Pérou : un laboratoire pour préserver 1 400 variétés de pommes de terres
Le dérèglement climatique aura-t-il la peau du tubercule le plus essentiel à notre alimentation ? C’est ce que tentent d’éviter, au Pérou, les gardiens du Parc de la pomme de terre. Ils protègent, préservent et observent les 1 400 variétés encore cultivées dans la cordillère des Andes.
Au cœur de la Vallée de l’Inca, sur la route qui mène au Machu Picchu, terre natale il y a 8 000 ans de la pomme de terre, se situe la base alimentaire des communautés quechuas de toute cette région. Voici quelques-unes de ces variétés : la patte de puma, le nez de Lama, ou plus poétique, celle qui fait pleurer les belles filles, elles sont rose, rouge, blanche, violette, mais elles sont de plus en plus menacées.
Les Andes se réchauffent, en 30 ans les glaciers péruviens ont perdu 50% de leur surface. Le climat sec et très frais de la région est chaque année confronté à l’arrivée d’un air plus humide, à la hausse des températures - particulièrement cette année avec le phénomène d’El Nino. Ces changements exposent les récoltes à de nouvelles maladies et de nouveaux parasites, comme celui de la gale commune qui, potentiellement, peut rapidement faire disparaître toutes ces variétés.
Un sanctuaire des techniques de cultures ancestrales
L’idée du Parc de la pomme de terre, c’est de faire en sorte de les conserver avant qu’elles ne disparaissent. Ce parc est un sanctuaire des techniques de cultures ancestrales, on y utilise de simples bêches et du fumier de ferme, rien d’autre. Et surtout, ces indiens quechuas récoltent, non seulement les tubercules, mais aussi les graines de pomme de terre pour les mettre à l’abri. Une démarche vitale pour Lino Mamani Huarca, représentant de la communauté Amaru du Parc de la pomme de terre. "Pour nous cette banque de graines, c’est notre Arche de Noé. Et nous, nous sommes les gardiens de la pomme de terre. Si nous conservons autant de variétés, c’est pour préserver notre sécurité alimentaire. Si le réchauffement climatique fait disparaître certaines variétés, nous avons tout le reste sous la main. Et ça, grâce à la technique de nos ancêtres", explique-t-il.
Un laboratoire qui confronte les variétés à l’évolution des températures
Mais ces indiens quechuas sont obligés de planter aujourd’hui 300 mètres plus haut que leurs ancêtres pour aller chercher de la fraîcheur. Là aussi, ce parc est un laboratoire. Pour les communautés quechuas du Pérou, il faut absolument continuer de cultiver ces pommes de terre. Elles ont envoyé les échantillons à la Réserve Mondiale du Svalbard, en Norvège, ce bunker où sont enfermées près d’un million de semences de toutes les espèces alimentaires de la planète. Mais leur conviction, c’est qu’il faut laisser la possibilité à ces variétés de s’adapter au changement de climat, d’opérer leur propre mutation. Les conserver dans un bunker, c’est un peu comme les mettre au musée et considérer qu’elles sont déjà mortes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.