Déficit historique des CHU : l'addition "d'une situation économique qui ne nous incombe pas et un abandon de l'État", selon le collectif Inter-Hôpitaux

Le président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille réclame "un plan Marshall pour l'hôpital public".
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le déficit des CHU a triplé en un 2023 (photo d'illustration). (EMMA BUONCRISTIANI / MAXPPP)

Lundi 29 janvier, les responsables des 32 centres hospitaliers universitaires de France ont réclamé au gouvernement des "mesures d'urgence après avoir annoncé faire face à un déficit cumulé de 1,2 milliard d'euros fin 2023". Un montant qui a triplé en l'espace d'une année. Pour Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (APHM) et membre du collectif Inter-Hôpitaux, la situation est due à l'addition de deux facteurs : "l'accumulation d'une situation économique qui ne nous incombe pas et un abandon de l'État sur son hôpital public".

franceinfo : Pourquoi une telle flambée, une telle dégradation en à peine un an ?

Jean-Luc Jouve : Il y a plusieurs facteurs : la flambée de l'inflation, la remise à niveau d'une partie des salaires des soignants qui a été établie par le Ségur et qui est faite avec une certaine parcimonie cependant, et puis il y a aussi des lits qu'on n'a pas pu rouvrir parce que, malgré des listes d'attente de patients, on a du personnel, notamment du personnel soignant, qui n'a pas rejoint les hôpitaux. Donc tous ces facteurs cumulés font que les recettes sont moins importantes et qu'on a un petit peu un abandon de l'État sur ce qu'il se passe actuellement dans l'hôpital public. On est sorti du ‘quoi qu'il en coûte’ du Covid et on est revenu à un niveau de médecine qui est celle de 2019, avec un niveau d'excellence et de technologie qui est majeur pour arriver à soigner tous les gens avec le niveau qu'on a. Donc on est tous en déficit de manière à peu près égale dans les 32 CHU de France.

C'est une situation, en termes financiers, qui n'avait jamais été vue depuis le début de la Ve République ?

Exactement. Il y a l'accumulation d'une situation économique qui ne nous incombe pas et un abandon de l'État sur son hôpital public. Je pense qu'on peut utiliser ce terme parce qu'on est un petit peu les jouets de manipulations économiques qui font qu'on a des annonces qui sont un petit peu des fausses annonces, comme celle du Premier ministre qui annonce 32 milliards d'euros pour l'hôpital public alors que c'est déjà de l'argent qui pour partie a été utilisé. On a 800 millions d'euros que l'assurance maladie devait donner dans le cadre de l'objectif national de dépenses, mais comme on a des lits fermés, elle récupère cet argent et nous, en attendant, on est endetté au point que même parfois, on a du mal à payer nos fournisseurs dans des délais convenables.

Les mesures issues du Ségur de la Santé n'ont pas été financées par l'État ?

D'abord, les mesures ne sont pas à la hauteur de ce que l'on pouvait en attendre. Et il y a des postes sur lesquels on a un besoin aigu que le travail soit valorisé de manière correcte, notamment les postes de nuit, notamment les postes de week-end, et ça aussi, c'est fait à chaque fois avec parcimonie, alors qu'on aurait carrément besoin d'un plan Marshall pour eux, pour l'hôpital public. Si on veut garder la qualité de notre médecine, la qualité de soins que l'on offre, comme dans tous les pays les plus médicalisés du monde, et qu'on offre à tout le monde, je crois qu'il faut que l'Etat entende ce message de plan Marshall pour l'hôpital public.

Est-ce que cette situation financière délicate hypothèque le futur en termes d'investissements, de matériels nouveaux ?

Complètement. Pour l'instant, on est dans une situation où des CHU arrivent à conserver un plateau technique de très haute qualité, comme par exemple chez moi au CHU de Marseille, mais on ne voit pas comment, si la situation perdure, on va arriver à conserver la maintenance, le changement de matériel dont on a besoin, mais également sur le plan humain, conserver l'attractivité pour les plus jeunes d'entre nous sur une médecine qui est une médecine passionnante mais qui demande du temps, qui consomme de la fatigue au niveau des soignants qui se sentent peu aidés sur cet aspect-là.

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