent. Le cadavre se trouvait à l'intérieur d'une chambre dont la poignée était cassée. L'unité désaffectée dans laquelle le corps a été retrouvé avait par ailleurs été fouillée plusieurs fois, sans qu'aucun bruit ou signe de présence ne soit décelé. Surtout, cette partie du bâtiment était verrouillée, même si le parcours de Jean Ligonnet a pu le mener jusqu'à une issue de secours, retrouvée fracturée.

Comment ont réagi ses proches ?

Avant même la découverte du corps, le fils de Jean Ligonnet, Jean Hospice, avait porté plainte contre l'hôpital pour "délaissement" d'une personne vulnérable. "Je suis dégoûté, écœuré, parce que mon père ne méritait pas de mourir dans des circonstances comme ça", a-t-il affirmé. 

Ils l'ont fait mourir comme un chien, et ils l'ont oublié.

Jean Hospice

à l'AFP

Pour son fils, le personnel n'a pas tout mis en œuvre pour le retrouver : "La directrice de l'établissement m'a dit qu'elle avait fouillé partout. Moi, je suis passé d'étage en étage, explique-t-il. Je demandais (...) s'ils avaient retrouvé mon père et les femmes des services me disaient qu'elles n'étaient pas au courant" de sa disparition.

Interrogée par La Provencesa nièce, Nathalie, assure que la famille "ne va pas en rester là". a fait onze mois qu'il fait ces chimios à la Conception, assure-t-elle. A chaque fois un personnel doit garder un œil sur lui et là l'infirmière nous explique qu'elle a seulement tourné la tête 30 secondes ! (...) Il avait 73 ans, il était très affaibli, il marchait tout doucement, je ne vois pas comment il a pu s'enfuir en 30 secondes." 

Comment se justifie l'hôpital ? 

Mercredi, lors d'une conférence de presse, Sylvia Breton, directrice adjointe de l'AP-HM, a présenté ses condoléances à la famille. "Notre métier est de soigner. Tout le monde se sent responsable", a-t-elle déclaré. Régulièrement confrontée à des fugues de patients, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille affirme avoir tout mis en œuvre pour le retrouver : fouilles répétées de tout l'établissement et de ses abords, visionnage de la vidéosurveillance, mobilisation générale des personnels encadrants... L'hôpital assure avoir mobilisé "des dizaines" de personnes.

"Il aurait été préférable qu'il soit accompagné. Il était désorienté et dément", a ajouté Sylvia Breton, soulignant que Jean Ligonnet vivait "en secteur fermé" dans une maison de retraite de la Seyne-sur-Mer (Var). Elle a regretté qu'il soit venu "seul", en taxi, suivre son traitement. Interrogée, la directrice de la maison de retraite a refusé de répondre, "par respect du deuil de la famille" et en raison de l’enquête judiciaire en cours.

"Nous n'étions pas au courant d'épisodes récents" de fugue, qui s'étaient produits peu avant au sein de son Ehpad, a de son côté précisé le professeur Régis Costello, chef du service d'hématologie. "Il était connu pour sa pathologie hématologique, pour sa pathologie neurologique, mais pas pour les fugues, a-t-il expliqué. C'est un patient qui ne posait aucun problème."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.