Le Conseil d'Etat maintient l'anonymat des donneurs de sperme
Le Conseil d’État, saisi par Audrey Kermalvezen*, conçue par insémination artificielle avec donneur de sperme, qui mène depuis des années un combat judiciaire pour obtenir une levée partielle du secret de ses origines, a suivi les conclusions du rapporteur public.
L'anonymat des donneurs de sperme, prévu par la loi française, "n'est pas incompatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CEDH)", note le Conseil d’État, contrairement à ce que faisait valoir la requérante, Audrey Kermalvezen.
Dans sa décision, il souligne que "la règle de l'anonymat répond à l'objectif de préservation de la vie privée du donneur", mais "n'implique par elle-même aucune atteinte à la vie privée et familiale de la personne ainsi conçue, d'autant qu'il appartient aux seuls parents de décider de lever ou non le secret sur la conception de cette dernière".
Le Conseil d'État conclut que le législateur a établi "un juste équilibre entre les différents intérêts en présence".
Il souligne aussi qu'en écartant, lors de l'adoption de la loi sur la bioéthique du 7 juillet 2011, toute modification de la règle de l’anonymat, "le législateur s’est fondé sur plusieurs considérations d'intérêt général, notamment la sauvegarde de l'équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d'une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d'une remise en cause de l'éthique qui s’attache à toute démarche de don d'éléments ou de produits du corps".
Le Conseil d'État rappelle qu'il existe des exceptions qui permettent notamment "à un médecin d'accéder à ces données, en cas de nécessité thérapeutique" et également "à des fins de prévention, en particulier dans le cas d'un couple de personnes issues l'une et l'autre de dons de gamètes qui souhaiteraient s'assurer qu'elles n'ont pas pour origine le même donneur".
La requérante avait en effet fait valoir qu'elle était mariée avec un homme également né d'un don de gamètes, et pointait le risque potentiel d'une consanguinité.
Le Conseil d'État a relevé que si la juridiction administrative avait rejeté sa demande d'accès à ces informations, c'est parce que la requérante l'avait "présentée directement et non par l'intermédiaire d'un médecin, ce qui ne permettait pas de lui donner satisfaction".
Mais Audrey Kermalvezen a souligné jeudi auprès de l'AFP que lorsqu'elle avait fait sa demande de levée d'anonymat auprès de l'Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP), elle avait demandé que les informations lui soient remises, "ou à défaut à un médecin dont j'avais donné le nom". L'AP-HP lui a toujours indiqué que seule une "nécessité thérapeutique, c'est-à-dire être malade" pouvait justifier la levée de certaines informations sur le donneur, mais le Conseil d’État "sort de son chapeau" que cela peut aussi se faire "par prévention", a-t-elle toutefois noté.
Mme Kermalvezen entend quand même déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme.
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*Audrey Kermalvezen, avocate spécialisée en droit de la bioéthique et présidente de l'association Procréation Médicalement Anonyme, milite pour la reconnaissance d'un droit d'accès des personnes conçues par don de gamètes à leurs origines. Audrey Kermalvezen était l'invitée du Magazine de la santé, le 7 mai 2014.
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