Dépistage du cancer du col de l'utérus : le peignage moléculaire à l'essai
En septembre 1997 [1], des chercheurs de l'institut Pasteur détaillaient dans la revue Science un protocole novateur pour analyser l'ADN. Dans les communiqués de l'époque, ils décrivaient une technique "précise, simple, peu coûteuse et aisément automatisable, [qui] devrait permettre d'importantes avancées dans le domaine du diagnostic des maladies génétiques". Toutefois, diverses contraintes financières et techniques ont ralenti l'essor de cette technologie.
Le procédé breveté par l'institut Pasteur, dont l'exploitation commerciale reste réservée à ses inventeurs, est encore très confidentiel. En 2011, "Le magazine de la santé" consacrait un reportage à l'application du peignage moléculaire dans le dépistage d'une forme rare de myopathie, la dystrophie facio-scapulo-humérale (ou FSHD) [2]. Le professeur Aaron Bensimon, co-auteur des travaux originaux, nous résumait le mécanisme du peignage moléculaire.
Comme pour toute technique d'analyse de l'ADN, la première étape consiste à extraire ces molécules du noyau des cellules, par des procédés usuels. Les longues double-hélices de protéines sont plongées dans une solution, dans laquelle est bientôt immergée une plaque de verre traitée chimiquement pour attirer l'extrémité des brins d'ADN. En retirant très lentement la plaque, la pelote d'ADN s'étire sous forme de fils parallèles, comme des cheveux longs au sortir du bain (d'où le nom de "peignage moléculaire"). Ces filaments adhèrent à la plaque, qui présente en ligne toutes les instructions de montage de notre organisme.
Pour lire le message, il reste à apparier certaines protéines avec des marqueurs phosphorescents, et à observer le résultat au microscope. Les chercheurs apprennent rapidement à différencier une séquence normale d'une autre présentant des anomalies, et ainsi révéler l'existence de mutations délétères.
Le matériel génétique viral a-t-il été intégré dans l'ADN humain ?
En cette fin décembre 2015, l'entreprise Genomic Vision, fondée par les inventeurs du procédé pour soutenir son développement, a initié avec le CHU de Reims un essai clinique pour évaluer l'intérêt du peignage moléculaire dans le dépistage de routine du cancer du col de l'utérus. Cet essai, baptisé IDAHO [3], impliquera 3.500 femmes, qui seront suivies trois années durant par onze centres hospitaliers répartis sur le territoire.
Lorsque le papillomavirus infecte les cellules du col de l'utérus, il transforme leur profil et leur activité. Plus le nombre de cellules affectées est important, plus les lésions sont importantes. Certaines de ces lésions peuvent évoluer en cancer. "Dans les cas où cette évolution cancéreuse est avérée, la présence de certaines souches de papillomavirus, dits "papillomavirus à haut risque" (ou HPV-HR) est démontrée dans 99,9% des cas", nous explique le Pr Olivier Graesslin, chef de service du département obstétrique du CHU de Reims, qui coordonnera l'essai.
Dans quatre cas sur cinq, les virus impliqués sont le HPV 16 et 18, "qui sont particulièrement agressifs". Mais actuellement, l'identification des souches de HPV présentes dans les lésions n'est pas effectuée en routine. Dans l'état actuel des connaissances scientifiques, l'intérêt de cette opération pourrait d'ailleurs être limité. "Si le HPV a infecté une cellule, il peut avoir introduit son matériel génétique dans le milieu cellulaire sans que celui-ci ne soit pour autant intégré à l'ADN [humain]", nous précise le Pr Graesslin. "L'hypothèse est que l'intégration de ce matériel génétique dans l'ADN augmente fortement le risque d'une évolution cancéreuse. C'est cette hypothèse que nous allons vérifier dans l'étude IDAHO".
Si l'étude venait confirmer cette théorie, il y aurait alors un grand intérêt à utiliser le peignage moléculaire en routine pour analyser les cellules récupérées lors des frottis vaginaux de femmes présentant des lésions avancées. Si l'ADN viral "à haut risque" est intégré à leur ADN, un suivi rapproché s'avèrerait particulièrement utile ; à l'inverse, il y aurait des raisons d'être rassuré si cette intégration n'est pas observée.
Dans une seconde phase de l'étude, les chercheurs envisagent de suivre, trois ans durant, des femmes présentant des lésions peu étendues. Il s'agira ici de déterminer si l'intégration de l'ADN viral est un prédicteur de l'évolution des lésions, tant en terme d'étendue et de vitesse de prolifération que d'évolution vers des formes cancéreuses.
[1] Les travaux dérivaient de recherches mises en œuvre sur la bactérie Escherichia coli en 1993.
[2] Selon la société d’exploitation commerciale du peignage moléculaire, le test de dépistage de la FSHD est commercialisé depuis 2013, et en France utilisé à l'hôpital de la Timone (Marseille) et une entreprise de diagnostic génétique nord-américaine, Quest Diagnostics.
[3] Pour "Intégration de l’ADN des HPV Oncogènes"
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