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Témoignages "C'est pire que l'été dernier" : le plafonnement des salaires des médecins intérimaires place des hôpitaux sous tension

Des praticiens intérimaires refusent de travailler dans les hôpitaux depuis la mise en place, le 3 avril, du plafonnement des salaires. Les conséquences se font déjà ressentir sur le fonctionnement des services de certains établissements publics.
Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un infirmier pousse un patient sur un brancard au service des urgences de l'hôpital Emile Muller à Mulhouse, le 16 janvier 2023. Photo d'illustration. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Pire que lors de l'été 2022. Les médecins hospitaliers alertent sur la situation des hôpitaux dans toute la France. En cause, l’application de la loi Rist par le gouvernement depuis deux semaines, le lundi 3 avril, qui plafonne le salaire des médecins intérimaires à 1 400 euros brut pour 24 heures de travail. Depuis, pour protester, de nombreux intérimaires refusent de venir travailler dans les hôpitaux qui sont contraints de tourner en sous-effectif.

>> REPORTAGE. "On remplace un, voire deux médecins à la fois" : le futur plafonnement du salaire des médecins intérimaires inquiète en pleine crise de l'hôpital public

Nous avons demandé à plusieurs hôpitaux de venir réaliser un reportage, mais toutes les directions ont refusé. Pourtant, des médecins titulaires ont tenu à témoigner de la situation, par téléphone et de façon anonyme pour éviter une sanction. C’est le cas de Jean-Marc, urgentiste dans un hôpital d’Auvergne-Rhône-Alpes où les intérimaires refusent de venir travailler depuis deux semaines : "On pourrait prendre l'exemple de vendredi où les délais de prise en charge des patients ont été épuisés avec autour de six ou sept heures pour avoir un premier contact médical. Quand il s'agit d'urgences graves, on arrive à toujours tout laisser tomber pour aller voir ces patients, mais c'est toujours au détriment de prises en charge qui peuvent attendre un peu plus, mais qui ne sont pas forcément des choses anodines."

"Cela va avoir aussi des conséquences sur les autres collègues parce que quand le chirurgien prend en charge un patient, par exemple, à 14 heures, c'est différent quand on l'appelle avec plusieurs heures de retard à 22 heures. Mais c'est un peu du quotidien malheureusement."

Jean-Marc, urgentiste

à franceinfo

Dans l’hôpital de Pierre qui est au cœur d’un désert médical, sans les intérimaires, il a fallu fermer les urgences la nuit. Et en journée, les médecins titulaires sont en sous-effectif mais aucun ne se résout à refuser des patients. "Il est absolument impossible de la part du Samu de dire par téléphone qu'une douleur abdominale n'est pas urgente, dénonce-t-il. Et encore pire pour une infirmière d'accueil de dire à travers un hygiaphone à un parent que son enfant qui a de la fièvre n'est pas un cas grave."

"Une drôle de manière d'organiser la santé en France"

Ces scènes se reproduisent partout en France regrette le Dr Arnaud Chiche, anesthésiste-réanimateur et Fondateur du collectif Santé en danger. "Il y a une liste d'une centaine de services concernés, explique-t-il. C'est forcément pire que l'été dernier. Le peu de médecins qui continuent à rester à l'hôpital finissent par être écœurés eux aussi."

Dans ce bras de fer avec les intérimaires, le gouvernement table sur le fait que les médecins intérimaires reviendront bientôt travailler à l’hôpital, avec la nouvelle rémunération de 1400 euros bruts maximum pour 24 heures. "Au bout d'un moment, ces médecins vont avoir besoin de travailler, ça c'est sûr, reconnaît Arnaud Chiche. Mais, c'est un climat qui est un peu malaisant. C'est une drôle de manière d'organiser la santé en France." Pour les médecins que nous avons interrogés, fatigués de cette énième crise de l’hôpital, la priorité serait de mieux payer les médecins et infirmiers titulaires et notamment les nuits, week-ends et jours fériés.

Sans intérimaires, des hôpitaux sous tension - Solenne Le Hen

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