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Salaires des chercheurs, formation, éthique... Ce que préconise le rapport Villani sur l'intelligence artificielle

Le député et mathématicien Cédric Villani rend, mercredi, ses propositions pour que la France ne rate pas le tournant de l'intelligence artificielle. franceinfo a pu consulter ce rapport.

Article rédigé par Jérôme Colombain - Édité par Alexandra du Boucheron
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Le député La République en marche et mathématicien, Cédric Villani, le 14 février 2018. (BERTRAND GUAY / AFP)

Comment faire de la France un pays en pointe sur l'intelligence artificielle (IA), ces technologies appelées à avoir un impact profond sur l'économie et la société ? Comment éviter la fuite de ses cerveaux à l'étranger où les chercheurs français sont parmi les plus courtisés ? C'est pour répondre à ces questions que le mathématicien et député La République en marche Cédric Villani a planché plusieurs mois. Il rend son rapport mercredi 28 mars et franceinfo a pu le consulter.

Derrière ce terme d'intelligence artificielle, se cache une discipline scientifique datant des années 50. L'idée est de reproduire l'intelligence humaine avec des ordinateurs. Pendant plusieurs années, la discipline a un peu piétiné. Elle s'est accélérée ces derniers temps grâce à l'augmentation de la puissance des machines et à la disponibilité des données numériques.

On le sait aujourd'hui : nous allons avoir besoin d'intelligence artificielle partout, de l'industrie à la santé en passant par l'environnement, l'énergie ou encore la défense. "L’intelligence artificielle est l’avenir non seulement de la Russie, mais de toute l’humanité. Celui qui deviendra le leader dans ce domaine sera le maître du monde", a bien déclaré Vladimir Poutine, le président russe, en septembre dernier.

Mettre la France et l'Europe sur les rails de l'IA

Certes, la France a de très bons chercheurs et des mathématiciens, mais elle fait face à une fuite des cerveaux. Surtout, elle n'a pas de plateforme de données comme les fameux GAFAM, les géants du web américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qui collectent ces données permettant de bâtir de l'intelligence artificielle. Pourtant, 54% des Français perçoivent l'intelligence artificielle comme porteuse d'opportunités pour la vie quotidienne (sondage CSA pour France Inter et Libération publié le 25 janvier 2018).   

Le rapport préconise justement de positionner la France et surtout l'Europe de manière forte dans ce domaine. La France, seule, ne pourra pas tout faire. Il faut une démarche européenne. "La course à l'intelligence artificielle s'est intensifiée sur la scène mondiale au cours des dernières années", prévient Cédric Villani, précisant que l'été dernier, la Chine a annoncé vouloir créer une industrie d'une valeur de 150 milliards de dollars pour son économie d'ici 2030. Le rapport propose notamment de "renforcer l’écosystème européen de la donnée" en incitant par exemple l'industrie à produire plus et à exploiter des données numériques.

Favoriser la recherche, prioriser l'effort

Beaucoup d'efforts sont aussi préconisés en ce qui concerne la recherche, comme rapprocher les chercheurs et les entreprises, ou augmenter l'attractivité de la France. Cela doit passer par les salaires (les salaires dans la Silicon Valley, aux États-Unis, sont très attractifs) : "Un minimum de doublement des salaires de début de carrière est indispensable sous peine de voir se tarir définitivement le flux de jeunes prêts à s’investir dans l’enseignement supérieur et la recherche académique", indique le rapport.

Mais les salaires ne font pas tout. Il faut aussi permettre aux chercheurs de bien travailler, de publier, d'avoir des moyens... Il est suggéré notamment de développer un supercalculateur pour la recherche. Tout cela en évitant "les logiques de saupoudrage", alerte le mathématicien qui recommande de concentrer l'effort sur "quatre secteurs prioritaires : santé, environnement, transports-mobilité et défense-sécurité". Le rapport insiste enfin sur la méthode à adopter : tester et étudier.

Avoir un "État exemplaire"

"L'État doit être un puissant moteur de ces transformations", indique le rapport qui recommande à l'État de se transformer en se donnant les moyens "pour intégrer l'intelligence artificielle à la conduite de ses politiques publiques". Cédric Villani préconise donc la mise en place d'un coordinateur interministériel dédié. Nous verrons si cette proposition est retenue par le président de la République. 

Être transparent et éthique

L'intelligence artificielle est au cœur d'un débat de société et de questions d'ordre éthique. Certains craignent une éventuelle domination du monde par les robots et les intelligences artificielles. On en est encore loin. En revanche, nous allons de plus en plus vers ce que les spécialistes appellent "une société algorithmique", c'est-à-dire rythmée par les algorithmes. Ce point est abordé dès le début du rapport : "Une société algorithmique ne doit pas être une société de boîtes noires", est-il écrit, sous-entendu une société où l'on ne sait pas ce qu'il se passe... On se souvient qu'en France, la plateforme Parcoursup, qui oriente les lycéens, a connu des problèmes d'algorithmes.

Le rapport Villani prône donc une transparence et une éthique des algorithmes afin, notamment, de ne pas reproduire les discriminations. Par exemple, les entreprises vont utiliser l'intelligence artificielle pour recruter et il s'agira de ne pas reproduire les déviances constatées dans le passé. Le document, qui s'intitule d'ailleurs "Donner un sens à l'intelligence artificielle", préconise de la régulation, de poser l'État comme un tiers de confiance et de prendre l'éthique dès la conception des algorithmes.

Utiliser l'IA au service de l'environnement

Le rapport propose aussi une intelligence artificielle respectueuse et au service de l'environnement pour aider à la transition énergétique. Dans l'agriculture par exemple, elle "peut aider à l’amélioration du bilan énergétique et à la diminution de l’utilisation d’intrants chimiques, via un meilleur suivi des rendements, un meilleur suivi des troupeaux, une amélioration de l’épidémiosurveillance, à partir des données des plants, des machines agricoles, des parcelles, de la météo, de l’agriculteur".

Mettre l'accent sur la formation

La robotisation et la destruction des emplois étaient l'un des thèmes de la dernière campagne présidentielle. On l'a vu notamment avec la "taxe robots", proposition de Benoît Hamon. Aujourd'hui, personne ne peut prédire ce qu'il va se passer à l'avenir. On estime que 90% à 100% des emplois vont être touchés par l'intelligence artificielle, mais de là à remplacer les métiers... Ce ne sera sans doute pas la mort du travail. 

En revanche, on estime aussi que 80% des emplois de 2030 n'existent pas encore. Le rapport Villani préconise donc de former plus de personnes à l'IA. Il faut "multiplier par trois le nombre de personnes formées en intelligence artificielle en France" d'ici trois ans, peut-on lire. Cela passera notamment par la création de nouveaux cursus et formations. Afin d'anticiper les conséquences de l'intelligence artificielle sur l'emploi, le rapport propose de "créer un lab public de la transformation du travail", une structure pérenne qui aurait un rôle de "tête-chercheuse" à l'intérieur des politiques publiques de l'emploi et de la formation professionnelle.

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