Crise de l'hôpital : Il faut "envoyer un message d'espoir" au personnel soignant, analyse le président de l’Institut Santé
"On a un énorme gâchis parce qu'on reste sur un système qui a déraillé et on essaie de le rafistoler plutôt que d'avoir une approche plus systémique", estime sur franceinfo Frédéric Bizard, président-fondateur de l'Institut Santé.
La crise de l'hôpital public "est la manifestation de la fin d'un système", a estimé jeudi 19 mai Frédéric Bizard, professeur d'économie à l'ESCP Business School, président-fondateur de l'Institut Santé. Rémi Salomon, président de conférence des présidents des commissions médicales d'établissement de CHU a alerté jeudi matin sur "un risque imminent de ruptures d'accès aux soins" par manque de personnels soignants. Il faut "envoyer un message d'espoir" à l'hôpital en expliquant que "les sacrifices nécessaires pour passer des crises sont des sacrifices temporaires", explique-t-il.
franceinfo : le malaise à l'hôpital public n'est pas nouveau ?
Frédéric Bizard : Les urgences étaient déjà dans une grève massive en 2019 et souvent on pense que les grèves sont des manifestations corporatistes d'un secteur. Mais c'est en fait un signal d'alarme qui a été tiré depuis longtemps, donc bien avant le Covid-19. Tout cela est la manifestation de la fin d'un système. On est en bout de cycle d'un système qui a été élaboré en 1945 et en 1958 et qui a fait toutes ses preuves pour permettre dans le monde du 20e siècle des pathologies aiguës d'avoir un accès aux soins parmi les meilleurs au monde, mais qui n'a pas du tout été pensé dans un environnement avec un vieillissement de la population historique entre 2010 et 2030, entre des pathologies qui ne sont plus aiguës, mais qui sont chroniques, ce qui change complètement la nature du risque avec un allongement du risque et donc un hôpital qui devient normalement un lieu de passage et plus le carrefour du système. Et puis une révolution technologique qui doit permettre véritablement avec la technologie d'améliorer considérablement les prises en charge. On a un énorme gâchis d'une ressource exceptionnelle en France, la ressource humaine, la ressource technologique, la ressource financière est unique au monde en France, mais on a un énorme gâchis parce qu'on reste sur un système qui a déraillé et on essaie de le rafistoler plutôt que d'avoir une approche plus systémique.
Ces alertes ont-elles été suffisamment prises au sérieux ?
Absolument pas. Encore une fois, on a pris ça pour un problème ponctuel, comme d'ailleurs on le fait aujourd'hui. Quand j'entends "il y a un problème cet été", mais il n'y a pas un problème cet été. Il y a un problème depuis des années et évidemment, il faut que le personnel prenne ses vacances. Rémi Salomon dit qu'il y a un problème de "reconnaissance". Ce n'est pas simplement un problème de reconnaissance. On a cru avec le Ségur de la santé qu'en augmentant de 186 euros chaque personnel, on allait leur envoyer un message. Mais le message qu'il faut envoyer, c'est "on vous demande un sacrifice qui est un sacrifice temporaire, ponctuel parce que l'on va transformer le système pour le remettre véritablement sur les bons rails et pour recréer des conditions de travail et une performance du système qui est celle que vous attendez."
Quel peut être la feuille de route du nouveau ministre de la Santé ?
Il y a deux choses à faire. La première, c'est la gouvernance. Pendant la crise sanitaire, quand on a été débordé, on a dit finalement, on laisse toute l'organisation des services dans les mains des médecins et comme par hasard, on a réussi à régler l'essentiel des problèmes. Cela ne doit pas être une mesure d'exception, ça doit être la règle. Évidemment, la haute fonction publique ne peut pas le faire. La deuxième chose, c'est d'envoyer un message d'espoir comme quoi les sacrifices nécessaires, notamment pour passer l'été ou pour passer des crises, sont des sacrifices temporaires. Et on n'est pas dans une espèce de droit commun parce que nous lançons une transformation du système de santé. C'est la feuille de route pour le nouveau ministre de la Santé.
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