Sky Shield : le projet de bouclier antimissile européen, porté par l’Allemagne et critiqué par la France

L’Allemagne, à l'initiative de ce projet, a déjà rallié une vingtaine d'autres pays en Europe. Ce bouclier antimissile profitera des technologies américaines et israéliennes, notamment, mais n'aura aucun équipement de fabrication française.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Deux lanceurs Patriot, le système de défense aérienne américain, lors d'un exercice avec des soldats ukrainiens, dans une base militaire en Allemagne, en décembre 2023. (SEBASTIAN GOLLNOW / DPA / AFP)

Comment défendre l'Europe d’une éventuelle attaque aérienne ? Si un consensus existe au niveau des chefs d’État pour reconnaître que l’Europe doit renforcer sa défense, tout devient plus compliqué, notamment entre la France et l’Allemagne, dès qu’il s’agit d’organiser cette défense. Parmi les sujets de discorde, l’initiative européenne "Sky Shield", qui signifie "bouclier du ciel", autour de laquelle l’Allemagne est parvenue jusqu’ici à rallier 20 autres pays européens. C'est un modèle de défense calqué sur l’Iron Dome israélien, le meilleur bouclier antiaérien du monde, avec trois zones d’interception : courte, moyenne et exo-atmosphérique. En Ukraine, par exemple, pour la défense de moyenne portée, deux systèmes ont contribué non seulement à contrer les attaques de missiles russes, mais ils ont également permis de neutraliser deux Awacs, des avions rares et précieux pour la récolte de renseignements chez l’ennemi. Ces deux systèmes sont le Patriot américain et le Mamba de fabrication franco-italienne.

Pour défendre son ciel, l’Europe a donc l’embarras du choix et tout le problème est là. La France est furieuse pour plusieurs raisons. Dans le projet initial Sky Shield, l’Allemagne ne s’appuie sur aucun équipement de fabrication française. Sur la défense de moyenne portée, le Patriot américain est préféré au Mamba franco-italien et sur la défense exo-atmosphérique le bouclier européen s’appuierait sur l’expérience du système israélien. Alors que la France aurait préféré pouvoir profiter du projet pour tester Exoguard, un système développé par l’industriel français Astrium.

L'Allemagne en profite pour faire décoller les ventes du système Iris-T

Mais l’Allemagne a considéré qu’il fallait agir vite et a même précédé tout le monde en déboursant 3,5 milliards d’euros en septembre 2023, pour acquérir le modèle exo-atmosphérique israélien. L’Allemagne a montré l’exemple et son ministre de la Défense, Boris Pistorius, n’a pas eu besoin de forcer pour convaincre les autres pays de signer quelques jours plus tard un premier protocole d’entente. "Depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine nous observons à quel point il est important de disposer d’un système de défense sol-air au quotidien. Malheureusement, les attaques du Hamas contre Israël le prouvent aussi, même des organisations non étatiques peuvent déstabiliser les meilleures défenses antiaériennes. Dans ce contexte, l’initiative Sky Shield est un signe clair de notre engagement à contrer ces menaces", explique le ministre de la Défense allemand.

Cet empressement côté allemand est la deuxième source d’agacement côté français. Si toute l’Allemagne fait campagne pour le Sky Shield, c’est avant tout pour une histoire de gros sous : le marché exo-atmosphérique pour les Israéliens, la moyenne portée pour les Américains et la courte portée pour les Allemands. L'Allemagne en profite pour faire décoller les ventes du système Iris-T qui n’intéressait presque personne jusqu’ici. Le PDG de Rheinmetall, un poids lourd de la défense allemande, encourage encore aujourd’hui dans la presse et avec beaucoup de zèle, toutes les capitales européennes à se joindre au projet de bouclier aérien défendu par Berlin.

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