Russie-UE : pourquoi la minuscule enclave russe de Kaliningrad cristallise les tensions
Après quasiment quatre mois de guerre en Ukraine, un nouveau foyer de tension se dessine entre les Occidentaux et Moscou : Kaliningrad fait depuis lundi 20 juin l’objet de sanctions commerciales européennes. Or ce petit territoire russe enclavé dans l’Union européenne est un endroit très particulier.
Sur le papier, Kaliningrad est un confetti sur la carte : 15 000 km2 au total, une taille légèrement supérieure à un département français, 500 000 habitants. Mais Kaliningrad, qui est à la fois le nom de la région et de sa ville principale, est un symbole à plusieurs titres.
Par la géographie d’abord : c’est un petit territoire russe, mais coupé de la Russie. Beaucoup plus au nord par rapport à l’Ukraine, pris entre la Pologne et la Lituanie, donc entre deux pays de l’Union européenne. Uniquement relié à la Russie par une sorte de cordon ombilical d’une soixantaine de km de long, le corridor de Suwalki. C’est un symbole aussi par l’Histoire. Kaliningrad est resté, pendant près de dix siècles, territoire germanique, prussien puis allemand. On l’appelait alors Königsberg. Il est devenu soviétique en 1945, puis russe à l’éclatement de l’URSS.
Et c’est devenu un symbole militaire. Le territoire a été surarmé par Moscou, équipé d’avions et de missiles Iskander capables de porter des ogives nucléaires, à portée de tir de l’Occident. Et avec un accès précieux à la mer Baltique. Au début de ce mois, Moscou y a effectué des manœuvres imposantes, avec 60 bateaux et 10 000 soldats. Donc Kaliningrad, oui c’est petit. Mais pour Moscou, c’est un emblème.
Un territoire russe surarmé et désormais sous sanctions européennes
Dimanche 19 juin, la Lituanie voisine a donc décidé d’imposer des sanctions commerciales au petit territoire russe; Vilnius a décidé d’interdire le passage des convois commerciaux russes à destination de Kaliningrad. Dès l’instant où ils transportent des métaux, du charbon, des produits chimiques, des ordinateurs, des téléphones portables. Et dès le mois prochain, l’interdiction visera aussi le ciment ou l’alcool, autrement dit tous les produits visés par les sanctions européennes contre la Russie.
Pour la Lituanie, ce n’est officiellement rien de plus que l’application des décisions des 27. Mais c’est aussi évidemment l’expression de l’inquiétude de tous les pays baltes face à cette présence militaire russe à leurs portes. La Lituanie précise que seuls les convois terrestres, les trains de marchandises, sont concernés. Le passage par la mer reste possible. Et les trains de passagers restent autorisés.
Menaces de représailles de Moscou
Moscou regarde évidemment cela d’un œil très différent. Les autorités russes y voient une forme d’agression occidentale, un acte offensif de l’Otan. Le gouverneur de Kaliningrad souligne que les sanctions concernent tout de même entre 40 et 50% de l’approvisionnement de la région. Et hier, après l’annonce de la décision de la Lituanie, de nombreux habitants de Kaliningrad se sont précipités dans les supermarchés pour faire des réserves.
Moscou dénonce donc aujourd’hui "une action hostile" et brandit la menace de représailles "sérieuses" contre la Lituanie. L’hypothèse de nouvelles attaques "hybrides", offensives cyber et numériques, parait plausible. Mais on entend aussi certaines voix, sur les réseaux sociaux russes, appeler carrément à une prise de contrôle par la force du corridor de Suwalki. Ce petit territoire de Kaliningrad est donc un baril de poudre. Et tout ce qui s’y passe peut avoir des effets en chaîne considérables. L’Histoire est truffée de conflits majeurs déclenchés par des querelles autour d’un confetti.
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