"La sociologue et l'ourson" : le mariage pour tous raconté par des peluches
Le film :
De septembre 2012 à mai 2013, la France s'enflamme sur le projet de loi du Mariage pour tous. Pendant ces neuf mois de gestation législative, Ia sociologue Irène Théry raconte à son fils les enjeux du débat. De ces récits naît un cinéma d'ours en peluches, de jouets, de bouts de cartons.
- Le film est une chronique de neuf mois de gestation sur la loi pour le mariage pour tous. Comment est née l'idée d'en faire un film ?
Etienne Chaillou, co-réalisateur du film : "Au départ, nous avons été happés par les histoires d'Irène. Je ne connaissais pas ce sujet, toute l'histoire de la famille, l'histoire du mariage… Et Irène nous avait prévenu que nous allions en entendre parler. Petit à petit, on s'est imprégnés du sujet et cela nous a passionné."
- Comment avez-vous choisi de parler du mariage pour tous sous forme d'animation ?
Etienne Chaillou : "Nous n'avons pas tout de suite eu l'idée d'en parler sous forme d'animation. Mais les peluches ont pris de la place au fur et à mesure du débat. Elles ont un effet de prise de distance par rapport à tout ce qui se passait. C'est d'ailleurs assez salutaire quand le débat sur le mariage pour tous s'est complexifié".
- N'a-t-il pas été difficile de faire passer ces messages autour de la famille ?
Irène Théry, sociologue : "Pour comprendre les affrontements au moment du mariage pour tous, principalement autour des enfants, il fallait avoir une idée qu'il y a une histoire de la famille. Et donc elle est réintégrée, grâce aux peluches aussi, à l'intérieur du film des événements."
Etienne Chaillou : "On sentait bien qu'on n'était pas de la même génération que celle de nos parents. Mais je n'avais jamais théorisé ça, je n'avais jamais compris les mécanismes qui expliquent pourquoi on est une génération un peu différente. Et Irène nous a raconté tout ça."
Irène Théry : "Sur la PMA, c'est capital. Cela fait presque un demi siècle qu'on organise des procréations médicalement assistées avec des dons de sperme. Mais on ne sait pas pour quelles raisons il y a un demi siècle, on a décidé de l'organiser et de le cacher. Savez-vous que l'on fait tout pour que les donneurs puissent par exemple avoir le même groupe sanguin que le père stérile pour pouvoir faire passer le père stérile pour le géniteur de l'enfant ? L'histoire longue reconstituée par les deux réalisateurs permet de comprendre cette logique du mensonge qui est très ancienne."
- La notion d'enfant dans la famille a-t-elle évolué ?
Irène Théry : "Je n'avais pas du tout pensé qu'ils allaient utiliser mon histoire personnelle. Ils m'ont enregistré à mon insu. Quand j'ai vu le film, j'étais très contente, mais je n'avais jamais parlé de ma propre famille. Mais il est vrai qu'elle illustre les changements du mariage. Qui aujourd'hui aurait l'idée de reprocher à un enfant que ses parents ne soient pas mariés ? Plus de la moitié des enfants naissent de parents non mariés. Et au temps de ma grand-mère, qui était ce qu'on appelait une bâtarde à l'époque, c'était une marque au front qu'on gardait toute sa vie."
- Y a-t-il eu des discussions conflictuelles sur le sujet ?
Etienne Chaillou : "Ça a été un peu conflictuel par moments, sur la GPA par exemple. Nous avons essayé d'être au maximum interrogatifs dans ce film. Mais nous avons appris beaucoup de choses. Par exemple, je ne m'étais jamais rendu compte que la PMA est dans la continuité d'une histoire. Ce n'est pas juste un progrès médical. Et il est très important de comprendre que c'est une technique qui est apparue mais qui avait des racines assez anciennes. On a donc essayé dans le film de raconter à chaque fois pourquoi les choses arrivent."
Irène Théry : "On organise des engendrements à trois depuis un demi siècle et on les maquille en procréation à deux. Les donneurs sont effacés. Du coup, pendant l'année du mariage pour tous, étonnamment on a reproché aux couples homosexuels de vouloir mentir aux enfants. On va faire croire aux enfants qu'ils peuvent naître de deux hommes ou de deux femmes, c'est l'argument majeur. Mais ce sont les couples qui ne mentent jamais. Jamais on a entendu deux lesbiennes expliquer à un enfant qu'il était né de leur lit. Ces couples révèlent un peu le pot aux roses du problème de notre droit bioéthique actuel. À mon avis, le sens du film, c'est d'appeler à ce qu'on s'interroge sur ce système mensonger plutôt que de désigner du doigt ceux qui révèlent le problème."
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