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Procès du Mediator : "Les victimes savent aujourd'hui que ce qu'on leur a fait est illégal, que c'est un crime", explique la pneumologue Irène Frachon

Le tribunal de Paris a rendu lundi son jugement à l'encontre des laboratoires Servier. Ils ont été reconnus coupables de "tromperie aggravée" et condamnés à 2,7 millions d'euros d'amende.

Article rédigé par franceinfo
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La pneumologue Irène Frachon au palais de justice de Paris avant l'annonce du jugement dans l'affaire dite du "Mediator", le 29 mars 2021. (THOMAS COEX / AFP)

Les laboratoires Servier ont été reconnus coupables de "tromperie aggravée" et d'"homicides et blessures involontaires" par le tribunal de Paris, plus de dix ans après le scandale du Mediator, un médicament tenu pour responsable de centaines de décès. "C'est une immense satisfaction et un très grand soulagement", a réagi lundi 29 mars sur franceinfo Irène Frachon, pneumologue du CHRU de Brest qui avait révélé ce scandale en 2010. "Les victimes savent aujourd'hui que ce qu'on leur a fait est illégal, que c'est un crime", a-t-elle ajouté.

franceinfo : Que pensez-vous de cette condamnation ?

Irène Frachon : Ce que je dénonce depuis 14 ans est pleinement reconnu et qualifié par le tribunal. C'est-à-dire que Servier a sciemment commercialisé pendant plus de dix ans un produit dont il avait caché la nature et dont il n'ignorait pas les risques. Pour le dire simplement, Servier a commercialisé sciemment un poison pour gagner de l'argent. Cela a engendré des milliers de victimes. Il s'agit d'un délit, d'une faute, d'un acte de "pharmacodélinquance", cela est dit aujourd'hui et c'est majeur.

C'est cela que je clame, que les personnes sont victimes d'un délit et non pas d'une erreur ou d'une faute. C'est fondamental de le reconnaître et de la qualifier. Cette condamnation est une immense satisfaction et un très grand soulagement. Les victimes savent aujourd'hui que ce qu'on leur a fait est illégal, que c'est un crime. Là où il y a une frustration c'est que la punition n'est pas à la hauteur de la gravité extrême de ce délit.

Condamné à payer 2,7 millions d'euros d'amende, le groupe Servier a été relaxé du délit d'"escroquerie". Trouvez-vous cela normal ?

C'est un industriel délinquant, on ne peut pas lui faire confiance. Il y a des sanctions qui sont faibles et qui peuvent laisser un sentiment de déception. Ce n'est pas qu'il n'y a pas eu escroquerie c'est que c'est prescrit. Le droit est parfois très frustrant.

L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps) a été condamnée à 303 000 euros d'amende pour avoir "gravement failli dans sa mission de police sanitaire". Que pensez-vous de cette condamnation ?

Elle a plaidé coupable, ce qui veut dire qu'elle a pris conscience de sa faiblesse d'alors, c'est très important, ce que ne fait toujours pas le laboratoire Servier. Le gendarme doit assumer son rôle. Il ne doit pas s'inquiéter des pressions ou des intimidations, et être attentif à la possibilité de la délinquance pharmaceutique et industrielle. Il faut beaucoup plus de clairvoyance.

Est-ce qu'il y aura d'autres procès dans ce genre ?

Restons mesurés, c'est un premier pas dans la reconnaissance de la délinquance pharmaceutique, du crime à col blanc. Un premier pas très important mais derrière les sanctions dissuasives manquent, et les conflits d'intérêt sont sanctionnés de manière assez modeste. Il y a plein de choses qui sont frustrantes, sur lesquelles il va falloir continuer à avancer, à réfléchir et à réformer profondément.

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