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Greffe : des organes prélevés après arrêt de soins "inutiles"

C'est une première en France. Un hôpital, le centre hospitalier Annecy Genevois, a été autorisé à prélever des organes sur une personne décédée par arrêt du cœur contrôlé, c'est-à-dire après limitation ou arrêt des traitements.
Article rédigé par Bruno Rougier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Les délais d'attente pour une greffe d'organe augmentent © MAXPPP)

 Ce type de prélèvement, autorisé depuis 2005 par la Loi Léonetti, n'était pas pratiqué en France contrairement à de nombreux autres pays comme les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume Uni ou l'Espagne. Cette nouvelle possibilité pourrait augmenter le nombre d'organes disponibles pour la greffe.

Jusqu'à présent en France,  on ne pouvait prélever les organes d'un patient que dans deux cas : soit en cas de mort encéphalique c'est-à-dire quand le cerveau est irrémédiablement détruit, soit en cas d'arrêt cardiaque non contrôlé par exemple après un infarctus. L'autorisation délivrée hier ouvre une troisième voie : celle d'une personne qui est en soin intensif aux urgences et dont l'équipe décide de stopper des traitements.

Le professeur Olivier Bastien, directeur de la greffe et du prélèvement à l'agence de la biomédecine explique que cela se fera "après arrêt de traitements inutiles comme la ventilation artificielle, inutile parce qu'elle prolonge artificiellement la vie. Les médecins après une réunion collégiale avec l'ensemble du service, la famille et un intervenant extérieur vont définir les conditions de l'arrêt de ce traitement ".

 

 Pour encadrer cette nouvelle possibilité, et pour éviter toute crainte d'une euthanasie utilitaire, l'agence de la biomédecine précise, dans son protocole, qu'il ne doit y avoir aucun lien entre l'équipe de réanimation qui décide de stopper les traitements et celle qui s'occupera du prélèvement d'organes. Un sas étanche indispensable selon le professeur Denis Glotz, chef du service de néphrologie transplantation rénale à l'hôpital Saint-Louis. "C'est absolument fondamental. D'abord sur le plan humain. Quand on se bat des jours et des jours pour sauver un patient, c'est très difficile de changer totalement de casaque et de s'occuper de le prélever. C'est extrêmement important pour les familles. Donc il faut séparer les deux. Ce qui permettra en plus qu'il n'y ait aucune arrière-pensée sur 'vous l'avez laissé mourir car vous avez besoin d'organes…'' "

"En France, le taux de refus des familles augmente" (FNAIR)

 

 Une chose est sûre : aujourd'hui les délais d'attente pour une greffe sont longs par manque d'organes pour répondre à la demande. Si l'on regarde par exemple les greffes de rein, 10.000 personnes étaient en attente d'une greffe l'an dernier, 3000 seulement ont reçu un rein. En moyenne, l'attente pour une telle greffe est de trois ans mais parfois c'est beaucoup plus long. Odile Basse est toujours dans l'attente d'un nouveau rein : "J'ai attendu une première fois dix-huit ans. Il y a eu un rejet. J'attends toujours".

 

Cette nouvelle possibilité de prélèvement sur des patients décédés après arrêt du cœur contrôlé augmentera donc le nombre de reins, de foies, de poumons disponibles. C'est une bonne chose estime Gérard Labat, le président de la Fédération Nationale d'Aide aux Insuffisants Rénaux, mais cela doit s'accompagner d'une  meilleure information auprès des familles de donneurs. "En France, le taux de refus des familles augmente."

 

Reste une inconnue : combien d'organes supplémentaires seront disponibles grâce à cette nouvelle possibilité de prélèvement ? Du côté de l'agence de Biomédecine, on ne veut pas fixer d'objectif chiffré mais une chose est sûre : chaque organe supplémentaire est une bonne chose.

 

 

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