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Pénurie d'ophtalmologistes : en Moselle, pour recevoir tout le monde, c'est "cinq à six minutes par patient"

En Moselle, comme dans de nombreux départements, les ophtalmologistes sont une perle rare. Pour prendre en charge malgré tout les patients, ophtalmologues et opticiens doivent innover.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Cyrille Putz, ophtalmologiste à Thionville (Moselle), consulte son planning de consultations, le 2 février 2022.  (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Cela faisait "plus d'un an" que Daniel n’avait pas mis les pieds chez un ophtalmologue. S'il est venu dans ce cabinet de Thionville (Moselle), mercredi 2 février, c'est parce que son praticien est parti à la retraite. Mais déjà, quand il était en exercice, il fallait attendre "trois ou quatre mois" pour avoir un rendez-vous, raconte-t-il. Le manque d'ophtalmologues ne touche pas que lui : d'après le Rassemblement des opticiens de France (ROF), 25 millions de Français vivent dans des déserts médicaux visuels et 33% des habitants de la régoin Grand Est attendent au moins six mois pour avoir un rendez-vous. 

Dans le cabinet où s'est rendu Daniel, les boxs d’examens sont tous occupés. À l'intérieur de l’un d’eux, le docteur Cyrille Putz examine un patient : "On est là pour voir si c'est en train d'abîmer votre nerf optique", lui explique-t-il. Au total, il verra "une centaine" de patients dans sa journée de travail. "C'est énorme", concède-t-il. Pour pouvoir recevoir autant de personnes en une journée, il a dû s’entourer d’une équipe : trois secrétaires, une opticienne, une infirmière et une orthoptiste.

Pas de rendez-vous au-delà de trois mois

Pour ne pas refuser de nouveaux patients, qui seraient privés de suivi car leur praticien a fermé le cabinet, il a fallu trouver une stratégie. "On a bridé notre délai de rendez-vous. Je ne donne pas de rendez-vous au delà de trois mois, détaille Cyrille Putz. Tous les jours, des créneaux se libèrent. On peut donc absorber des nouveaux patients mais il faut aussi que les gens acceptent de voir le médecin moins longtemps." En effet, l'ophtalmologue ne peut dans ce système que consacrer "cinq à six minutes à chaque patient".

Afin pallier la pénurie d’ophtalmologues, les pouvoirs publics ont augmenté le nombre d’ophtalmologistes en formation. Mais, pendant qu’ils se forment, les départs en retraite, eux, se succèdent et créent le vide. "Sur le secteur d'Amnéville, depuis le 1er janvier, il n'en reste plus", s'alarme Frédéric Tinten, opticien qui est installé dans cette ville, juste à côté d'un ophtalmologue qui vient de partir en retraite. "On est passé de sept professionnels à zéro en vingt ans", déplore celui qui possède aussi des boutiques à Florange et Thionville. La zone est devenue un désert médical.  

S'appuyer davantage sur les opticiens

Face à ce contexte sanitaire difficile, le Rassemblement des opticiens de France a lancé une campagne d'affichage, notamment visible à l'entrée de Thionville, pour faciliter l'accès aux soins en Moselle. Les opticiens proposent de prendre en charge certains actes, ce qui pourrait soulager les ophtalmologues surchargés de la région. "Premièrement, la plupart des clients ne connaissent pas la législation actuelle. On a la chance de pouvoir renouveler les lunettes et les lentilles", détaille Frédéric Tinten. Une mesure encore méconnue d'après lui.

Selon l'opticien, sa profession peut même aller plus loin. "On peut proposer des actes de téléconsultation directement dans le magasin avec l'accord d'un ophtalmologue." Puis, l'opticien peut corriger et modifier la correction des verres des clients. "On a la formation pour, assure-t-il. Il faudrait donc réaménager le cadre de loi pour que l'ordonnance soit valable plus longtemps et qu'on puisse vérifier la vue." Ces solutions sont compilées dans une pétition mise en ligne par le ROF pour faciliter l’accès aux soins visuels.

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