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Les jeunes et les internautes font plier la police au Nigeria

Dans ce pays, le plus peuplé d'Afrique, la tension est forte depuis le 6 octobre sur la question des violences policières. Et la mobilisation, à la fois dans la rue et sur Internet, a déjà fait reculer en partie le pouvoir politique.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les manifestants d'EndSARS occupent l'Assemblée de l'Etat de Lagos à Alausa (Ikeja) à Lagos, la capitale économique du Nigeria, le vendredi 9 octobre 2020. Les manifestants appellent à la dissolution de l'unité de police, Special Anti-Robbery Squad (SARS) accusée de harcèlement et de brutalité envers des personnes innocentes.  (ADEKUNLE AJAYI / NURPHOTO)

Voilà sept jours non-stop, depuis le 6 octobre, que les manifestants réclament la fin de la SARS. La SARS c’est une unité de la police créée il y a près de 30 ans au Nigeria et spécialisée dans la lutte contre la criminalité, un peu un équivalent de la BAC en France. Sauf qu’au fil des mois, la SARS a complètement dérivé : arrestations illégales, racket de la population, et même soupçons de torture et de meurtres. Bref, elle s’est arrogé un permis de tuer. Le Nigeria, et ses 200 millions d’habitants, est gangrené par la violence. Dimanche 11 octobre, devant la pression populaire, l’unité a été officiellement dissoute. Mais la mobilisation continue. Des milliers de jeunes, en dehors de tout parti politique, ont à nouveau défilé hier dans les grandes villes du pays, Abuja la capitale fédérale, et surtout l’immense Lagos, la capitale économique, 20 millions d’habitants. Quatre manifestants ont été tués dont deux le lundi 11 octobre. Le président nigérian, Muhammadu Buhari, a promis une enquête sur les circonstances de ces décès.  

52 millions de messages sur les réseaux sociaux

La mobilisation agite encore plus les réseaux sociaux que la rue : sur Facebook mais surtout Instagram et Twitter, c' est spectaculaire. Tout est d’ailleurs partie d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux où l’on voit des policiers présumés de la SARS en train de tuer un homme dans le Nord du pays. En quatre jours, la mobilisation sur Internet s’est envolée, avec l’appui de plusieurs stars de la musique Afropop, très connues au Nigeria comme Wizkid (20 millions d’abonnés sur les réseaux), Burna Boy (6 millions d’abonnés sur Instagram). Vendredi 9 octobre, le sujet « violences policières au Nigeria » est même devenu pendant quelques heures le sujet le plus discuté au monde sur Twitter ! 52 millions de messages ont été échangés à ce propos !  Facebook et Twitter comptent 27 millions d’utilisateurs au Nigeria, 13% de la population. Et c’est sans doute cette mobilisation sur Internet qui a fait reculer le pouvoir, beaucoup plus que les manifestations de rue.

Le retour en politique des stars de la musique

Cette mobilisation continue car la dissolution de l’unité controversée ne résout pas tout. Les policiers qui composent la SARS vont en effet être redéployés dans d’autres unités, sans avoir à répondre de leurs actes. Les manifestants craignent donc que les violences policières continuent et soient juste déplacées. Et puis ce premier résultat encourage la population à aller plus loin. Elle montre que le pouvoir recule devant la puissance des réseaux sociaux et consacre le retour sur la scène politique des grandes vedettes de la musique au Nigeria. Dans la tradition du célèbre Fela Kuti qui, dans les années 1970 et 1980, dénonçait sans répit la corruption des élites. Pour le pouvoir nigérian, c’est donc aussi une forme d’avertissement.  

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