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Journée mondiale de l’autisme : "Il existe une inégalité sociale d’accès aux soins" en France

Toutefois, Jean-Marc Baleyte, pédopsychiatre au Centre hospitalier intercommunal de Créteil (Val-de-Marne) est optimiste, car "la puissance publique prend la mesure du scandale que ça représente et de la nécessité absolue de se mobiliser", a-t-il estimé, lundi sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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Une personne atteinte d'autisme au sein de l'association Sesame Autisme Franche-Comté, en 2012. (Photo d'illustration) (MAXPPP)

"Pendant trop longtemps, peu de professionnels et peu d’institutions étaient mobilisés à la hauteur des enjeux" en France. Le constat est signé du professeur Jean-Marc Baleyte, lundi 2 avril sur franceinfo, à l'occasion de la Journée mondiale de l'autisme. Le pédopsychiatre au Centre hospitalier intercommunal de Créteil (Val-de-Marne) a pointé du doigt le manque de formation "des professionnels en première ligne" pour le repérage de ce trouble génétique qui touche entre 400 000 et 700 000 personnes en France selon les estimations.

Pour Jean-Marc Baleyte, cette situation entraîne "une inégalité sociale d’accès aux soins". Par ailleurs, la France cumule d'importants retards en matière de détection et de prise en charge malgré plusieurs plans. Le gouvernement doit dévoiler le sien en fin de semaine.

franceinfo : Quels sont les symptômes qui caractérisent l’autisme ?

Jean-Marc Baleyte : S’il s’agit d’un bébé, il va y avoir un certain nombre de symptômes : des difficultés à accrocher le regard, des difficultés dans les mouvements du corps, dans un certain nombre de cas des cassures dans la croissance neuro-développementale. S’il n’a pas été diagnostiqué, c’est un enfant qui va souffrir de difficultés dans la communication, dans la compréhension des émotions et qui peut avoir un repli, un retrait et le besoin de figer son comportement dans des activités répétitives. Parfois, ces activités sont hermétiques et incompréhensibles pour l’entourage. Un enfant peut rester dans un coin, en répétant un mot indéfiniment ou aligner ses jouets et les taper.

Pourquoi est-ce si compliqué à diagnostiquer ?

C’est compliqué parce qu’un enfant peut être autiste avec un langage qui se développe normalement et une cognition normale. Mais, il peut aussi avoir une déficience intellectuelle ou peut avoir de façon associée une hyperactivité ou d’autres symptômes qu’il va falloir être capable de repérer pour les prendre en charge. Aujourd’hui, il y a insuffisamment de formation des professionnels en première ligne. Ceux qui travaillent dans les PMI (Protection Maternelle et Infantile), les écoles, les crèches sont insuffisamment formés pour repérer ces symptômes. Une fois que ce repérage est fait, c’est aussi très frustrant puisqu’on manque très souvent de structures d’aval. On ne peut pas laisser les parents de façon très cruelle en leur disant : "Le diagnostic est fait, mais nous ne pouvons pas prendre en charge votre enfant avant six mois, un an ou deux ans selon les endroits." Donc, aujourd’hui, il existe une inégalité sociale d’accès aux soins qui est la conséquence de cette différence d’accès aux soins pour les enfants qui sont diagnostiqués.

Peut-on vraiment faire progresser une personne qui souffre de troubles autistiques si elle est bien prise en charge ?

Absolument. C’est ce constat-là qui est à l’origine de l’exaspération d’un certain nombre d’acteurs et de familles. Sachant que plus ces enfants seront pris en charge de bonne heure, plus ils auront accès à des structures de soin, plus ça permettra leur inclusion scolaire et sociale. En retour, cette inclusion scolaire et sociale est ce qui va permettre de sortir de la pathologie. Donc, aujourd’hui, la réponse est vraiment oui. On ne sait pas tout des origines de l’autisme, on ne peut pas dire qu’on ait le traitement, mais on sait que les enfants qui ont bénéficié d’une prise en charge vont en tirer des bénéfices conséquents. Pendant trop longtemps, peu de professionnels et peu d’institutions étaient mobilisés à la hauteur des enjeux. Il y avait quelques médecins isolés - médecins, éducateurs, psychanalystes - qui avaient des initiatives très créatives, mais très isolées sans prendre la mesure de l’enjeu de santé publique. Aujourd’hui, heureusement, la puissance publique prend la mesure du scandale que ça représente et de la nécessité absolue de se mobiliser.

Est-ce qu'il y a beaucoup de personnes qui sont sans diagnostic, sans soins, sans thérapie ?

Oui et beaucoup d’entre-elles souffrent. Beaucoup de structures médicosociales pour adultes accueillent des personnes qui n’ont rien à y faire, qui sont des autistes qui n’ont jamais été diagnostiqués. De la même façon, beaucoup d’enfants et d’adolescents ne bénéficient pas des conditions qu’ils devraient mériter pour pouvoir grandir avec des conditions d’inclusion soit à l’école, soit ensuite dans le monde professionnel. Pour les jeunes adultes par exemple, beaucoup restent chez eux, sans activité, avec des parents très inquiets et sans ressource immédiate.

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